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lundi 3 février 2020

L'erreur de Descartes ou celle de Damasio? / Descartes' or Damasio's error?



Any attempt to conceive of a specific nature of consciousness, different from that which governs the physico-chemical processes at work in neural circuits, is today assimilated to a form of dualism. Descartes still distinguished the physical body (res extensa) and the soul, seat of thought (res cogitans). Neuroscientist Antonio Damasio talks about "Descartes' error". Like others, he criticizes Descartes for making the soul a duplicate of the human being, like a homuncle housed in the brain, which would perceive all the messages transmitted by the sense organs and would be able to think consciously . By pushing back the question posed about the origin of consciousness, the hypothesis of the soul would only introduce a logic of infinite regression,  
Against Descartes, Damasio claims to agree with Spinoza, who advocated a monism of body and mind. His materialistic interpretation, however, contradicts the idea defended by Spinoza, of a single Nature endowed with two attributes, matter and spirit, neither of which can be identified with the other. Henri Atlan does the same. While highlighting the fact that according to Spinoza Nature is endowed with two attributes, matter and spirit, he presents a conception of consciousness based on the only physico-chemical mechanisms intervening at the level of neurons.
With today's knowledge, it certainly seems impossible to dissociate mental activities and imagine thinking dissociated from the brain, as reasoning skills seem so closely linked to synaptic connections between neurons. The existence of a soul distinct from the body, which would be endowed with all of the mental functions, has therefore become little credible today.
This does not prove, however, that consciousness can be reduced to its material support, whatever the models imagined for this purpose. Wanting to explain thought and consciousness by simple physicochemical mechanisms in the name of a materialist monism is hardly compatible with the evidence of an inner feeling. If thought is generated by physicochemical processes occurring inside neural circuits, to the exclusion of all other forms of mind, human beings themselves become advanced machines. By denouncing "Descartes' error", does Antonio Damasio not commit another error? This fundamental debate is presented in the book "In search of lost consciousness - The Presence and the Open" which has just been published. New lines of thought aimed at reconciling apparently opposite points of view are discussed.

Toute tentative de concevoir une nature spécifique de la conscience, différente de celle qui régit les processus physico-chimiques à l’œuvre dans les circuits neuronaux, est aujourd’hui assimilée à une forme de dualisme.
Descartes distinguait encore le corps physique (res extensa) et l’âme, siège de la pensée (res cogitans). Le neuroscientifique Antonio Damasio évoque à ce sujet « l’erreur de Descartes ». Comme d’autres, il reproche à Descartes de faire de l’âme un double de l’être humain, tel un homoncule logé dans le cerveau, qui percevrait tous les messages transmis par les organes des sens et serait capable de réfléchir de manière consciente. En repoussant d’un cran la question posée au sujet de l’origine de la conscience, l’hypothèse de l’âme ne ferait qu’introduire une logique de régression à l’infini.
Contre Descartes, Damasio affirme donner raison à Spinoza, qui a préconisé un monisme du corps et de l’esprit. Son interprétation matérialiste contredit toutefois contredire l’idée défendue par Spinoza, d’une seule Nature dotée de deux attributs, la matière et l’esprit, dont aucun ne peut s’identifier à l’autre. Henri Atlan fait de même.  Tout en mettant en avant le fait que selon Spinoza la Nature est dotée de deux attributs, matière et esprit, il présente une conception de la conscience fondée sur les seuls mécanismes physico-chimiques intervenant au niveau des neurones.
Avec les connaissances d’aujourd’hui, il parait certes impossible de dissocier les activités mentales et d’imaginer une pensée dissociée du cerveau, tant les capacités de raisonnement paraissent étroitement liées aux connexions synaptiques entre neurones. L’existence d’une âme distincte du corps, qui serait dotée de l’ensemble des fonctions mentales, est devenue de ce fait peu crédible aujourd’hui. 
  Ceci ne prouve pas néanmoins que la conscience peut être réduite à son support matériel, quels que soient les modèles imaginés dans ce but. Vouloir expliquer la pensée et la conscience par de simples mécanismes physico-chimiques au nom d’un monisme matérialiste, n’est guère compatible avec l’évidence d’un ressenti intérieur. Si la pensée est générée par des processus physico-chimiques se produisant à l’intérieur des circuits de neurones, à l’exclusion de toute autre forme d’esprit, l’être humain devient lui-même une machine évoluée.  Ainsi, en dénonçant "l'erreur de Descartes", Antonio Damasio ne commet-il pas une autre erreur? Ce débat de fond est présenté dans l'ouvrage "A la recherche de la conscience perdue - La Présence et l'Ouvert" qui vient de paraître. De nouvelles pistes de réflexion visant à réconcilier des points de vue en apparence opposés sont discutées.

vendredi 6 février 2015

Devenir soi / Achieving personal fulfillment


In his last book, Jacques Attali is advocating a quest for personal fulfillment.  After having met many high rank political and economical leaders, he draws  disillusioned  conclusions about the World situation. He thinks that evil is omnipresent and that political leaders are unable to bring the right solutions. Therefore, it becomes impossible to rely upon anybody. No help can be expected from companies or from the State. The only positive option which remains is to change oneself, in order to change the world. Jacques Attali quotes numerous examples, from Gandhi to Steve Jobs, from Bouddha to Picasso of those who were able to change their destiny, by changing oneself. Such a message seems a correct appraisal of the present crisis and trying to change oneself, the most appropriate answer. Still, it is probably an illusion to think that becoming Gandhi or Steve Jobs is just a matter of "mind shift". The destiny of an individual person depends upon her gifts but also upon the society where she lives.. Therefore, it is probably necessary to proceed a step further and before trying to change the world, to undertake an internal change, a "soul therapy", as expressed by Cheikh Khaled Bentounès.

Dans son dernier ouvrage, Jacques Attali conseille de "devenir soi". L'évolution qu'il a suivie est intéressante. Après avoir assumé de nombreuses responsabilités, il parvient à des conclusions désabusées. Il constate que le Monde va mal et pense même qu'il va vers une "somalisation" généralisée. Les responsables politiques s'avèrent incapables de changer le Monde. Les citoyens deviennent des assistés, qui attendent tout des autorités, des "résignés-réclamants". Dans ce sombre contexte, il faut avoir "le courage de ne compter sur personne, d'oser ne rien attendre des autres: ni amour, ni argent, ni soutien, pas plus de sa famille, de ses amis, de ses relations, des autorités qui représentent les autres, que de quelque sauveur que ce soit. En particulier, il ne faut attendre aucun secours des patrons, ni de l'Etat". Dès lors, la seule option qui reste ouverte consiste à prendre son destin en main, pour se transformer soi-même et par là, contribuer à changer le monde. Dans son ouvrage, Jacques Attali, cite de nombreux exemples, de Gandhi à Steve Jobs, de Bouddha à Picasso, de ceux qui ont su prendre leur destin en main.
Le message reflète bien l'époque de crise que nous vivons et dans ce contexte il est effectivement judicieux de chercher d'abord à se changer soi-même. Toutefois, il serait illusoire de penser qu'il suffit de ses prendre en main pour devenir Steve Jobs ou Gandhi. Toute personne qui réussit une œuvre extraordinaire est le reflet de la société dans laquelle il vit. Une société en crise est incapable de susciter le génie. Il faut sans doute aller encore un peu plus loin, pour oser affirmer que le changement doit être d'abord intérieur et passer par une "thérapie de l'âme", selon l'expression du cheikh Khaled Bentounès.