The book of the eminent French jurist Alain Supiot, entitled "Governance by numbers", which stems from the lectures he gave at the Collège de France from 2012 to 2014, helps to understand to day's world. Alain Supiot analyzes the differences between the concept of government and the concept of governance. While a government takes decisions which commit the future of the nation, governance is only guided by corporate management rules. The economic system is supposed to be self-organised through the Market rules and to operate according to the cybernetic model of a computer. As a result, choices are made according to numerical criteria. Such a governance by numbers is uncompatible with the welfare state which was widespread in Europe. Whereas the welfare state resulted from the modern utopia of an universal protection ensured by a central authority, governance by numbers can be described as the postmodern utopia described by Gilles Deleuze et Félix Guattari of a rhisomatic system, excluding any kind of heteronomy, Governance by numbers undermines democracy itself, as decisions do not depend any more on the voting process and drags backward social law. As individuals are no more protected by the State, they have to owe allegiance to those who are powerful. Instead of liberating the society, governance involves a new kind of feodality.
L'ouvrage du distingué juriste qu'est Alain Supiot intitulé "La Gouvernance par les nombres" reprend le contenu du cours qu'il a donné au Collège de France de 2012 à 2014. C'est un ouvrage important pour comprendre le Monde d'aujourd'hui. Alain Supiot analyse les différences fondamentales entre les principes de gouvernement et la gouvernance telle qu'elle a été mise en place, à la suite du mouvement de dérégulation des années 90, qui a mené à l'ultralibéralisme actuel. Alors qu'un gouvernement prend des décisions qui engagent l'avenir de la nation, la gouvernance s'inspire des principes de gestion appliqués dans le monde des entreprises. Le système économique étant supposé auto-organisé par l'application des lois du Marché, il suffit d'appliquer des règles de bonne gestion, pour qu'il puisse fonctionner. "Le modèle physico-mécanique de l'horloge, qui avait partie liée avec l'idée de règne de la loi, a été supplanté par le modèle cybernétique de l'ordinateur".Ce modèle a mis en
péril le compromis social-démocrate, répandu
en Europe, fondé d’une part sur le respect de la concurrence de l’économie de
marché, et d’autre part sur une politique aussi étendue que possible de protection sociale. L’utopie moderne de l’Etat-providence est
remplacée par l’utopie postmoderne d’un
modèle rhizomatique déjà annoncé par
Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Mille
plateaux, excluant toute forme d’hétéronomie dans l’organisation sociale.
Dans un tel modèle, la décision politique est remplacée par les procédures
économiques opérées dans le cadre du Marché. Ces procédures sont fixées en fonction de critères numériques. "La gouvernance par les lois n'implique pas la disparition des lois, mais la soumission de leur contenu à un calcul d'utilités".
De ce fait, la démocratie est vidée de sa substance, puisque les choix qui engagent l'avenir échappent totalement au scrutin électoral. Alain Supiot montre par ailleurs le recul considérable qui en résulte en matière de Droit social. La protection des citoyens n'étant plus assurée par l'Etat, le seul moyen de se protéger consiste à accepter des liens d'allégeance vis à vis des plus forts. Loin de libérer la société, la gouvernance implique une nouvelle forme de féodalité.
De ce fait, la démocratie est vidée de sa substance, puisque les choix qui engagent l'avenir échappent totalement au scrutin électoral. Alain Supiot montre par ailleurs le recul considérable qui en résulte en matière de Droit social. La protection des citoyens n'étant plus assurée par l'Etat, le seul moyen de se protéger consiste à accepter des liens d'allégeance vis à vis des plus forts. Loin de libérer la société, la gouvernance implique une nouvelle forme de féodalité.