Ce blog rassemble des informations et des réflexions sur l'avenir qui nous attend.

This blog presents informations and views about the future.

samedi 27 mai 2017

Consommation d'énergie et puissance de destruction / Energy consumption and destructive power

Energy consumption has increased considerably since Antiquity. A human being can provide an energy of about 0.5 kWh on a day of 8 to 10 hours of work (while consuming 4-5 kWh), roughly 170 kWh on a year or the equivalent of 15 kg of oil. In the ancient Rome, the privileged could benefit from the work of the slaves, but this did not increase the average energy available per capita. Therefore, the increasing consumption of energy by the richest combined with the limitations of new Roman settlement, inevitably led to a crisis. During the Middle ages, livestock, hydro and wind power made possible to increase the energy available per capita by a factor of around 10, and slavery was abolished. However, it is only with the Industrial Revolution and the use of large amounts of fossil fuels, that it has been possible to achieve very high levels of energy consumption. The average energy consumption per capita in the world is currently 1.9 tons of oil equivalent (toe), that would require 130 human beings working permanently, with very large deviations, from 6.9 toe in the United States, 3.7 in France, to only 0.6 in India. It is this increase in energy consumption, which resulted in a dramatic rise in living standards, despite the significant increase in the human population. However, such an energy consumption rise leads also to a progressive depletion of available resources and to global warming. Correlatively, the destructive power of humanity has increased in a huge way. While the destructive capacity index of a sword is 20, that of a canon which was only 43 at the beginning, has reached 230 in the 17th century and 4000 in the 17th century. In contemporary times, the progression has been staggering, the index reaching 210 000 000 for a heavy bomber and 210 000 000 000 for a strategic missile equipped with a thermonuclear bomb of 25 Megatons. It seems difficult to imagine an extension of such a development, as it would most probably lead to the disappearance of humanity. Still, the possible alternatives are not quite clear. Is it possible to imagine a less intensive energy future? Is it possible to decouple the destruction capability from the consumption of energy by the use of renewable energy sources, or by forbidding most destructive arms? Such questions remain open, but they most certainly need to be addressed.

La consommation d'énergie a considérablement augmenté depuis l'Antiquité. Un être humain est capable de fournir une énergie d'environ 0,5 kWh sur une journée de 8 à 10 h de travail (en consommant 4 à 5 kWh), soit environ 170 kWh sur un an ou encore l'équivalent de 15 kg de pétrole. Durant l'Antiquité, les privilégiés pouvaient bénéficier du travail des esclaves, mais cela n'augmentait pas l'énergie moyenne disponible par habitant. Dès lors, la consommation de toujours plus d'énergie liée aux goûts dispendieux des plus riches et le fait que la colonisation romaine était parvenue jusqu'à des terres plus froides, incapables d'assurer une production agricole en croissance continue, conduisaient inévitablement à une crise.  Au cours du Moyen-âge, le recours au bétail, à l'hydraulique et à l'éolien ont permis d'augmenter l'énergie disponible par habitant par un facteur de l'ordre de 10. Toutefois, ce n'est qu'avec la Révolution industrielle et l'utilisation de grandes quantités d'énergie fossile, qu'il a été possible d'atteindre des niveaux de consommation d'énergie considérables. La consommation d'énergie moyenne par habitant dans le monde est actuellement de 1,9 tonne d'équivalent pétrole (tep), correspondant à l'énergie que pourraient fournir 130 êtres humains travaillant en permanence, avec des écarts très importants : 6,9 tep aux États-Unis, 3,7 enFrance, mais seulement 0,6 en Inde. C'est cette progression de la consommation d'énergie qui a permis une élévation spectaculaire du niveau de vie, malgré l'accroissement considérable de la population humaine. Toutefois, les effets négatifs d'une telle élévation de la consommation d'énergie se font de plus en plus sentir: épuisement progressif des ressources disponibles et réchauffement climatique.
Corrélativement, la puissance de destruction dont dispose l'humanité a augmenté de façon gigantesque. Alors que l'indice de capacité destructive d'une épée est de 20, celui d'un canon qui, à ses débuts au XVIe siècle, n'était que de 43, a atteint 230 au XVIIe siècle et 4000 au XVIIe siècle. Au cours de l'époque contemporaine, la progression a été faramineuse atteignant 210 000 000 pour un bombardier lourd et 210 000 000 000 pour un missile stratégique équipé d'une bombe thermonucléaire de 25 M t de TNT. C'est cette puissance de destruction qui a permis à l'Europe de dominer le monde, avant que les Européens ne s'engagent dans les deux Guerres mondiales, qui marquaient une forme de suicide. Il paraît difficile d'imaginer un prolongement d'une telle évolution, sans que cela conduise à la disparition de l'humanité. Quelles sont les alternatives possibles: peut-on imaginer l'avenir d'une société moins intense en énergie? Est-il possible de découpler la capacité de destruction de la consommation d'énergie, par le recours aux renouvelables ou en interdisant les armes les plus destructives? Ces questions restent ouvertes, mais sont certainement essentielles à aborder.

samedi 20 mai 2017

L'écoumène et le jardin japonais / The ecumen and the Japanese garden


The Japanese garden combines a landscape with a cultural expression, forming an immediately recognizable environment. It sharply differs from the design of modern architecture, which displays any type of building anywhere. The French geographer and philosopher Augustin Berque leaned on this relationship between nature and culture, physical geography and symbolic meaning. Having spent several years in Japan, he was inspired by Japanese authors. The concept of “médiance” that he introduced derives from fudosei, a word used by the Japanese author Watsuji for characterizing an environment including both physical features and cultural patterns. The Japanese garden represents at a small scale, what Augustin Berque calls ecumen, speaking of all the inhabited Earth transformed by human culture. The work of Augustin Berque is not quite recent. His book, "Ecumene - Introduction to the study of the human environment", was published in the early 2000's, but we can see its continuing relevance and importance. At a time where globalization, neoliberalism, and productivism tend to destroy landscapes and urban environment in many countries, it emphasizes the need to integrate harmoniously, the physical characteristics of a landscape, land-use planning and culture. If the city of tomorrow is designed while ignoring the history and the cultural heritage of a country, thus renouncing its foundations, it is heading for disaster. Only the close association between the development of a city and a form of cultural expression, which remains compatible with the heritage from the past, leads to a sustainable design. Letting the human hubris decide disproportionate projects, giant towers and huge shopping malls, can meet an immediate search of profit, but not the need for meaning of human beings. Any urban development has also to assume an order and a form of regulation. Deregulation and unbridled settlements of a patchwork of buildings lead to a destruction of the landscape and to a disintegration of the agricultural community. In France, the coastal Act, which has been recently "eased", has allowed so far to preserve the shores. The at least relative preservation of cities like Paris and Rome represents a kind of miracle. This legacy deserves to be defended with perseverance.

Le jardin japonais associe un paysage et une culture, en formant un milieu immédiatement reconnaissable. Sa conception s'oppose ainsi à la conception de l'architecture moderne consistant à imposer n'importe quelle forme d'architecture n'importe où. Augustin Berque s'est penché sur cette relation entre nature et culture, géographie physique et signification symbolique. Ayant vécu au Japon, il s'est inspiré d'auteurs japonais. Le concept de médiance qu'il a introduit dérive du concept japonais de fudosei, qui a été utilisé par l'auteur japonais Watsuji, pour caractériser un milieu comprenant à la fois des traits physiques et des traits culturels. Le jardin japonais représente ainsi à petite échelle, ce qu'Augustin Berque qualifie d'écoumène en parlant de l'ensemble de la Terre habitée, transformée par la culture humaine. Le travail d'Augustin Berque n'est pas tout récent. Son ouvrage, "Ecoumène - Introduction à l'étude des milieux humains", a été publié au début des années 2000, mais il conserve toute son actualité. A l'heure où la globalisation, le néolibéralisme et le productivisme opèrent des ravages, il rappelle la nécessité d'intégrer de manière harmonieuse, les caractéristiques physiques d'un paysage, une forme d'aménagement et une culture. Si la ville de demain est conçue en méconnaissant le passé historique et l'héritage culturel d'un pays, cela signifie qu'elle renonce à ses fondements et va à la catastrophe. Seule l'association étroite entre l'aménagement d'une ville  et une forme d'expression culturelle, compatible avec l'héritage du passé, conduit à une conception durable. Céder à l'hubris des projets disproportionnés, des tours géantes et des centres commerciaux démesurés, peut répondre à une recherche immédiate de profit, mais pas au besoin de sens des êtres humains. Tout aménagement suppose par ailleurs un ordre et une forme de régulation. La dérégulation complète et les implantations sauvages de bâtiments conduisent au mitage du paysage et à la désagrégation du milieu agricole. En France, la loi littoral, qui a été récemment "assouplie", a permis jusqu'à présent de préserver les rivages. La préservation, au moins relative, de villes comme Paris et Rome représente une sorte de miracle. Cet héritage mérite d'être défendu avec persévérance.

vendredi 12 mai 2017

La transcendance numérique / The digital transcendence


Following Nietzsche, the death of God had already been announced, as Man was considered to have become self-sufficient.  According to the new postliberal order, Man is considered as too vulnerable and not reliable enough and the only supreme reference, which can be accepted, is the super-intelligent computer or the intelligent robot. According to Ray Kurzweil, the acceleration of the pace of progress of the artificial intelligence  will lead, in a not too-distant future, to the appearance of a form of discontinuity, or Singularity, transforming radically the human destiny. Relying on the present rate of progress, Ray Kurzweil estimated that this Singularity might occur by 2045. While Teilhard de Chardin announced an Omega point, as the final destination of the noosphere, Ray Kurzweil is expecting the occurrence of the super-intelligent machine, which will provide the advent of the Singularity. Human beings might remain, at least temporarily, associated with such a machine, in the form of a cyborg, but they are doomed to disappear, as the machine will become self-sufficient. The cyborg represents only a transitional stage of the evolution leading to the supreme robot, which will appear during the next step of the evolutionary process. The further step will be to program the extinction of the human species, as it will become useless.Thus, the  machine becomes the supreme reference, the new horizon of mankind. The construction of an omniscient machine has already been announced by the physicists, Frank Tipler and David Deutsch. According to David Deutsch, it would be possible during a finite amount of time to build a universal Turing machine, able to simulate any  physical or biological process existing within the Universe. Such a machine would be omniscient.The Singularity becomes the only form of transcendence which remains. The omniscient computer becomes the god offered to the veneration of the crowds, to which are assigned the most difficult decisions, including the decisions of justice. The machine designed to govern incorporates the global super-intelligent brain, which is aimed to manage the whole human society. Its decisions are deemed to be irrevocable. Those who are supposed to control ils operation hold the actual power, but they could loose it at any time.

A la suite de Nietzsche, le XXe siècle avait annoncé la mort de Dieu, en considérant que l’Homme se suffisait à lui-même. Dans la vision hégémonique du nouvel ordre postlibéral, l’homme, jugé trop fragile et trop peu fiable, perd, à son tour, sa place comme référence suprême, pour être remplacé par l’ordinateur super-intelligent ou le robot intelligent, dont l’efficacité ne connait aucune borne. Selon Ray Kurzweil, l’accélération du rythme de progression de l’intelligence artificielle va se traduire, dans un avenir relativement proche, par l’apparition d’une forme de discontinuité, ou Singularité, conduisant l’humanité vers un destin totalement différent de son sort actuel. En s’appuyant sur le rythme de progression des ordinateurs, Ray Kurzweill situe vers 2045 le moment où cette Singularité pourrait apparaître. Tandis que Teilhard de Chardin contemplait un point Omega, aboutissement et point de convergence de la noosphère, Ray Kurzweil se situe dans l’attente de la machine super-intelligente, qui permettra l’avènement de la SingularitéL’être humain reste, au moins temporairement, associé à la machine sous forme d’un cyborg, mais en suivant la démarche de Kurzweil, il risque d’apparaître rapidement comme superflu, la machine se suffisant à elle-même. Le cyborg se présente alors comme l’étape transitoire d’une évolution menant au robot supra-humain, qui constitue la nouvelle étape du processus d’évolution. Il ne restera plus alors qu’à programmer l’extinction de la majeure partie de la population humaine.
La machine devient la référence suprême, le nouvel horizon de l’humanité. La réalisation d’une machine omnisciente a été explicitement prévue par les physiciens Frank Tipler et David Deutsch. Selon David Deutsch, il serait possible de réaliser dans un temps fini une machine de Turing universelle, capable de simuler n’importe quel processus physique ou biologique. Une telle machine serait alors omniscienteLa Singularité prend d’autant plus d’importance qu’elle constitue la seule forme de transcendance que reconnaisse le nouvel ordre postlibéral. L’ordinateur omniscient devient le dieu offert à la vénération des foules. C’est à lui que sont confiées les décisions les plus difficiles et en particulier les décisions de justice. La machine à gouverner est conçue sur ce modèle. Le cerveau global qui gère le fonctionnement de toute la société humaine est doté de la super-intelligence numérique. Il est sacrilège de contester ses décisions, qui sont jugées irrévocables. Ceux qui en contrôlent le fonctionnement détiennent le pouvoir effectif, mais celui-ci risque à tout moment de leur échapper.

samedi 6 mai 2017

La révolution biotechnologique / The biotech revolution



After the first industrial revolution, driven by coal and steam, the second which was based upon electricity and oil and the third driven by the digital technologies, biotechnologies might be at the centre of the new revolution which is expected to happen during the XXIst century. Since the discovery in 1953 of the DNA molecule by James Watson and Francis Crick, molecular biology was able to achieve remarkable progress. Sequencing methods, enabling the identification of all the  genes of a DNA molecule, have been developed. In 2000, the full decoding of the human genome, was announced at the same time by an international consortium  and by the Celera company, created by Craig Venter. These discoveries lead to a deep transformation of all the technologies connected to the living world, with applications in the health sector, but also agriculture, chemistry or new materials production. They can also be applied  in other sectors, such as energy, where they could pave the way to new technologies for energy conversion or storage. Gene therapy is often perceived as the next medical revolution, which might provide means for curing genetic diseases and delaying the aging process. However, other implications of these technologies are more worrying. The discovery of the genetic code allowed to produce genetically modified organisms (GMOs), to give them new features by modifying the sequence of genes. Many microorganisms (bacteria, yeasts, fungi) are now modified and cultivated, to produce drugs, chemicals or fuels. Genetic manipulations include plants and animals. The Monsanto Company has a virtual monopoly in the field of GMO seeds. Monsanto sells genetically modified seeds able to withstand a non-selective Roundup herbicide that it is also the only one to manufacture,  thus locking in a lucrative market. The majority of soybeans in the world (about 77%) is transgenic. This is also the case of a significant fraction of corn and cotton. There are different varieties of  transgenic maize, including Bt corn, which incorporates a gene that causes the secretion of a toxic substance to the corn borer, a common parasite. While for some experts GMOs will bring the way to feed the world and launch a second "green revolution", for others they represent a serious danger to the environment, biodiversity and humanity. Genetic manipulations can be applied also to animals and potentially to men. Thus, chickens have been genetically modified to become resistant to bird flu. The application of genetic engineering to human beings would represent, of course, the most dangerous step, bringing serious ethical problems. It opens the way to some potentially promising applications in gene therapy, but also attempts to change human genetic heritage for purposes of eugenics, which corresponds to a transhumanist perspective. Genetic engineering progresses rapidly. In 2012, a new tool for genome editing, called CRISP-Cas9, which is simple to use and universal, has been developed. It allows to manipulate the human genome much more easily than before. Genetic engineering is capable now, by assembling fragments of DNA,to  synthesize the genome of a living organism. In 2002, the biologist Eckard Wimmer and his team were able to synthesize the poliomyelitis virus. Like a 'living' virus, such a synthesis virus can reproduce and proliferate in a culture of cells. Thus, it can be produced at a low cost, less than a few hundred dollars for the hepatitis B virus and only a few dollars for the Ebola virus. In 2004, the Spanish flu virus, which had completely disappeared, was rebuild by decoding DNA from human tissue kept at low temperatures since 1918. For this reason, the mere publication of the genetic code of such a virus now poses an ethical problem. The low cost of dangerous virus production of course represents a formidable threat. In addition, genetically modified viruses, could be installed property news, likely to increase their lethal power. A handling error, which seems difficult to exclude entirely, would then cause a deadly pandemic. Viruses from genetic engineering could be used in bioterrorism or during armed conflict operations. In this area, an extreme caution is required, but without the emergence of a new awareness, it does not seem already acquired

Après la première révolution thermo-industrielle du XVIIIe siècle fondée sur le charbon et la machine à vapeur, la seconde fondée sur l'électricité et le pétrole et après la révolution numérique de l'information et des télécommunications, les biotechnologies pourraient se situer au cœur d'une nouvelle révolution au XXIe siècle. Depuis la découverte en 1953 de la molécule en double hélice de l’ADN par le biologiste James Watson et le physicien Francis Crick, la biologie moléculaire a réalisé des progrès spectaculaires. Des méthodes de séquençage, capables d’identifier l’ensemble des gènes portés par une molécule d’ADN, ont été mises au point. En l’an 2000, était annoncé le décryptage complet du génome humain, réalisé simultanément par un consortium international et par la compagnie Celera, créée par Craig Venter. Ces découvertes bouleversent toutes les techniques liées au vivant, le secteur de la santé tout d'abord, mais aussi le secteur agricole ainsi que la chimie ou la production de matériaux. Elles concernent également  d'autres secteurs, tels que celui de l'énergie, en ouvrant la voie à de nouvelles technologies de conversion ou de stockage de l'énergie. Dans le domaine de la santé, la thérapie génique est souvent perçue comme la prochaine révolution médicale, qui permettra de lutter contre les maladies génétiques et de retarder le vieillissement.  Toutefois, certaines applications de ces technologies sont plus préoccupantes, notamment celles qui permettent de produire des organismes génétiquement modifiés (OGM), en introduisant des gènes spécifiques dans leur patrimoine génétique, pour leur conférer de nouvelles fonctionnalités. De nombreux micro-organismes (bactéries, levures, champignons) sont dès à présent modifiés et cultivés, pour produire des médicaments, des produits chimiques ou des carburants. Les manipulations génétiques concernent également les plantes et les animaux. Des plantes génétiquement modifiées sont déjà cultivées à grande échelle dans le monde. La société Monsanto dispose d’un quasi-monopole dans le domaine des semences OGM. Monsanto commercialise notamment des semences modifiées, capables de résister à un herbicide non sélectif qu’elle est également la seule à fabriquer, le Roundup, en verrouillant ainsi un marché lucratif. La majorité du soja produit actuellement dans le monde (environ 77%) est transgénique. C’est également le cas du coton et d’une fraction significative du maïs. Il existe différentes variétés de maïs transgénique, dont le maïs Bt, doté d’un gène qui provoque la sécrétion d’une substance toxique pour la pyrale du maïs, un parasite répandu. Alors que selon certains, les OGM vont apporter le moyen de nourrir le monde entier et de lancer une seconde « révolution verte », pour d’autres ils représentent un grave danger pour l’environnement, la biodiversité et l’humanité. Les manipulations génétiques concernent aussi les animaux et potentiellement les hommes. Ainsi, des poulets ont été génétiquement modifiés pour devenir résistants à la grippe aviaire. L’application des manipulations génétiques aux êtres humains est, bien entendu, celle qui pose les problèmes éthiques les plus préoccupants. Elle ouvre la voie à certaines applications potentiellement prometteuses en thérapie génique, mais également à des tentatives de modification du patrimoine génétique humain à des fins d’eugénisme, dans une perspective transhumaniste. Les technologies de manipulation génétique progressent rapidement. En 2012, un nouvel outil d’édition de génome précis, simple et universel a été mis au point, CRISP-Cas9. Il permet notamment de manipuler le génome humain beaucoup plus facilement qu’auparavant. Le génie génétique est capable à présent, en assemblant des fragments d’ADN, de synthétiser le génome d’un organisme vivant. En 2002, le biologiste Eckard Wimmer et son équipe ont pu ainsi synthétiser le virus de la poliomyélite. à l’instar d’un virus « vivant », un tel virus de synthèse peut se reproduire et proliférer dans une culture de cellules, ce qui permet de le produire pour un coût dérisoire, ne dépassant pas quelques cents d’Euros pour le virus de l’hépatite B et quelques Euros pour le virus Ebola. On a même pu reconstituer en 2004 le virus de la grippe espagnole, qui avait totalement disparu, à partir de ses caractéristiques génétiques retrouvées sur des tissus humains conservés à basse température depuis 1918. Pour cette raison, la simple publication du code génétique d’un tel virus pose à présent un problème éthique. La production à faible coût de virus aussi dangereux représente bien sûr une menace redoutable. En outre, des virus génétiquement modifiés, pourraient être dotés de propriétés nouvelles, susceptibles d’accroître leur pouvoir létal. Une erreur de manipulation, qu’il semble difficile d’exclure totalement, provoquerait alors une pandémie mortelle. Des virus issus du génie génétique pourraient également être utilisés dans des opérations de bioterrorisme ou durant des conflits armés.  Dans ce domaine, comme dans d'autres, il faudrait que l'espèce humaine soit capable d'user avec prudence de la nouvelle puissance à sa disposition, mais sans l'émergence d'une nouvelle prise de conscience, cela ne paraît pas acquis

dimanche 30 avril 2017

L'entropie et l'avenir de l'énergie / Entropy and the future of energy

Reducing the energy consumption becomes a necessity for avoiding both the environment destruction and the depletion of natural resources. Still, due to the energy conservation principle, energy is not really "consumed". When it is used, it is transformed into lower quality energy, which means that the fraction of the energy which can be transformed into work becomes lower. This loss of quality is due to the production of entropy. According to the second principle of thermodynamics, the entropy of an isolated system can only increase. The entropy provides a measure of the amount of disorder within a system. It means that within an isolated system, human activity can only lead to an increase of disorder. It is the reason why energy and other natural resources cannot be indefinitely reused. N. Georgescu-Roegen was the first to understand the meaning of an increased entropy generation and to introduce this concept in economy.  Entropy generation is due to the consumption of energy and to the release of waste in the environment. For this reason, the « degrowth » supporters consider that the only possible remedy consists in reducing the level of consumption, starting first with most developed and richest countries. Natural ecosystems are able to do this, by using the sun energy they receive. If non polluting energy is available, it becomes possible to lower the entropy of a non insulated system. Therefore, in order to ensure the proper functioning or the technical and economic system, it is possible either to reduce the consumption of energy and the production of entropy, or to accept a high production of entropy, which must be compensated by a high input of energy. The first degrowth scenario is well  adapted to the use of renewable energy sources, due to the difficulty to supply a high amount of energy for each inhabitant with such sources (as they require ground area and materials the amounts of which are limited). The second scenario requires a high amount of concentrated energy, which might be provided in the future by nuclear fission or fusion reactors It means that such an energy should become safe, economic and socially acceptable, which cannot be taken for granted today. Furthermore, a highly concentrated and widely available energy source might be used for destructive purposes. Thus, although using less resources under fair conditions at the world level might seem  an utopia, the alternative scenario of a continuous growth of the energy consumption might prove to become a dystopia.

Il devient impératif de réduire la  consommation d'énergie à la fois pour préserver l'environnement et tenir compte de l'épuisement futur des énergies fossiles. Toutefois, l'énergie se conserve et n'est donc pas véritablement "consommée". Par contre, lorsqu'elle est utilisée, elle se dégrade, suivant le second principe de la thermodynamique. Elle finit par être rejetée sous forme de chaleur à la température ambiante et ne peut plus être réutilisée. La dégradation de l'énergie est liée à la production d'entropie. Le second principe de la thermodynamique spécifie que l’entropie d’un système isolé ne peut que croître. L’entropie d’un système mesure son niveau de désordre et la croissance de l’entropie signifie que le désordre à l’intérieur d’un système isolé ne peut qu’augmenter. Ainsi, « dans le contexte de l’entropie, chaque action de l’homme ou d’un organisme, voire tout processus dans la nature ne peut aboutir qu’à un déficit pour le système total ». La loi de l’entropie est donc à l’origine de la rareté économique. C’est elle qui empêche de réutiliser les ressources naturelles qui ont été consommées. Pour limiter la consommation d'énergie, il faut réduire la production d'entropie. N. Georgescu-Roegen a été le premier à concevoir la portée très générale de la génération d’entropie et à introduire ce concept dans le champ de l’économie. La génération d’entropie est liée d’une part à la consommation d’énergie et d’autre part au rejet de déchets dans l’environnement. Partant de ce constat et de l’idée que toute activité humaine génère plus de désordre dans l’univers, les partisans de la « décroissance » considèrent que dans ces conditions le seul remède possible consiste à réduire les niveaux de production et de consommation, en priorité bien sûr dans les pays les plus développés et les plus riches.  

mardi 25 avril 2017

Slow Food / Terra Madre

Carlo Petrini has founded the Slow food movement, which aims at dropping standardized and globalised fast-foods, in order to find the authenticity of regional products and a gastronomy liberated from productivism and search for rapid profit . He explains that the Slow Food movement was created in 1986, after a very serious crisis of wine production in Italie, with the use of methanol in adulterated wine. As a consequence, he decided to reestablish what is "good, clean and just". The Slow Food movement succeeded in combining these three qualities, by enabling its followers to restore a healthy and tasty food. This "ecogastronomy" offers traditional dishes made from organic products. It helps to develop a new ecosystem which helps small regional producers, short distribution systems and restaurants which accept to propose such a food, while contributing to transform lifestyles. The Slow Food movement is now present within the whole world, including United States, where numerous farmer's markets have been created and where the taste for organic and local food is spreading. The movement fights against the use of pesticides and harmful additives.It helps people to regain the taste for authentic products by organizing festivities, during which they are promoted and can be tasted. It fights also for more justice and against malnutrition. Carlo Petrini has also created the Terra Madre network, which helps to develop links between all the members of this new ecosystem, at a global level. The mouvement Slow Food movement and the Terra Madre network thus demonstrate that citizen initiatives can contribute to deeply transform not only lifestyles but also the social and economic organisation.

Carlo Petrini est le fondateur du mouvement Slow food. Ce mouvement vise à sortir de la nourriture standardisée et globalisée des fast-foods, pour retrouver l'authenticité des produits régionaux et d'une gastronomie libérée du productivisme et du profit rapide.Dans son ouvrage "Libérez le goût" publié chez "Libre & Solidaire", il explique comment il a créé le mouvement Slow Food, en 1986, après une crise très grave de la viticulture en Italie, en raison de la diffusion de vins frelatés au méthanol. Dès lors, sa préoccupation fut de rétablir ce qui est "bon, propre et juste". Le mouvement Slow Food parvenait à réunir ces trois qualités, en permettant de retrouver une nourriture saine et goûteuse. Cette "écogastronomie" propose des plats traditionnels composés à partir de produits biologiques. Elle permet le développement d'un écosystème qui fait vivre de petits producteurs régionaux, des circuits courts de distribution, des restaurants, tout en contribuant à transformer les modes de vie. Le mouvement Slow Food est présent actuellement dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis, où se développent les farmer's markets et où l'on retrouve le goût pour l'organic et le local. Le mouvement milite contre l'usage de pesticides et d'additifs qui peuvent rendre la nourriture malsaine. Il aide aussi les populations à retrouver le goût des produits authentiques en organisant des manifestations festives. Il se bat pour plus de justice et contre la malnutrition. Carlo Petrini a également créé le réseau Terra Madre, qui au niveau mondial met en relation tous les membres de ce nouvel écosystème mondial. Le mouvement Slow Food et le réseau Terra Madre montrent ainsi comment des initiatives citoyennes peuvent transformer les modes de vie ainsi que l'organisation économique et sociale.

vendredi 14 avril 2017

Après nous, le déluge / After us, the Deluge

In one of his last books, Die schrecklichen Kinder der Neuzeit, Peter Sloterdijk quotes the Marquise de Pompadour, saying "Besides, after us the Deluge", when she was informed of the defeat of the French army at the battle of Rossbach. At that time, people at the top were conscious of the end of an era, even if they were living a permanent feast. The generation which disappeared was replaced, according to Sloterdijk by adventurers, bastards or opportunists. Napoleon is the prototype of these new men, who marvel at their own accomplishments. Laetitia Bonaparte is quoted saying: "I hope it will stay that way!". These events are compared to what is happening now, as the present generation fears for its future and hopes it will remain sustainable. For Peter Sloterdijk, the present nihilism results from the  inability of our society to assume the transmission of knowledge and culture. It represents the "the anti-genealogical turning point" embodied by Gilles Deleuze and Félix Guattari, when they were describing the rhizomatic society in their book " A Thousand Plateaus". Still, this postmodern world is now exhausted. "The fondamental anti-genealogical trend of the modern age - as the sum of all subversions, claims, denials, usurpations, aspirations and hybridations - has reached its estuary".  Whereas the society was hoping to have achieved the "great liberation", it is deprived from any future  Therefore, the two sentences "Besides, after us the Deluge" which expresses cynicism and "Pourvu que ça dure", which reflects anguish sum up the only two possible attitude. The words of Laetitia Bonaparte echo the hope of sustainability dear to our era. Rather than defending conservative views, Peter Sloterdijk expresses a deep pessimism. Behind an exorcism of destiny, he uncovers a total disarray, which pervades progressively the whole society. In his conclusion he wonders: "Who can seriously believe that it is possible to reconstruct ships in deep sea? Furthermore, who can still pretend that exists a command bridge on our ship." The society seems to have lost any control of its future.

Dans un de ses derniers ouvrages, Peter Sloterdjik cite la phrase célèbre de la Marquise de Pompadour apprenant la défaite des troupes françaises à la bataille de Rossbach: "Après nous le déluge". Cette phrase illustre la fin d'une époque que percevaient les témoins de ce temps, même quand ils vivaient dans une fête perpétuelle. Cette génération qui disparaît est remplacée à l'occasion de la grande disruption qu'a été la Révolution par une autre, composée selon Sloterdjik d'aventuriers, de bâtards et d'arrivistes, qui profitent du chaos ambiant pour atteindre les positions les plus élevées. Napoléon en est le prototype. Ces aventuriers s'étonnent de leur propre succès, ce qui fait dire à Laetitia Bonaparte: "Pourvu que ça dure". Ces événements sont à rapprocher de notre époque qui voit un monde s'écrouler et un nouveau monde arriver, avec une génération qui espère bénéficier d'un "avenir durable", alors que l'environnement est en flammes. A bien des égards, cette position peut paraître très conservatrice. Le nihilisme ambiant résulterait de l'incapacité de notre société d'assumer la transmission du savoir et de la culture. Ce serait le résultat du "tournant anti-généalogique" personnifié par Gilles Deleuze et Félix Guattari, lorsqu'ils annonçaient dans "Mille plateaux" la société rhizomatique. 
Toutefois, ce monde postmoderne est à présent épuisé. "La tendance antigénéalogique fondamentale de l'époque moderne - comme somme de toutes les subversions, réclamations, refus, usurpations, aspirations et hybridations - est arrivée dans le secteur de son embouchure". Cette civilisation mondialisée a atteint son delta. Alors que la société espérait avoir atteint la "grande libération", elle découvre qu'elle n'a plus d'avenir". Dès lors les deux phrases " Après nous le déluge" qui exprime le cynisme et "Pourvu que ça dure", qui traduit une sourde angoisse résument les deux deux seules attitudes possibles.La phrase de Laetitia Bonaparte fait écho au concept de "durabilité" ou de "soutenabilité" cher à notre temps.  
Plus qu'une conviction conservatrice, Peter Sloterdijk exprime un profond pessimisme, car derrière la conjuration du sort, il découvre un grand désarroi, qui envahit progressivement toute la société. Car qui croit sérieusement que l'on peut "reconstruire des navires en haute mer? Mieux, qui affirme encore qu'il existe une passerelle de commandement sur notre navire."