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samedi 13 janvier 2018

Les nouvelles communautés / New communities


The sharing economy, open innovation and network organization, which are spreading today, prefigure a society that relies on cooperation rather than competition. The vigor of the associative movements and the number of communities present in the world testify to the need to establish a closer social link. Increasingly contested, consumerist individualism continues to dominate society. Increased inequality, combined with the rise of neoliberalism, is driving a class of super-rich to luxury with excess. However, the need for human warmth and collective solidarity is leading an increasing proportion of the population to reject such selfish individualism. Anonymous metropolises tend to substitute smaller urban structures, better adapted to neighborhood relations. The large ensembles but also the dispersed individual habitat are not conducive to human contacts. Groupings of dwellings on a human scale are gradually replacing these two types of habitat, dominant in the past. They allow to find the atmosphere of a village, whose inhabitants know each other and are ready to help each other. The desire to re-establish social bonds is also manifested through the enthusiasm that drives many associations or organizations. Communities of practice gather around a common passion, be it music, computers (hackers) or 3D printing (makers). Communities of life, with sharing of goods in common, are formed around a shared ideal. They organize themselves in alternative villages, to implement the principles of responsible consumption, happy sobriety and autonomy. Many ecovillages, grouped into various associations, have been created on all continents. One of the oldest, Findhorn, founded in the 1960s, is located in a particularly inspiring setting, north of Scotland. The community it shelters is inspired by the ideas of ecology and the New Age. She cultivates flowers and vegetables, practices a lifestyle that respects the environment and welcomes many visitors to deliver their teaching. Contemporary "tribes" gather around rallying signs, which serve as rallying totems. The members of each tribe share the same lifestyles as well as the same dress codes or musical tastes. They like to meet, on the occasion of fairs or festive events, to live common passions. Each year, thousands of participants meet in the Arizona Black Rock desert, at the time of the summer solstice, for the great meeting of Burning man, during which is burned a giant wooden effigy. This meeting allows everyone to express their creativity, competing with imagination and fantasy in the presentation of their projects or inventions.Other groups focus on political causes. This is particularly the case of anarchist and "autonomous" groups, who made themselves known in France by the actions against the airport project at Notre-Dame-des-Landes or the Sievens dam. The communities of life that they created in order to continue a prolonged resistance, led them to experiment with new ways of life and organization, among which different types of ecological habitat, the pooling of various equipments such as tools or bicycles as well as the collective production of fruits and vegetables. The various communities that are being built everywhere, in Europe and in the world, remain marginal. They are organized around  ideas, which may be sometimes questionable. They nonetheless constitute laboratories of practices and ideas, which in the long term could transform society in depth.

L’économie du partage, l’innovation ouverte et l’organisation en réseau, qui se répandent actuellement, préfigurent une société misant sur la coopération plutôt que la compétition. La vigueur des mouvements associatifs et le nombre de communautés présentes dans le monde témoignent du besoin d’établir un lien social plus étroit. De plus en plus contesté, l’individualisme consumériste continue néanmoins à dominer la société. L’accroissement des inégalités, associé à l'essor du néolibéralisme, incite une classe de super-riches à pratiquer le luxe avec démesure. Toutefois, le besoin de chaleur humaine et de solidarité collective conduit une part croissante de la population à rejeter un tel individualisme purement égoïste. Aux métropoles anonymes tendent à se substituer des structures urbaines plus petites, mieux adaptées aux relations de voisinage. Les grands ensembles mais aussi l’habitat individuel dispersé sont peu propices aux contacts humains. Des regroupements d’habitations à échelle humaine remplacent progressivement ces deux types d’habitat, dominants dans le passé. Ils permettent de retrouver l’ambiance d’un village, dont les habitants se connaissent et sont prêts à s’entraider.
La volonté de retisser des liens sociaux se manifeste également à travers l’enthousiasme qui anime de multiples associations ou organisations. Des communautés de pratique se rassemblent autour d’une passion commune, que ce soit la musique, l’informatique (hackers) ou l’impression 3D (makers). Des communautés de vie, avec partage de biens en commun, se constituent autour d’un idéal partagé. Elles s’organisent en villages alternatifs, pour mettre en œuvre les principes de la consommation responsable, de la sobriété heureuse et de l’autonomie. De nombreux écovillages, regroupés en diverses associations, ont été créés  sur tous les continents. L’un des plus anciens, celui de Findhorn, fondé dans les années 1960, est situé dans un cadre particulièrement inspirant, au nord de l’Écosse. La communauté qu’il abrite s’inspire des idées de l’écologie et du New Age. Elle cultive fleurs et légumes, pratique un mode de vie conforme au respect de l’environnement et accueille de nombreux visiteurs, pour leur délivrer son enseignement.
Les « tribus » contemporaines se réunissent autour de signes de ralliement, qui leur servent de totems de rassemblement. Les membres de chaque tribu partagent les mêmes modes de vie ainsi que  les mêmes codes vestimentaires ou goûts musicaux. Ils aiment se retrouver, à l’occasion de foires ou d’événements festifs, pour vivre des passions communes. Chaque année, des milliers de participants se donnent rendez-vous dans le désert Black Rock de l’Arizona, au moment du solstice d’été, pour la grande rencontre de Burning man, au cours de laquelle est brûlée une effigie géante en bois. Ce rendez-vous permet à chacun d’exprimer sa créativité, en rivalisant d’imagination et de fantaisie dans la présentation de ses projets ou de ses inventions.
D’autres groupes s’attachent à des causes politiques. C’est le cas en particulier des anarchistes et « autonomes », qui se sont fait connaître en France par les actions menées contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes ou le barrage de Sievens. Les communautés de vie qu’ils ont créées afin de poursuivre une résistance prolongée, les ont conduits à expérimenter de nouveaux modes de vie et d’organisation, parmi lesquels différents types d’habitat écologique, la mise en commun d’équipements tels qu’outils ou vélos ainsi que la production collective de fruits et légumes.
Les diverses communautés qui se construisent un peu partout, en Europe et dans le monde, demeurent marginales. Elles sont  organisées autour d'idées parfois contestables. Elles constituent néanmoins des laboratoires de pratiques et d'idées, qui à terme pourraient contribuer à transformer la société en profondeur.

jeudi 12 novembre 2015

Du collectivisme à la coopération / From collectivism to cooperation


Will it be possible to organize a truly cooperative society, some kind of community? No socialist community imagined in the past has ever succeeded. The communities planned by Robert Owen or Charles Fourier have been partially experimented, but are considered now as utopias. All the collective social systems such as those experimented within the former USSR have failed. Their failure has been used as an argument for imposing another utopia, a fully liberal system. Still, most citizens are not driven only by individual profit and wish to share strong social links. Furthermore cooperation appears as essential for building a succcessful society. Different organizations presently tested might anticipate the organization of a future community. One possibility already tested in some organizations is to establish a whole bundle of communities (or holons) linked together. Such a holarchy avoids  the need of a centralized managementIt is also possible to develop a cooperation between different firms, sharing common means. A cooperative entrepreneurship can be very flexible and help small firms to operate within a global environment. Another way to organize a community is through the sharing of equipments, tools or experience. Sharing a car, a house or a tool can help to make a much better use of it. Digital technologies are now widely used for organizing this sharing in an efficient way as shown by many existing systems for car sharing. Sharing experience and knowledge is also attracting an increasing number of participants, through different communities of practice such as those which belong to the DIY movement. All these expériences may anticipate the organization of a future community, driven by collective interest rather than individual profit.

Sera-t-il possible d'organiser la société en véritable Communauté dans l'avenir? Alors que le système capitaliste s’est montré remarquablement résilient, tous les projets qui visaient à instaurer une communauté de vie ainsi qu’à partager l’ensemble des biens et des moyens de production ont échoué. La plupart des communes inspirées par des principes socialistes ont été des échecs ou sont restées au stade d’utopies. Conçues comme des cités idéales, elles avaient pourtant fait l’objet de plans précis, élaborés par des philanthropes tels que Robert Owen ou comme Charles Fourier, qui souhaitaient assurer le bonheur du genre humain. Les expériences de communes qui avaient été tentées en ex-URSS ont été rapidement abandonnées au profit de la collectivisation étatique. Les kolkhozes et sovkhozes ont été imposés à la paysannerie de façon souvent violente et les propriétaires terriens, qualifiés de « koulaks », ont été exterminés. La tentative d’imposer un modèle de société par la contrainte a été un échec. La création d’appartements communautaires pourvus de cuisines partagées entre plusieurs familles a été mal vécue par les habitants, qui souffraient de la promiscuité et du manque de liberté dans leurs choix d’aménagement ou de décoration. La mise en commun des outils de production s’est également avérée peu efficace. L’expérience communiste a conduit non seulement à la débâcle économique de l’ex-URSS, mais aussi à un rejet massif d’un tel système par les populations auxquelles il avait été imposé. Les conséquences de ce refus sont appelées à persister encore longtemps. Un retour au collectivisme paraît donc exclu, mais une économie collaborative, qui mise sur la coopération plutôt que sur la compétition paraît indispensable pour éviter les dérives actuelles, qui risquent de conduire à des conflits violents et à la destruction de la planète. Différentes initiatives actuelles préfigurent une société future du partage.
   Au mode de fonctionnement centralisé et pyramidal se substitue une organisation décentralisée, opérant en « cercles » capables de s’auto-organiser à leur niveau, tout en maintenant des liaisons souples avec l’ensemble de la structure. Ce modèle, qui dérive du concept d’holarchie introduit par Arthur Koestler, consiste à mettre en œuvre une organisation par holons (les cercles), qui peuvent s’organiser de manière autonome, par niveaux de complexité croissante. Dans les différents cercles, chaque personne participe aux décisions. Celles-ci sont prises toutefois en tenant compte des objectifs fixés pour l’ensemble de l’organisation. Un mode de fonctionnement de type holarchique a déjà connu un début de réalisation dans un certain nombre d’entreprises. Une organisation similaire, par niveaux emboités, est également mise en œuvre pour gérer les services de protection sociale, d’éducation et de préservation de l’environnement. Elle permet une décentralisation des décisions ainsi qu’une participation des usagers eux-mêmes au bon fonctionnement de l’organisation.