Ce blog rassemble des informations et des réflexions sur l'avenir qui nous attend.

This blog presents informations and views about the future.

dimanche 19 mars 2017

Destruction créatrice et disruption / Destructive creation and disruption


Technological innovation involves destructive creation as was shown by Joseph Schumpeter during the last century. New technologies create a new world by destroying the existing one., through successive waves. The industrial revolution destroyed the world of water and wind mills, the automotive car replaced the horse-drawn carriage, the machine eliminated most of the physical labour and now artificial intelligence might eliminate any need of a human intervention whatsoever. Destructive creation is at the core of the capitalistic system, as the key for improving its margin of profit. Innovation becomes the main driver of the economy and the prerequisite of any economic success. The economic progress tends however to conceal the destruction at work within any innovation process. This destruction impacts the environment and the ways of life. If it does not take into account the cultural dimension, it becomes a disruptive transformation which can represent a "new form of barbarism", according to Adorno and Horkheimer, quoted by Bernard Stiegler in a recent book. Such a disruption inverts the project planned by the Enlightenment, at the origin of modernity. Technology is no more driven by the Reason, but, on the contrary, it is Reason which has to adapt itself to its irresistible movement. This situation is made worse by globalization, which makes even more difficult the conciliation between culture and the technological environment; Instead, the technological innovation becomes a tool for the subjugation to a globalized way of life. Bernard Stiegler considers even that the  inability of the human being to conform oneself to the explosive growth of the digital technology leads to a kind of madness. Rather than expanding permanently the creative.destruction, Pierre Caye proposes to favor the concepts of heritage, land development and architecture, which can be preserved and transmitted to the following generations. It is the only way to give a real meaning to sustainable development. 

L'innovation technologique se nourrit de destruction créatrice comme l'avait montré Joseph Schumpeter au siècle dernier. Les nouvelles technologies détruisent un monde pour en créer un autre. Elles procèdent ainsi par vagues successives. La révolution industrielle a ainsi détruit le monde  des moulins, la voiture à essence a remplacé les calèches, le moteur électrique s'est substitué à la machine à vapeur, la machine s'est substituée au labeur physique et à présent l'intelligence artificielle permet de produire toujours plus, en se passant de toute intervention humaine. Cette destruction créatrice est au cœur du système capitaliste, en lui permettant d'augmenter constamment ses marges de profit. L'innovation devient le moteur de l'économie et la condition même de tout succès. Le progrès économique tend toutefois à occulter la destruction à l'oeuvre dans tout processus d'innovation. Cette destruction touche l'environnement et les modes de vie. Si elle ne tient pas compte de la dimension culturelle, elles se transforme en disruption destructrice du système social, c'est à dire une "nouvelle forme de barbarie", selon l'expression introduite par Adorno et Horkheimer, rappelée par Bernard Stiegler dans un ouvrage récent. La disruption inverse le projet de la philosophie des Lumières, à l'origine de la modernité. L'innovation technologique n'est plus un projet conçu par la Raison, mais celle-ci doit s'adapter au mouvement irrésistible de la technologie. Cette situation est aggravée par la globalisation, qui ne permet plus d'associer une culture à un environnement; Au contraire l'innovation technologique devient l'outil de l'asservissement à un mode vie globalisé. Bernard Stiegler estime même que l'incapacité de l'être humain à s'adapter au caractère foudroyant de la révolution numérique conduit à une forme de folie.
A la destruction créatrice, Pierre Caye oppose les notions de patrimoine, d'aménagement du territoire, d'architecture, qui permettent de préserver et de transmettre aux générations suivantes ce qui a été acquis par les générations antérieures. C'est à cette condition que la notion de développement durable peut trouver un sens.

mardi 7 mars 2017

La crise de l'art postmoderne / The crisis of postmodern art



As the whole flat world, art has entered into postmodernity. Postmodernism disclaims any reference, overlaying various borrowings, using parody and pastiche. It dismisses any foundation or "grand narrative", i.e. any philosophical, political or religious system of thought. Il deconstructs the world. Postmodernism is the cultural counterpart of neoliberalism It is coherent with the absence of finality in a world governed by the Market. Its relativism is best suited to a world governed by economics. The value of everything fluctuates with supply and demand as stockmarket transactions. Therefore, nothing can be considered as false, ugly or immoral, if somebody is ready to pay. Everything can be bought and sold. Postmodern art becomes a tool for speculation, similar to hedge funds. Postmodern culture could be called also neoliberal, as it evolves according to the laws of the Market, totally open to globalization. Its composite style is well suited to the taste of nouveaux riches, those who are ready to reconstruct Loire castles or Venice canals. A large share of contemporary art follows those lines. It does not hesitate to deploy decorative kitsch. Jeff Koons, one of the best known contemporary artists, is famous for his inflatable rabbits and balloon dogs. Decorative paintings suit the Market as demonstrated by the smiling flowers of the pop-artist Takashi Murakami. Other artists claim derision and the rejection of good taste. A posh provocation as illustrated by Damien Hirst, when he displays diamonds on a skull, is well suited for a  reproduction on glossy paper. Some artists such as  David Salle claim that they are involved in « bad painting », as they mix unrelated images, without any attempt of coherenceAmong these different works, some may be worth posterity. It is still difficult to know which of them will remain. Few seem able to raise the level of consciousness. Still, the end of art, as suggested by the philosopher Arthur C. Danto, is unlikely. Art is not ending, no more than history. In the future, art might be able to reject the Market dictatorship, and illustrate exits from the flat world of postmodernity. Some artists, still unrecognized, are probably preparing the  art.of tomorrow  

Comme l'ensemble du monde plat, l'art contemporain est entré dans la postmodernité. Le postmodernisme a renoncé à toute référence fixe, en pratiquant des emprunts à différentes cultures et en prônant le syncrétisme des styles ou des époques. Sur le plan des valeurs et des idées, il marque le renoncement à des repères fixes, en maniant la dérision et l'ironie. Quand il reprend un thème antérieur, c’est le plus souvent sous la forme de pastiche. Il abandonne tout fondement et admet la fin des « grands récits », c’est-à-dire de tous les grands systèmes d’explication du monde, qu’ils soient philosophiques, politiques ou religieux. Il déconstruit le monde.
 Le postmodernisme est le pendant culturel du néolibéralisme économique. Il est cohérent avec l’absence de finalité d’un monde gouverné par le Marché. Le relativisme postmoderne est, en fait, la forme de pensée la mieux adaptée à un système régi par les seules lois économiques. La valeur de toute chose fluctue en fonction de l’offre et de la demande comme les actions en Bourse. Par conséquent, rien ne peut être considéré comme faux, laid ou immoral, à partir du moment où il existe un acheteur prêt à payer. Tout s’achète et se vend. L'art postmoderne sert à spéculer, au même titre que les fonds dérivés. La culture postmoderne pourrait donc être qualifiée aussi bien de culture néolibérale, car elle se construit en fonction des seules lois du Marché. Totalement ouverte à la globalisation, elle se construit en dehors des références culturelles nationales ou régionales. Le style composite qu’elle propose est parfaitement adapté aux goûts des nouveaux riches, ceux qui sont prêts à reconstruire les châteaux de la Loire ou les canaux de Venise.
   Une part importante de l’art contemporain se situe dans cette veine, n’hésitant pas à miser sur le kitsch décoratif. L’un des artistes contemporains les plus connus, Jeff Koons, qui s’est fait connaître par ses lapins gonflables et ses chiens en ballons multicolores, est parfaitement représentatif de cette tendance. Les effets décoratifs se vendent bien, comme les papiers peints couverts de fleurs multicolores que propose  Takashi Murakami. D'autres artistes revendiquent le jeu de la dérision, le rejet du bon goût, La provocation "chic" comme celle que pratique Damien Hirst, en disposant des diamants sur un crane, facilite la reproduction sur papier glacé. Il est possible également de revendiquer, comme le fait le peintre David Salle, le « bad painting », en pratiquant le télescopage d’images sans rapport, ni sur le plan du style, ni sur celui du récit.
   Parmi ces oeuvres diverses, sans rapport les unes avec les autres, certaines passeront peut-être à la postérité. Il est bien difficile d'en juger. Peu d'entre elles sont susceptibles d'élever le niveau de conscience. Pour autant, la prétention du postmodernisme d'incarner la fin de l'art annoncée par Arthur C. Danto n'est sans doute pas justifiée. L'art ne connait pas de fin, pas plus que l'histoire. Le néolibéralisme sombrera à son tour. Un jour viendra peut-être où l'art sera capable de renoncer au Marché, pour proposer des issues au monde plat de la postmodernité. Certains artistes, aujourd'hui méconnus, préparent sans doute la relève.

dimanche 19 février 2017

De l'utopie moderne à la dystopie postmoderne / From modern utopia to postmodern dystopia


The modern utopia was based upon the philosophy of Enlightenment. It was admitted that Reason would guide the world towards the technical and moral progress. During the XXth century, the advent of totalitarian regimes contributed to dismiss this optimistic vision. Still, the reconstruction of democracy after the Second World war fueled the hope of a better future. The welfare state, which was built in Europe, ensuring liberty, equality and fraternity among the citizens, appeared, to a large extent, as the fulfillment of the modern utopia. The fall of the former USSR seemed to provide the confirmation that such an ideal would be accepted by the whole world. 
Unfortunately, this modern utopia was replaced by another one, the neoliberal postmodern utopiaThe postmodern vision excludes any constructive thinking. There are no foundations or absolute values. Everything is relative. This postmodern vision is in accordance with neoliberalism, which rejects any regulating principle. Whereas classical liberalism accepted a reciprocity no-harm principle, neoliberalism relies only  upon power relations, assuming a Darwinian logic of competition, leading to the hegemony of the winner. Competition is supposed to be more efficient than cooperation, as it gives the power to the stronger. No regulation can interfere with the Market, which is supposed to lead to the only acceptable optimum .This logic applies to the relations between nations, which are governed by the economic or military power. Military interventions are just an extension of financial wars. Thus, major issues such as the prevention of global warming, biodiversity, poverty, unemployment cannot be correctly addressed. Sustainable development is incompatible with such a system. Furthermore, geopolitical tensions which result from this policy prevent international cooperation. 
This flat world, devoid of meaning and vision for the future, is now falling apart, but it is still difficult to know whether the present turmoil is leading us to a disaster or some kind of renewal.

L'utopie moderne était fondée sur les Lumières. La Raison allait guider le Monde vers le progrès technique et moral, ainsi que « la destruction de l’inégalité entre nations, les progrès de l’égalité dans un même peuple, enfin le perfectionnement réel de l’homme », comme l’annonçait Condorcet. Les régimes totalitaires, qui ont imposé leur marque au XXsiècle, ont apporté un cruel démenti à cette vision optimiste. Toutefois, la reconstruction de la démocratie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale laissait espérer un avenir meilleur. L'Etat-providence, tel qu'il a été construit en Europe, veillant à préserver la liberté, l'égalité et la fraternité entre les citoyens, pouvait apparaître comme l'incarnation de l'utopie moderne. La chute de l'URSS semblait annoncer l'extension de cet idéal à la Terre entière.
Malheureusement, à cette utopie moderne s'est substituée, une autre utopie, l'utopie postmoderne. Selon la vision postmoderne, il n'existe plus de fondement valable, ni de sens dans un monde entièrement contingent. Toute création n'est que simulacre, qu'il importe de déconstruire pour ne pas tomber dans l'illusion. Tout n'est que relatif et aucune échelle de valeurs n'est préférable à une autre. Cette vision s'accorde avec le néolibéralisme. Alors que le libéralisme classique se référait encore à un principe humaniste de réciprocité, le néolibéralisme est fondé sur des rapports de force et une compétition systématique entre tous. 

mardi 31 janvier 2017

Prospérer dans le chaos/ Thrive in chaos


The world has become most chaotic and turbulent, as shown by the number of crisis it is facing which are financial, social and ecological. Consultant, international speaker and futurist, Bruno Marion has recently published a "user's guide" for living and thriving within a chaotic world. Chaos theory is deeply linked to the concept of "fractals" A fractal pattern is "self-similar", i.e. it presents the same type of structure at any scale of observation, as, for instance, a rocky coastline. For surviving and thriving within a chaotic world, Bruno Marion suggests "fractal solutions", involving more complex adaptative organisations. A fractal organisation can be applied to a way of life, a society or a business. These solutions are based upon his own personal experience, which is one of the most attractive features of his book. Organizing one's life in a fractal way, consists in accepting to intermingle times of work and leisure, of learning and working, of activity and meditation and also different locations dedicated either to work, life or transportation. A fractal organisation of society operates in a way which similar to the functioning of living organisms, in which each part, at any scale, is intimately connected to the whole body (a holarchy). A fractal democracy involves the participation of all citizens from the local to the global scale. Different resources, raw materials and energy are also managed at different scales, by interconnecting successive loops, from local to global (fractal recycling, fractal energy networks). A company can be organised also in a fractal way, i.e. at multiple levels, each level keeping a large autonomy, but communicating with the others. The organisation system must remain very flexible, able at any time to reorganize itself in order to cope with changes of the environment. The "fractal leader" does not try to decide everything, nor even to keep himself guided only by the outcome, but assumes the guidance of an efficient and flexible process, by moving from a purely conceptual way of thinking towards a  contextual and agile approach, taking into account the needs which are expressed at the various levels. In this way, tells us Bruno Marion, it will be possible to avoid a breakdown and help the emergence of a new world.

Nul ne peut nier que le monde est devenu particulièrement chaotique et turbulent. Les crises multiples qui l'affectent, énergétiques, financières, sociales et écologiques sont là pour en témoigner. Conférencier, consultant et prospectiviste, Bruno Marion propose, dans un ouvrage récent, un "mode d'emploi" pour vivre et prospérer dans ce monde chaotique.
La théorie du chaos a montré que de nombreux phénomènes régis par des lois physiques non linéaires se comportent de façon indéterminée, du fait d'une très grande sensibilité aux conditions initiales, ce qui explique le caractère imprévisible de tels phénomènes. Il existe en fait une relation étroite entre le comportement de tels systèmes et la notion de fractales. Les fractales, découvertes par Benoît Mandelbrot, désignent des figures autosimilaires, c'est à dire des figures qui présentent le même aspect quelle que soit l'échelle à laquelle on les regarde (la côte de Bretagne, indéfiniment découpée, quelle que soit l'échelle d'observation, constitue un exemple souvent cité d'une figure fractale).
Pour s'adapter à un monde chaotique, Bruno Marion suggère des solutions "fractales". il désigne ainsi des organisations beaucoup plus complexes et adaptatives que les organisations linéaires et binaires, qui ont été pratiquées dans le passé. Cette organisation fractale concerne les modes de vie, mais la société et l'entreprise. Dans chacun de ces domaines, il s'appuie sur son expérience personnelle, acquise au cours de ses voyages dans différents continents, ce qui est certainement l'un des intérêts majeurs de l'ouvrage.
Organiser sa vie de façon fractale, c'est accepter d'intercaler moments de travail et moments de loisir ou de création, c'est décider du type d'activité que l'on souhaite mener quel que soit le lieu, c'est entremêler lieu de résidence, de vacances et de travail, temps d'apprentissage, de travail et de repos, temps de vie active et temps de recueillement.
Une organisation fractale ou holarchique de la société est similaire à celle qui régit les organisations vivantes, dans lesquelles chaque partie, quelle que soit l'échelle, se rattache intimement à un tout. Une démocratie fractale opère avec la participation de tous les citoyens de l'échelle la plus locale, à l'échelle la plus globale. Les différentes ressources, matières premières et énergie sont également gérées à différentes échelles, en imbriquant des boucles successives, qui vont du local au global (recyclage fractal, réseaux d'énergie fractals). L'entreprise peut être également organisée sue le mode fractal, c'est à dire à des niveaux multiples, chaque niveau disposant d'une large autonomie, mais communicant avec les autres. Le système d'organisation doit rester très souple, capable à tout moment de s'adapter aux changements du milieu extérieur en se réorganisant. Le rôle du "manager fractal" n'est pas de tout décider lui-même, ni même de se laisser guider par les seuls résultats, mais d'assurer la conduite d'un "process" fluide et efficace, en passant d'une démarche de pensée purement conceptuelle à une démarche de pensée "contextuelle" et "agile", tenant compte des demandes qui s'expriment aux différents niveaux. C'est en procédant ainsi, nous dit Bruno Marion, qu'il sera possible d'éviter l'effondrement et de laisser émerger le monde de demain.

samedi 28 janvier 2017

Les technologies bio-inspirées / Bio-inspired technologies


Bio-inspired technologies address the needs of a world living in synergy with nature and the environment. They can help to develop more sustainable technologies, which require less natural resources and less energy. Thus, biochemistry can operate at mild pressure and temperature conditions, which remain close to the ambient, whereas most industrial chemical process require a high temperature and/or pressure. It enables also  producing through more direct paths, high value products and materials for cosmetics, paints, glues, fibers, composite materials as well a pharmaceutical products, which are most often biodegradable and not toxic.Technological innovation is more and more often inspired by solutions that biological systems and living organisms have found for adapting themselves to their  environment. The composite structure of  nacre surface (aragonite CaCO3 layers linked by conchiolin) has inspired the conception of new ultra-resistant.coatings The adhesive used by blue mussels for attaching themselves to a support, has lead to performing and non toxic glues.  Artificial synthesis of spider silk is used for making highly resistant threads. Anti-fouling glass coatings derived from the super-hydrophobic surface texture of lotus leafs equip walls and glasses. Other innovations concern the conception of robots inspired by insects, reptiles, birds or fishes, especially for developing efficient  means for moving on earth, swimming or flying.Technology had the ambition to master the whole living world. Inspired by war, it has become destructive. After spreading its power through the sword, it has deployed the power of fire, arms and bombs. In a world living in symbiosis with the environment, it must become flexible and open. Technology remains present, but becomes unobtrusive. It is inspired by the shapes of living organisms. Everyday objects look like pebbles, shells, flowers or birds and contribute to the sense of beauty. The diversity of conceptions and decorations reflects the plurality of cultures and ideas. Handicrafts resume their place as a source of beauty. Technology merges with art to become a source of harmony.  

Les technologies bio-inspirées répondent au besoin fondamental de créer un monde dans lequel les êtres humains puissent vivre en synergie avec la nature et l'environnement. Elles visent tout d'abord à développer des technologies durables, moins  consommatrices en ressources naturelles et en énergie. Ainsi, la biochimie permet d'opérer  dans des conditions "douces" de température et de pression, proches de l'ambiante, alors que la plupart des procédés de chimie industrielle requièrent des niveaux de pression ou de température élevés. Elle permet également d'obtenir des produits complexes, à haute valeur ajoutée, par des voies beaucoup plus directes que la chimie traditionnelle. De tels produits, qui présentent aussi l'avantage d'être le plus souvent non-toxiques et biodégradables, servent à produire des cosmétiques, des peintures, des colles, des fibres, des matériaux composites ainsi que des produits pharmaceutiques.
L'innovation technologique s'inspire de plus en plus souvent des solutions que les systèmes biologiques et les organismes vivants ont trouvées pour s'adapter à leur environnement. Ainsi, par exemple, la structure composite de la nacre d'un coquillage (strates d'aragonite CaCO3, associées par une protéine adhésive, la conchyoline) a inspiré la conception de nouveaux revêtements ultra-résistants. Des adhésifs utilisés par la moule bleue pour s'attacher à un support, permettent d'élaborer des colles performantes et non toxiques.  Des fibres de polymères dérivées des fils d'araignée atteignent de très hautes performances, des revêtements anti-salissures équipant des vitrages sont inspirés de la texture de surface super-hydrophobe des feuilles de lotus. D'autres innovations concernent la conception de robots inspirés par des insectes, des reptiles, des oiseaux ou des poissons, en particulier pour mettre au point les modes de locomotion les plus efficaces à terre, en mer ou en vol.
La technologie avait comme ambition de maîtriser le vivant. Inspirée par la guerre, elle est devenue destructive. Après avoir répandu sur Terre la puissance du glaive métallique, elle a déployé sur l'ensemble du globe la puissance du feu, des armes et des bombes. Dans un monde vivant en symbiose avec l'environnement, elle perd ses attributs de toute puissance, pour devenir souple, flexible, ouverte. La technique reste présente, mais devient discrète. D’inspiration biomimétique, elle prend les formes du vivant.. Le design des objets du quotidien s'inspire du monde végétal et animal. Ressemblant à des galets, des coquillages, des fleurs ou des oiseaux, les objets techniques contribuent au sentiment de beauté. La diversité des conceptions et des décorations reflète la pluralité des cultures et des idées. L’objet artisanal, réalisé par la main humaine, retrouve sa place comme source de beauté et d’inspiration ainsi que sa valeur symbolique. La technologie rejoint l'art et devient une source d’harmonie et de beauté.  

dimanche 22 janvier 2017

Utopie et totalitarisme / Utopia and totalitarism


In a World subject to the laws of the market, Utopias ignite a renewed interest. No deep transformation of the society is feasible without a view of the future, i.e. without an utopia. Still, Utopias are often dismissed under the principle of reality, which means that most changes are rejected as utopian.. Utopia is also accused of being at the origin of various forms of totalitarianism. The major totalitarianisms of the XXth century are often presented as resulting from Utopias. Florent Bussy, a philosopher and author of books about totalitarianism has recently published a book about the relationship between Utopia and totalitarianism (Libre & Solidaire, publisher). He shows that the two notions are, in fact antagonistic. Totalitarianism aims at a complete domination of the present world, whereas utopia proposes an alternative for the future. Utopia introduces a distance with reality, incompatible with power. Utopias are indeed diverse and some of them are prone to the accusation of  a will of domination. In the "City of the Sun" (1602) by Tommaso Campanella, sexuality est governed by a central theocratic power. But the City of the Sun remains a fiction and human liberty is preserved through the distance between fiction and reality. Still, all utopias are not equivalent and not all of them describe a better future. Dystopias, such as the Brave New World or 1984, are meant to represent a threat rather than a hope. In order to show the way for the future, Utopias must become ethical and human by accepting, according to Levinas, a face-to-face encounter with the "Other". Utopia opposes totalitarianism and becomes democratic, by rejecting any attempt to impose a single point of view. When neoliberalism claims a monopoly on thinking, without any  possible alternative, it becomes totalitarian. Thus, Utopias are more needed than ever, for building an alternative reality.  Utopia cannot stay as a pure product of imagination and has to become real through multiple social, economic, ecological and political initiatives, taken by various organisations and communities. Then, it can drive the ambition of a radical transformation of the society. at various scales. One of its important missions is to contribute to the preservation of a living democracy, staying immune to totalitarianism.  

Dans un monde soumis aux lois du Marché, l'utopie suscite un intérêt nouveau, comme en témoignent différentes publications récentes. Aucune transformation sociale de grande ampleur n'est possible sans une vision d'avenir, c'est à dire une forme d'utopie. Toutefois, l'utopie reste décriée au nom du principe de réalité, ce qui permet de rejeter un changement qualifié d'"utopique". Il est également reproché à l'utopie d'être la source des différentes formes de totalitarisme. Les grands totalitarismes du XXe siècle, le fascisme et le communisme seraient ainsi le résultat des utopies des siècles précédents.
Florent Bussy, professeur de philosophie et auteur d'ouvrages sur le totalitarisme, a récemment publié aux Editions Libre & Solidaire, un ouvrage consacré aux liens possibles ou supposés entre totalitarisme et utopie. Il montre que les deux notions sont, en fait antagonistes. Le totalitarisme vise à exercer au présent un pouvoir de domination absolu sur la population, alors que l'utopie propose une alternative pour l'avenir. L'utopie institue un écart par rapport à la réalité, incompatible avec le pouvoir. Certes, "les utopies sont diverses et toutes n'échappent pas également au reproche de la totalisation". Dans la Cité du Soleil (1602) de Tommaso Campanella, la sexualité est régie par un pouvoir central théocratique. Mais la Cité du Soleil reste une fiction et la liberté humaine reste préservée dans l'écart entre la fiction et la réalité. Toutes les utopies ne sont pas équivalentes et toutes ne décrivent pas un avenir souhaitable. A l'image du Meilleur des mondes ou de 1984, certaines décrivent un monde dystopique, qui représente une menace plutôt qu'un espoir. Pour tracer des voies d'avenir, l'utopie doit devenir éthique, à travers une ouverture au "visage de l'autre", selon les termes de Levinas. L'utopie s'oppose alors au totalitarisme et devient démocratique, en refusant de n'admettre qu'un point de vue unique. Lorsque le néolibéralisme s'affirme comme une pensée unique, sans alternative possible, il verse dans le totalitarisme. L'utopie devient alors plus que jamais nécessaire, pour s'incarner concrètement dans la réalité quotidienne. "L'utopie a vocation à ne pas demeurer seulement théorique, mais à secréter quantité de tentatives sociales, économiques, écologiques, politiques s'opposant au capitalisme total". Elle représente alors l'ambition d'une "visée radicale de transformation et de rupture" qui conduit dès à présent à de multiples initiatives, notamment au niveau local (communautés diverses, Amap, permaculture, monnaies locales). Un de ses rôles essentiels est de contribuer à maintenir une démocratie vivante, à l'abri de toute forme de totalitarisme.

dimanche 1 janvier 2017

Les réacteurs au thorium / Thorium reactors


The energy transition has to meet two major needs. First, to be able to ensure a  long term energy supply, as required by the world economy, whereas fossil energy ressources are finite and might fail to respond, leading to a major economic crisis. Furthermore, energy has to be supplied in a way which enables to reduce the amount of Green House Gases emitted in the atmosphere. Renewable energy sources are meant to provide answers to these two requirements, but the fact that solar and wind are diffuse and intermittent might appear in the near future as a major obstacle, for supplying the main part of the energy demand .Nuclear energy represents an alternative, which is often dismissed due to the risks which are associated to this energy source. Three Mile Island, Tchernobyl and Fukushima accidents have shown that it is difficult to keep a nuclear reactor totally safe. There are also risks due to nuclear waste produced in the reactors. The risks of nuclear proliferation represent a futher difficulty, as shown by the long negociations which were needed for solving these issues in Iran. Molten salt reactors using thorium as the nuclear fuel could help to alleviate all these concerns. Thorium is not linked with military applications. Thorium power plants do not require enriching uranium in U-235, by using equipments such as centrifuges, which may lead to the production of nuclear bombs. Thorium is very abundant and present in all the continents. Using the nuclear fuel in liquid phase, dissolved in a molten fluoride salt, presents the great advantage of being intrinsically safe, by avoiding unstability or overheating problems which may be encountered with pressurised water power plants. The main source of potential accidents can thus be avoided without the need of complex redundant safety devices. Molten salt reactors operate at atmospheric pressure and do not require pressurised vessels which are prone to microcracks, difficult to control and avoid. The nuclear fuel can be easily released and temporally stored if required. The production of radioactive waste, especially long-lived actinides, is strongly reduced. Due to all these potential advantages, thorium fueled molten-salt reactors should be further investigated and tested at an industrial scale. They seem much more promising than fusion reactors, which require very large expenses as shown by the ITER project (around €20 billion). Important questions still require appropriate answers: how to start the reactor in the best way, as fissile material is needed, what is the long-term behaviour of the reactor? Molten-salt reactors might be built at a smaller scale than pressurised-water reactors, which means that they might be manufactured in series and easier to finance   Operating a prototype unit on the long term is the only way to assess properly such an option. India, which owns large thorium resources, is strongly involved in the development of  molten-salt reactors China shows also a major interest in such a development. Long-term operation results obtained with industrial size prototypes should become available soon.


La transition énergétique doit répondre à deux besoins essentiels. Tout d'abord, pouvoir assurer une fourniture d'énergie à long terme, pour répondre aux besoins de la planète, alors que les ressources en énergies fossiles sont par définition finies et pourraient venir à manquer, dans des circonstances peut-être plus inattendues et brutales qu'on ne le pense généralement. D'autre part, la fourniture d'énergie doit être la moins dommageable possible pour l'environnement. Il s'agit, en particulier, limiter le réchauffement climatique associé aux émissions de gaz à effet de serre dus à l'utilisation de combustibles fossiles. Les énergies renouvelables sont censées répondre à ces deux besoins, mais le caractère diffus et intermittent du solaire et de l'éolien représente un obstacle important, dès lors qu'il s'agit d'assurer la majeure partie de la fourniture d'énergie.
Le  nucléaire représente une réponse alternative, mais qui est souvent écartée en raison des dangers qu'il ferait courir à l'humanité. Les accidents de Three Mile Island, de Tchernobyl et de Fukushima semblent montrer qu'il est difficile de s'en prémunir totalement. En outre, le nucléaire fait peser les risques associés aux déchets produits dans les réacteurs ainsi qu'à la prolifération nucléaire, comme on a pu l'observer à l'occasion des négociations difficiles qui ont porté sur le nucléaire civil en Iran. Les réacteurs à sel fondu utilisant le thorium comme combustible nucléaire pourraient apporter une réponse à ces différentes préoccupations et suscitent un intérêt croissant. Le thorium n'est pas associé à une filière militaire. Les centrales au thorium ne nécessitent pas l'enrichissement de l'uranium en uranium 235, en utilisant des équipements (notamment des centrifugeuses) qui peuvent servir à la fabrication de bombes nucléaires. Le thorium est très abondant et présent sur tous les continents. Les centrales à sel fondu présentent en outre l'avantage d'être intrinsèquement sûres. Elles évitent les problèmes d'instabilité ou de surchauffe auxquels sont sujettes les centrales à eau pressurisée. La principale source d'accidents déjà recensée sur les centrales nucléaires actuelles pourrait être ainsi définitivement écartée. Elles fonctionnent à la pression atmosphérique et ne nécessitent donc pas la fabrication de cuves sous pression, dont on a pu constater qu'elles sont particulièrement vulnérables à des microfissures difficiles à contrôler. Le combustible nucléaire peut être facilement évacué et stocké temporairement en cas de nécessité. La production de déchets et notamment d'actinides à très longue durée de vie est fortement réduite.
Tous ces avantages potentiels font que cette filière mérite d'être étudiée et testée à large échelle. Son intérêt paraît  incomparablement supérieur, à l'heure actuelle, que celui de la fusion, filière pour laquelle des sommes considérables ont été investies avec le projet ITER. D'importantes questions subsistent à l'heure actuelle: comment démarrer le réacteur dans de bonnes conditions, comment les matériaux utilisés réagissent-ils sur le long terme? Le fonctionnement d'une unité prototype sur une longue durée est seule capable d'apporter des réponses à ces questions. Il serait intéressant aussi de concevoir des réacteurs de petite taille plus faciles à réaliser et pouvant conduire à une fabrication en série. L'Inde, qui dispose de ressources de thorium abondantes, mise sur le thorium, la Chine s'y intéresse aussi fortement. Des résultats obtenus sur des prototypes industriels, sur des opérations de longue durée, devraient être disponibles prochainement.