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lundi 3 février 2020

L'erreur de Descartes ou celle de Damasio? / Descartes' or Damasio's error?



Any attempt to conceive of a specific nature of consciousness, different from that which governs the physico-chemical processes at work in neural circuits, is today assimilated to a form of dualism. Descartes still distinguished the physical body (res extensa) and the soul, seat of thought (res cogitans). Neuroscientist Antonio Damasio talks about "Descartes' error". Like others, he criticizes Descartes for making the soul a duplicate of the human being, like a homuncle housed in the brain, which would perceive all the messages transmitted by the sense organs and would be able to think consciously . By pushing back the question posed about the origin of consciousness, the hypothesis of the soul would only introduce a logic of infinite regression,  
Against Descartes, Damasio claims to agree with Spinoza, who advocated a monism of body and mind. His materialistic interpretation, however, contradicts the idea defended by Spinoza, of a single Nature endowed with two attributes, matter and spirit, neither of which can be identified with the other. Henri Atlan does the same. While highlighting the fact that according to Spinoza Nature is endowed with two attributes, matter and spirit, he presents a conception of consciousness based on the only physico-chemical mechanisms intervening at the level of neurons.
With today's knowledge, it certainly seems impossible to dissociate mental activities and imagine thinking dissociated from the brain, as reasoning skills seem so closely linked to synaptic connections between neurons. The existence of a soul distinct from the body, which would be endowed with all of the mental functions, has therefore become little credible today.
This does not prove, however, that consciousness can be reduced to its material support, whatever the models imagined for this purpose. Wanting to explain thought and consciousness by simple physicochemical mechanisms in the name of a materialist monism is hardly compatible with the evidence of an inner feeling. If thought is generated by physicochemical processes occurring inside neural circuits, to the exclusion of all other forms of mind, human beings themselves become advanced machines. By denouncing "Descartes' error", does Antonio Damasio not commit another error? This fundamental debate is presented in the book "In search of lost consciousness - The Presence and the Open" which has just been published. New lines of thought aimed at reconciling apparently opposite points of view are discussed.

Toute tentative de concevoir une nature spécifique de la conscience, différente de celle qui régit les processus physico-chimiques à l’œuvre dans les circuits neuronaux, est aujourd’hui assimilée à une forme de dualisme.
Descartes distinguait encore le corps physique (res extensa) et l’âme, siège de la pensée (res cogitans). Le neuroscientifique Antonio Damasio évoque à ce sujet « l’erreur de Descartes ». Comme d’autres, il reproche à Descartes de faire de l’âme un double de l’être humain, tel un homoncule logé dans le cerveau, qui percevrait tous les messages transmis par les organes des sens et serait capable de réfléchir de manière consciente. En repoussant d’un cran la question posée au sujet de l’origine de la conscience, l’hypothèse de l’âme ne ferait qu’introduire une logique de régression à l’infini.
Contre Descartes, Damasio affirme donner raison à Spinoza, qui a préconisé un monisme du corps et de l’esprit. Son interprétation matérialiste contredit toutefois contredire l’idée défendue par Spinoza, d’une seule Nature dotée de deux attributs, la matière et l’esprit, dont aucun ne peut s’identifier à l’autre. Henri Atlan fait de même.  Tout en mettant en avant le fait que selon Spinoza la Nature est dotée de deux attributs, matière et esprit, il présente une conception de la conscience fondée sur les seuls mécanismes physico-chimiques intervenant au niveau des neurones.
Avec les connaissances d’aujourd’hui, il parait certes impossible de dissocier les activités mentales et d’imaginer une pensée dissociée du cerveau, tant les capacités de raisonnement paraissent étroitement liées aux connexions synaptiques entre neurones. L’existence d’une âme distincte du corps, qui serait dotée de l’ensemble des fonctions mentales, est devenue de ce fait peu crédible aujourd’hui. 
  Ceci ne prouve pas néanmoins que la conscience peut être réduite à son support matériel, quels que soient les modèles imaginés dans ce but. Vouloir expliquer la pensée et la conscience par de simples mécanismes physico-chimiques au nom d’un monisme matérialiste, n’est guère compatible avec l’évidence d’un ressenti intérieur. Si la pensée est générée par des processus physico-chimiques se produisant à l’intérieur des circuits de neurones, à l’exclusion de toute autre forme d’esprit, l’être humain devient lui-même une machine évoluée.  Ainsi, en dénonçant "l'erreur de Descartes", Antonio Damasio ne commet-il pas une autre erreur? Ce débat de fond est présenté dans l'ouvrage "A la recherche de la conscience perdue - La Présence et l'Ouvert" qui vient de paraître. De nouvelles pistes de réflexion visant à réconcilier des points de vue en apparence opposés sont discutées.

mardi 21 janvier 2020

La conscience est-elle un phénomène électrique?/Is consciousness an electrical phenomenon?


The idea that consciousness is purely the result of electrochemical exchanges occurring in the neural circuits of the brain is now widely accepted. Consciousness is then perceived as the equivalent of software equipping the supercomputer that would be the brain.Conversely, with the progress of digital technologies and artificial intelligence, many people imagine the imminent arrival of robots, not only thinking, but also aware and endowed with feelings. In this case, an ethics of behavior vis-à-vis such "sentimental robots" should be provided.

In this context, the question of consciousness becomes a burning activity because only a better perception of its uniqueness can establish a radical difference between the human being and the machine. The idea of ​​a soul controlling thought, as Descartes still admitted, has become incompatible with the achievements of neuroscience. Is it possible, however, to view human subjectivity from a point of view other than that of a reductive materialism?

A book to be published on January 28 in bookstores entitled "In search of lost consciousness - The Presence and the Open" explores the possibility of synthesizing the achievements of neuroscience and the teachings of great spiritual traditions.

Building on the knowledge acquired concerning the nature of consciousness and the matter-mind link, this work shows that it is possible to overcome current cleavages, by appealing to the notion of levels of reality. Subjectivity then finds its source in the notion of Presence and, beyond, within the unlimited space of the Open.

While diving into the interior allows joining the Presence and discovering a spirituality that remains compatible with different religious or philosophical convictions, acting in the interpersonal and intergenerational space of the Open gives meaning for undertaking to rebuild a society invaded by consumerism.


L’idée selon laquelle la conscience est purement issue des échanges électrochimiques se produisant dans les circuits neuronaux du cerveau est à présent largement admise. La conscience est alors perçue comme l’équivalent d’un software équipant le superordinateur que serait le cerveau.
Réciproquement, avec les progrès des technologies numériques et de l’intelligence artificielle, nombreux sont ceux qui imaginent l’arrivée prochaine de robots, non seulement pensants, mais également conscients et dotés de sentiments. Il faudrait dans ce cas prévoir une éthique de comportement vis-à-vis de tels « robots sentimentaux ».
Dans ce contexte la question de la conscience devient d’une brûlante activité car seule une meilleure perception de son caractère unique permet d’établir une différence radicale entre l’être humain et la machine. L’idée d’une âme contrôlant la pensée comme l’admettait encore Descartes est devenue incompatible avec les acquis des neurosciences. Est-il possible néanmoins d’envisager la subjectivité humaine d’un point de vue autre que celui d’un matérialisme réducteur ?
Un ouvrage à paraître le 28 janvier en librairie intitulé « A la recherche de la conscience perdue – La Présence et l’Ouvert » explore la possibilité d’opérer une synthèse entre les acquis des neurosciences et les enseignements des grandes traditions spirituelles.
En s’appuyant sur les connaissances acquises concernant la nature de la conscience et le lien matière-esprit, cet ouvrage montre qu’il est possible de dépasser les clivages actuels, en faisant appel à la notion de niveaux de réalité. La subjectivité trouve alors sa source dans la notion de Présence et, au-delà, au sein de l’espace illimité de l’Ouvert.
Tandis que plonger à l’intérieur de soi permet de rejoindre la Présence et de découvrir une forme spiritualité qui reste compatible avec différentes convictions religieuses ou philosophiques, agir dans l’espace interpersonnel et intergénérationnel de l’Ouvert permet de redonner un sens au travail à entreprendre pour reconstruire une société envahie par le consumérisme et le simulacre.

lundi 13 août 2018

La cause animale / Animal welfare



Anyone who observes animals can easily realize that the human being is not the only one to be conscious. It is frequently put forward, and this without manifest proof, that man is the only one of all living beings to have a self-consciousness. However, if we admit that feelings of pleasure, pain, sadness or joy manifest the presence of a conscience, just to look at dogs, cats, monkeys or other animals gives a good indication that they are fully aware. Of course, the level of consciousness reached by a mosquito is certainly much lower than that of a man, but on a scale of consciousness, a chimpanzee is probably much closer to a human being than a mosquito. All living species cannot be put on the same level. Ethical behavior towards animals should result from such an observation. The attitude of separating living beings into two categories, men and animals (sometimes referred to in a rather contemptuous way as non-humans), without taking into account the infinite variety of them, seems eminently debatable. In addition, to base a radical distinction on the ability to manipulate language and abstract concepts amounts to denying any consciousness to young children, whereas on the contrary they appear to us to be endowed with a very great sensitivity. Admitting that consciousness animates the whole of the biosphere changes the way we look at nature, which thus regains its sacredness and a dignity it has lost in our contemporary society. It is no longer possible to exploit it solely according to what suits human beings. Disturbing questions then arise. If consciousness is the measure of any notion of value, how do we act with living beings who share a common sensibility with the human being and first and foremost the higher animals? Such a question is more and more frequently raised by animal rights advocates. Thus, for the Australian philosopher Peter Singer all sentient sentient beings must be considered as morally equal. Many "anti-species" activists are fighting hard for the defense of animal rights, sometimes going so far as to adopt questionable methods. The horror of the treatment inflicted on animals may, indeed, justify some rage. What measures can be adopted? First and foremost, it is a firm condemnation of all unjustified acts of cruelty towards animals, associated with practices such as hunting with hounds or bullfighting. Fortunately, these practices are experiencing a growing disaffection. Cruel treatment of animals for the supposed benefit of men is more difficult to suppress. Medical research poses particularly complex ethical problems, but displaying scientific objectives is certainly not sufficient to justify any act of torture inflicted on animals, and for this reason grant complete moral and legal immunity to those who do not no scruples. Finally, the industrial farming of millions of animals for food consumption poses immense problems. In addition to the degrading treatment of animals, it leads to overconsumption of resources incompatible with sustainable development of the Earth and many adverse effects on human health. Meat consumption is decreasing in developed countries, but increasing in emerging countries. One of the biggest challenges of the future will be to invent a meatless civilization.

Quiconque observe des animaux peut facilement se rendre compte que l’être humain n’est pas le seul à disposer d’une forme de conscience. Il est fréquemment avancé,  et ceci sans preuve manifeste, que l’homme est le seul de tous les êtres vivants à disposer d’une conscience de soi. Toutefois, si l’on admet que ressentir des sensations de plaisir ou de douleur, de tristesse ou de joie manifeste la présence d’une conscience, il suffit de regarder chiens, chats, singes ou autres animaux autour de soi pour se convaincre  qu’ils sont pleinement conscients.
Certes, le niveau de conscience atteint par un moustique se situe certainement très en dessous de celui d’un homme, mais, sur une échelle de conscience, un chimpanzé est sans doute beaucoup plus proche d’un être humain que d'un moustique. Toutes les espèces vivantes ne peuvent donc pas être mises sur le même plan. 
Le comportement éthique vis-à-vis des animaux devrait résulter d’un tel constat. L'attitude consistant à séparer les êtres vivants en deux catégories, les hommes et les animaux (parfois qualifiés selon le terme particulièrement méprisant de non-humains), sans prendre en compte l’infinie variété de ces derniers paraît éminemment discutable. En outre, fonder une distinction radicale sur la capacité à manipuler le langage et les concepts abstraits revient à dénier toute conscience aux jeunes enfants, alors qu’au contraire ceux-ci nous apparaissent comme dotés d’une très grande sensibilité. Admettre que la conscience anime l’ensemble de la biosphère modifie le regard porté sur la nature, qui retrouve ainsi son caractère sacré et une dignité qu’elle a perdue dans la société contemporaine. Il n’est plus possible de l’exploiter uniquement en fonction de ce qui arrange les êtres humains. La préserver devient un devoir moral.
Des questions dérangeantes se posent alors. Si la conscience représente la mesure de toute notion de valeur, comment agir avec les êtres vivants qui partagent avec l’être humain une sensibilité commune et en tout premier lieu les animaux supérieurs ? Une telle question est de plus en plus fréquemment soulevée par les défenseurs du droit des animaux. Ainsi, pour le philosophe australien Peter Singer tous les êtres vivants sensibles doivent être considérés comme moralement égaux. De nombreux militants « anti-spécistes » se battent avec acharnement pour la défense du droit des animaux, en allant parfois jusqu’à adopter des méthodes contestables. L’horreur des traitements infligés aux animaux peut, il est vrai,  justifier une certaine rage.  
   Quelles mesures peuvent être adoptées? Il s'agit tout d'abord de condamner fermement tous les actes de cruauté injustifiés vis à vis des animaux, associés à des pratiques telles que la chasse à courre ou la corrida. Ces pratiques connaissent heureusement une désaffection croissante. Les traitements cruels infligés aux animaux au profit supposé des hommes sont plus difficiles à supprimer. La recherche médicale pose des problèmes éthiques particulièrement complexes, mais afficher des objectifs scientifiques ne suffit certainement pas à justifier n'importe quel acte de torture infligé aux animaux, et à accorder pour cette raison une totale immunité morale et juridique à ceux qui ne font preuve d'aucun scrupule. Enfin, l'élevage industriel de millions d'animaux à des fins de consommation alimentaire pose d'immenses problèmes. Outre les traitements dégradants infligés aux animaux, il entraîne une surconsommation de ressources incompatible avec un développement durable de la Terre ainsi que de nombreux effets indésirables sur la santé humaine. La consommation de viande diminue dans les pays développés, mais augmente dans les pays émergents. Un des plus grands défis de l'avenir sera d'inventer une civilisation sans viande.

vendredi 20 juillet 2018

Spinoza et les neurosciences / Spinoza and neurosciences


The biologist and physician Henri Atlan, who had published in his time, a much noticed essay "Between the crystal and the smoke", has just issued a book on Spinoza and the current sciences of cognition. The publication of this book represents an excellent opportunity to revisit past and current conceptions of the relationship between body and mind. For a long time it was thought that the mind could be represented by a soul distinct from the body, the soul and the body being considered as two disjoint entities. The soul was supposed to control the body, but the link between these two entities remained mysterious. Such a conception prevailed until the end of the Middle Ages and the beginning of the Renaissance. The interaction between the soul and the body, however, remained problematic. The way in which the immaterial soul can control the body had been the subject of a question put to Descartes by the Princess Elizabeth of Bohemia in 1643. For Descartes, the soul is the seat of thought. He placed it in the pineal gland. The soul identifies with the person, as a source of thoughts and feelings. The body is only a vehicle, a machine that allows the human being to survive in his environment. The animals being devoid of soul, are reduced to the state of machines and Descartes does not recognize them thoughts, feelings, or even sensations. Advances in science have highlighted the role of the brain as the seat of reflection. Neuroscience has benefited from new technologies, including medical imaging, which has made it possible to locate mental functions in different parts of the brain. Descartes has been criticized for making the soul a duplicate of the human being. a homunculus that would be housed in the brain and that would perceive all the messages that it receives, thus creating the logical risk of a regression to infinity. Today, the brain is generally perceived as the sole seat of thought. The notion of an immaterial soul then becomes obsolete. At the same time, the existence of any form of "spirit" that is different from matter is called into question. The eminent neuroscientist Antonio Damasio denounced the conception of a separate body and soul, calling it a "Descartes' error". Against Descartes, Damasio wants to give reason to Spinoza, who has adopted a monism of body and mind. Henri Atlan resumes his arguments, not hesitating to affirm that the philosophy of Spinoza brings to the current sciences a more important contribution than those of the other great philosophers of the same period, Descartes, Pascal, Leibnitz as well as other more recent and even contemporaries. But he blames Damasio for interpreting Spinoza's philosophy in terms of materialist monism, which poses problems of coherence in his interpretation of the links between body and mind. In addition, according to Henri Atlan, this materialist position departs from the position defended by Spinoza, who claimed the existence of two attributes of Nature, none of which could fully identify with the other, represented in the human being. human respectively by body and mind. It is this way of escaping a reductionism that is either materialistic or idealistic, which, according to Henri Atlan, constitutes the whole interest of Spinoza's position. However, his analysis does not escape, itself, contradictions. Indeed, like many current scientists, Henri Atlan adopts a physicalist position, consisting in admitting that the functioning of the mind is governed by the laws of the current physics. In this case, is not the attribute "spirit" a mere illusion?
In fact, it is possible to interpret Spinoza's monism in two different ways. Following the first, it would be a monism foreshadowing the materialistic monism that Damasio defends. In this case, it is unclear what clarification about the functioning of the mind can inspire a current scientist reading the Ethics, whose language (substance, attribute ...) seems far removed from the current scientific language. According to a second interpretation, Spinoza defends a form of panpsychism, the nature of which remains to be elucidated. In this case, a reflection on his work could bring an opening to the current science, without requiring to leave the domain of Nature. This is clearly not the path chosen by Henri Atlan and, in these circumstances, it is difficult to understand how his position differs from that of Damasio, other than at the level of a petition of principle.

Le biologiste et médecin Henri Atlan, qui avait publié en son temps, un essai fort remarqué "Entre le cristal et la fumée", vient de publier un ouvrage sur Spinoza et les sciences actuelles de la cognition. La publication de cet ouvrage représente une excellente occasion de revisiter les conceptions passées et actuelles concernant la relation entre le corps et l'esprit. Pendant longtemps, on a pensé que l'esprit pouvait être représenté par une âme distincte du corps, l’âme et le corps étant considérés comme deux entités disjointes. L’âme était censée commander le corps, mais le lien entre ces deux entités restait mystérieux. Une telle conception a prévalu jusqu'à la fin du Moyen-âge et le début de la Renaissance. Elle était encore celle de Descartes. L'interaction entre l'âme et le corps restait toutefois problématique.  La façon dont l'âme immatérielle peut commander le corps avait fait l'objet dès 1643 d'une question posée à Descartes par la princesse Elisabeth de Bohême. Pour Descartes, l’âme est le siège de la pensée. Il imagine qu'elle pourrait être localisée en un lieu précis et la situe dans la glande pinéale. L'âme s’identifie à la personne, en tant que source de pensées et de sentiments. Le corps n’est qu’un véhicule, une machine qui permet à l’être humain de survivre dans son environnement. Les animaux étant dépourvus d’âme, sont réduits à l’état de machines et Descartes ne leur reconnait ni pensées, ni sentiments, ni même sensations. Les progrès de la science ont mis en évidence le rôle du cerveau comme siège de la réflexion. Les neurosciences ont bénéficié des technologies nouvelles, notamment de l’imagerie médicale, ce qui a permis de localiser des fonctions mentales à différents endroits du cerveau.Il a été reproché à Descartes de faire de l’âme un double de l’être humain, un homoncule qui serait logé dans le cerveau et qui percevrait tous les messages que celui-ci reçoit, créant ainsi le risque logique d’une régression à l’infini. Aujourd’hui, le cerveau est généralement perçu comme le siège unique de la pensée. La notion d’une âme immatérielle devient alors caduque. Simultanément, l’existence de toute forme d’ « esprit » se distinguant de la matière est remise en cause. L’éminent neuroscientifique Antonio Damasio a ainsi dénoncé la conception d’un corps et d’une âme séparés, en la qualifiant d’ « erreur de Descartes ». Contre Descartes, Damasio veut donner raison à Spinoza, qui a adopté un monisme du corps et de l’esprit. Henri Atlan reprend ses arguments, en n'hésitant pas à affirmer que la philosophie de Spinoza apporte aux sciences actuelles une contribution plus importante que celles des autres grands philosophes de la même époque, Descartes, Pascal, Leibnitz ainsi que d'autres plus récents et même contemporains. Mais il reproche à Damasio d'interpréter la philosophie de Spinoza en termes de monisme matérialiste, ce qui pose des problèmes de cohérence dans son interprétation des liens entre corps et esprit. En outre, selon Henri Atlan, cette position matérialiste s’écarte de la position défendue par Spinoza, qui revendiquait l’existence de deux attributs de la Nature, dont aucun ne pouvait s’identifier totalement à l’autre, représentés chez l'être humain respectivement par le corps et l'esprit. C'est cette façon d'échapper à un réductionnisme soit matérialiste, soit idéaliste qui, selon Henri Atlan, constitue tout l'intérêt de la position de Spinoza. Toutefois, son analyse n'échappe pas, elle-même, à des contradictions. En effet, comme beaucoup de scientifiques actuels, Henri Atlan adopte une position physicaliste, consistant à admettre que le fonctionnement du mental est régi par les lois de la physique actuelle. Dans ce cas, l'attribut "esprit" n'est-il pas une simple illusion? 
En fait, il est possible d'interpréter le monisme de Spinoza en deux sens différents. Suivant le premier, il s'agirait d'un monisme préfigurant le monisme matérialiste que défend Damasio. Dans ce cas, on ne voit pas très bien quel éclaircissement concernant le fonctionnement du mental peut inspirer à un scientifique actuel la lecture de l'Ethique, dont le langage (substance, attribut ...) paraît bien éloigné du langage scientifique actuel. Selon une seconde interprétation, Spinoza défendrait une forme de panpsychisme, dont la nature reste à élucider. Dans ce cas, une réflexion sur son oeuvre pourrait apporter une ouverture à la science actuelle, sans nécessiter pour autant de sortir du domaine de la Nature. Ce n'est manifestement pas la voie choisie par Henri Atlan et, dans ces conditions, on comprend mal en quoi sa position diffère de celle de Damasio, autrement qu'au niveau d'une pétition de principe.

mercredi 9 mai 2018

Intelligence artificielle et conscience humaine/ Artificial Intelligence and human consciousness


At the time of transhumanism and artificial intelligence, the question of human consciousness finds a singular relevance. The ability of computers to perform an increasing number of tasks that were exclusively the responsibility of human intelligence led to the assimilation of these two forms of intelligence. Advances in neuroscience have helped to reinforce this assimilation, since brain neuron circuits have been identified to electronic circuits. Many journalists and even scientists like Michio Kaku have imagined machines that are not only capable of thinking, but also conscious, that is, endowed with subjectivity or even feelings. In this context, it becomes more important than ever to wonder about the specificity of human consciousness and more broadly about the fundamental difference that exists between living beings and machines. If the human brain is assimilated to a computer, what remains of human dignity? What consideration can we expect from all living beings, reduced to a condition of machines? To show the fundamental difference between a human being and a machine, it is necessary first of all to reject firmly the idea that computers equipped with logical functions and thus able to perform certain functions that previously required the intervention of human intelligence, might be provided with some subjectivity and be able to experience sensations, even feelings. To admit that conscious states represent a form of software that can be placed on any medium seems completely ungrounded. Assimilating conscious states and information processing, a theory that leads Chalmers to give a thermostat an early awareness, is no more convincing. At the same time, it is necessary to better understand the unique nature of the consciousness and sensibility that is spread within all living beings. To compare the performance of a machine and a human being, it is necessary to clarify how intelligence is measured. A machine is certainly capable of going beyond human intelligence in many ways, being faster, more extensive and more reliable. On the other hand, human intelligence will no doubt remain for a long time deeper, that is to say, capable of imagining, understanding and exploiting complex and abstract concepts. Despite the performance that computers and robots are capable of, assimilating the intelligence of machines to that of human beings undoubtedly proceeds from too hasty extrapolation. The replacement of human workers by robots risks dehumanizing the social milieu and impoverishing the collective imagination. By his intelligence, the human being kept the hope of disengaging himself from the mechanical power. Confronted with a system able to spy on him and anticipate his reactions, he is weakened and unable to react. In a world populated with intelligent objects, supposed to help him, but whose operation escapes him, he becomes dependent on machines that surpass him, not only from the physical standpoint, but also, more and more often, in areas that appeal to intelligence. The very rapid progress of artificial intelligence comes before humanity has had time to adapt accordingly. Relationships between humans and machines may change profoundly. The human being thought to dominate the machine, but the situation seems to be reversed. Faced with a robot, the human being is obliged to follow the procedure imposed on him, without possible derogation. In a world populated with computers, connected objects and robots, everyone's freedom may be compromised. The room for maneuver and negotiation opportunities that applied to human relations will be difficult to preserve. The human being, formatted by his interactions with machines, will have to adopt an algorithmic way of thinking, which will inevitably favor the development of the brain functions best adapted to the dialogue with the machines. Such conditioning of the human brain can only impoverish the capacities of intuition, imagination and creation. By becoming binary, thought will exclude dreams and poetry, as well as feelings of empathy, solidarity or compassion. It will be integrated into a vast cybernetic system, which deprives it of freedom. Dictatorship by the machine is particularly formidable, because the machine is not open to any feeling.

À l’heure du transhumanisme et de l’intelligence artificielle, la question de la conscience humaine retrouve une singulière actualité. La capacité des ordinateurs à effectuer un nombre croissant de tâches qui relevaient exclusivement de l'intelligence humaine a conduit à assimiler ces deux formes d'intelligence. Les progrès des neurosciences ont contribué à renforcer cette assimilation, car les circuits de neurones cérébraux ont été identifiés aux circuits électroniques. De nombreux chroniqueurs et même des scientifiques comme Michio Kaku ont imaginé des machines non seulement capables de penser, mais également conscientes, c’est-à-dire dotées de subjectivité, voire de sentiments.  Dans ce contexte, il devient plus important que jamais de s’interroger sur la spécificité de la conscience humaine et plus largement sur la différence fondamentale qui existe entre les êtres vivants et les machines. Si le cerveau humain est assimilé à un ordinateur, que reste-t-il de la dignité humaine? Quelle considération est-il possible d’espérer vis-à-vis de tous les êtres vivants, ramenés à une condition de machines?
   Pour montrer la différence fondamentale entre un être humain et une machine, il est nécessaire tout d'abord de rejeter fermement l'idée que des ordinateurs pourvus de fonctions logiques et donc capables d'accomplir certains fonctions qui nécessitaient auparavant l'intervention d'une intelligence humaine, soient pourvus d'une quelconque subjectivité et soient capables d'éprouver des sensations, voire des sentiments. L'idée que les états conscients représentent une forme de software qui peut être placée sur n'importe quel support paraît tout à fait inacceptable, de même que celle qui consiste à assimiler états conscients et traitement de l'information, théorie qui conduit Chalmers à doter un thermostat  d'un début de conscience. En même temps, il est nécessaire de mieux comprendre la nature unique de la conscience et de la sensibilité que manifestent non seulement les êtres vivants, mais aussi tous les êtres vivants. Il faut parvenir à distinguer les états conscients de processus de traitement de l'information ou d'opérations logiques. Pour comparer les performances d’une machine et d’un être humain, il est nécessaire de clarifier la façon dont on mesure l’intelligence. Une machine est certainement capable de dépasser l’intelligence humaine sur plusieurs plans, en étant plus rapide, plus étendue et plus fiable. Par contre, l’intelligence humaine va sans doute rester pendant longtemps plus profonde, c’est-à-dire capable d’imaginer, de comprendre et d’exploiter des concepts complexes et abstraits. Malgré les performances dont sont capables les ordinateurs et les robots, assimiler l’intelligence des machines à celle des êtres humains procède sans doute d’une extrapolation trop hâtive. Le remplacement des travailleurs humains par des robots risque de déshumaniser le milieu social et d’appauvrir l’imaginaire collectif.  Par son intelligence, l’être humain gardait l’espoir de se dégager de la puissance mécanique. Confronté à un système capable de l’épier et d’anticiper ses réactions, il se trouve fragilisé et incapable de réagir. Au sein d’un monde peuplé d’objets intelligents, censés l’aider, mais dont le fonctionnement lui échappe, il devient dépendant de machines qui le surpassent, non seulement sur le plan physique, mais aussi, de plus en plus souvent, dans des domaines qui font appel à l’intelligence. La progression très rapide de l’intelligence artificielle intervient avant que l’humanité n’ait eu le temps de s’adapter en conséquence. Les relations entre les êtres humains et les machines risquent d’évoluer profondément. L’être humain pensait dominer la machine, mais la situation semble s’inverser. Confronté à un robot, l’être humain est obligé de suivre la procédure qui lui est imposée, sans dérogation possible. Dans un monde peuplé d’ordinateurs, d’objets connectés et de robots, la liberté de chacun risque d’être compromise. Les marges de manœuvre et les possibilités de négociation, qui s’appliquaient aux relations humaines, seront difficiles à préserver. L’être humain, formaté par ses interactions avec des machines, devra adopter un mode de pensée algorithmique, qui va inévitablement favoriser le développement des fonctions cérébrales les mieux adaptées au dialogue avec les machines. Un tel conditionnement du cerveau humain ne peut qu’appauvrir les capacités d’intuition, d’imagination et de création. En devenant binaire, la pensée va exclure le rêve et la poésie, ainsi que les sentiments d’empathie, de solidarité ou de compassion. Elle sera enfermée dans un vaste système cybernétique, qui la prive de liberté. La dictature par la machine est particulièrement redoutable, car la machine n'est ouverte à aucun sentiment.

mercredi 21 mars 2018

La conscience: tout ou rien? /Consciousness: everything or nothing?


Throughout his life, the human being is subjected to scary questions about the meaning of his life. Does this short existence have any meaning? Is it doomed to sink into nothingness? Failure to have clear answers to these questions greatly aggravates the discomfort and anxiety that is prevalent in our time. Among these questions, the question of consciousness appears as central. In the world of objects around us, more pregnant than ever, what constitutes our subjectivity? How to interpret the irreducible distance that separates our inner being from the outside world? What is the source of our unity, of our personnality? What relationship can be established between our inner self and that of others? The question of consciousness has several aspects. Those directly addressed by present-day science concern the processes through which the perception of all information reaching the consciousness takes place. Knowledge about these processes has progressed considerably thanks to neuroscience. An entirely different question continues to arise. It is that of the nature of consciousness. It is also an unresolved issue. For one of the most thoughtful on this topic, the Australian scholar David Chalmers, it is the difficult question between all. Yet this question conditions the understanding of our own nature. To wonder about it is essential to choose a life line. While there are many books on the questions of consciousness and the mind, they do not give the impression of elucidating the question. After claiming that consciousness represents the "difficult question", David Chalmers believes he has an explanation: consciousness would be reduced to information. So a thermostat would be provided with a beginning of consciousness! Artificial intelligence would be a fortiori associated to a form of consciousness. The philosopher Markus Gabriel adopts a more reasonable point of view, refusing such a reductionism. He criticizes the excessive aims of neuroscience when they claim to explain consciousness. However, he managed the feat of writing an entire book about consciousness, without really discussing its nature nor giving a beginning of explanation to its presence. The words of conscience, of mind, of subjectivity are charged with so many connotations, that to employ them becomes almost impossible. For anyone who accepts a moment to free himself from any preconceived idea, the inner consciousness appears as an evidence, even before any external reality. It is even for each of us the first revelation, the one that allows us to access the miracle of life and the totality of our experience. Yet, as this notion disturbs all those who have adopted a purely materialistic and reductionist point of view, many people simply deny it existence. Consciousness is for them at worst only an illusion, at best a mere fantasy. For all those who share such a view, the intelligent machine represents the new horizon. According to the conceptions adopted, consciousness can thus pass from the Whole, by confounding itself with the Universe, with Nothing, in a narrow materialistic conception, which simply denies its existence.

Tout au long de sa vie, l’être humain est soumis à des questions angoissantes sur le sens de sa vie sur Terre. Cette courte existence a-t-elle une signification ? Est-elle vouée à sombrer dans le néant ? Le fait de ne pas disposer de réponses claires à ces questions aggrave considérablement le mal-être et le sentiment d’angoisse qui sont répandus à notre époque. Parmi ces interrogations, la question de la conscience apparaît comme centrale. Dans le monde d’objets qui nous entoure, plus prégnant que jamais, qu’est ce qui constitue notre subjectivité ? Comment interpréter la distance irréductible qui sépare notre être intérieur du monde extérieur ? Quelle est la source de notre unité, de notre Je? Quelle relation peut-elle être établie entre notre intériorité et celle d’autrui, entre Je et Tu ? La question de la conscience comporte plusieurs aspects. Ceux qui sont directement abordés par la science actuelle concernent les processus à travers lesquels s’effectue la perception de toutes les informations qui parviennent à la conscience. Les connaissances concernant ces processus ont considérablement progressé grâce aux neurosciences.
   Une toute autre question continue à se poser. C’est celle de la nature de la conscience. C’est aussi une question non résolue. Pour l’un de ceux qui ont le plus réfléchi sur ce thème, l’universitaire australien David Chalmers, c’est la question difficile entre toutes. Pourtant cette question conditionne la compréhension de notre propre nature. S’interroger à ce sujet est indispensable pour choisir une ligne de vie. Certes, il existe de nombreux ouvrages sur les questions de la conscience et de l’esprit, mais ils ne donnent guère l'impression d'élucider la question. Après avoir affirmé que la conscience représente la "question difficile", David Chalmers croit disposer d'une explication: la conscience se ramènerait à l'information. Ainsi un thermostat serait pourvu d'un début de conscience! L'intelligence artificielle serait a fortiori accompagnée d'une forme de conscience. Le philosophe Markus Gabriel adopte un point de vue plus raisonnable, en refusant un tel réductionnisme. Il critique les visées excessives des neurosciences lorsqu'elles prétendent expliquer la conscience. Toutefois, il réussit l'exploit de rédiger tout un ouvrage sur la conscience, sans réellement discuter de sa nature ni donner un début d'explication à sa présence. Les mots de conscience, d’esprit, de subjectivité sont chargés de tant de connotations, que les employer devient presque impossible. Pour quiconque accepte un instant de se libérer de toute idée préconçue, la conscience intérieure apparaît comme une évidence, avant même toute réalité extérieure. Elle est même pour chacun d’entre nous la révélation première, celle qui nous permet d’accéder au miracle de la vie et à la totalité de notre expérience. Pourtant, comme cette notion dérange tous ceux qui ont adopté un point de vue purement matérialiste et réductionniste, nombreux sont ceux qui la nient purement et simplement l’existence. La conscience n’est pour eux au pire qu’une illusion, au mieux un simple fantasme. Pour tous ceux-là, la machine intelligente représente le nouvel horizon. Selon les conceptions adoptées, la conscience peut ainsi passer du Tout, en se confondant avec l’Univers, au Rien, dans une conception matérialiste étroite, qui en nie simplement l’existence.

jeudi 22 juin 2017

Homo Deus

"Homo Deus", the last book of the Israeli writer Yuval Noah Hariri, will probably enjoy the same success as his previous book, "Sapiens". While "Sapiens" had the ambition to recapitulate the past history of humanity, "Homo Deus" aims at describing its future. The book raises good questions, but is often irritating, because of its schematic and sometimes simplistic content. It is easy to read, which is probably one of the rules to follow to get a "bestseller", but so simple that it sometimes gives the impression to be written, not for adults, but for teenagers, to whom is explained for example the notion of humanism. The author sees the future through the lens of the new NBIC technologies. Is it with the aim of conciliating the favor of Mark Zuckerberg, who contributed to the success of his previous work? This leads him to define the expectations of humanity, in terms that are similar to those of transhumanism. The human being is going to defeat all diseases and his main concern will be to achieve immortality. His aspiration for well-being will be filled by advances in biochemistry. The human species will be transformed through genetic eugenics, technological prosthesis and increased knowledge. This technological optimism prompts the author to imagine a universal peace, wars becoming unnecessary. It ignores all the victims caused by current conflicts, linked to the development of increasingly lethal arms, as well as the heavy threats that weigh on world peace. At times, appears an alternative point of view. Yuval Noah Harari, who has been marked by Buddhist influences, brings, sometimes, a deeper perspective. He raises two fundamental interrelated questions. The first concerns the fate of farm animals, of which he speaks with a great sensitivity. The second raises the issue of consciousness. Life appears as closely associated with consciousness. What place should we leave now and in the future to this notion, still badly defined and misunderstood by science? Unfortunately, the author remains riveted to a materialistic, deterministic and simplistic scheme. Science will control consciousness as all other parameters of human existence. The new religion will be related to the 'Data', that will dominate all aspects of human life. This Data Religion or "Dataism" will encompass everything. Such an outcome leaves no room for creativity, imagination and spirituality., as it considers only algorithms and digital data. Still, is this prospect that suggests the book, without recognizing that it is probably the best way to fall into a new totalitarianism.

Homo Deus, le dernier ouvrage de l'écrivain israélien Yuval Noah Hariri, pas encore traduit en français, va sans doute connaître un succès comparable à celui qu'il a obtenu avec son titre précédent "Sapiens". Alors que "Sapiens" avait comme ambition de récapituler l'histoire passée de l'humanité, Homo Deus voudrait décrire son futur. C'est un ouvrage qui pose de bonnes questions, mais qui est souvent irritant, en raison de son caractère schématique et parfois même simpliste. Il est facile à lire, ce qui est sans doute une des règles à suivre pour obtenir un "best-seller", mais donne parfois l'impression d'être écrit, non pour des adultes, mais pour des adolescents, auxquels l'auteur explique par exemple la notion d'humanisme. L'auteur ne voit l'avenir qu'à travers le prisme des nouvelles technologies. Est-ce pour se concilier les faveurs de Mark Zuckerberg, qui a contribué au succès de son ouvrage précédent? 
Ceci conduit l'auteur à définir les attentes de l'humanité, en des termes qui sont proches de ceux du transhumanisme. L'être humain va vaincre toutes les maladies et son principal souci sera d'atteindre l'immortalité. Son aspiration au bien-être sera comblée par les progrès de la biochimie.  L'espèce humaine sera transformée par l'eugénisme génétique, les prothèses technologiques et les connaissances qu'elle aura acquises. Cet optimisme technologique incite l'auteur à imaginer une paix universelle, les guerres étant devenues inutiles. Il ignore ainsi allègrement les conflits actuels, qui font tout de même beaucoup de victimes ainsi que les lourdes menaces qui pèsent sur la paix mondiale. Par moments, apparaît un point de vue alternatif. Yuval Noah Harari, qui a été marqué par des influences bouddhistes, apporte ainsi, parfois, un point de vue plus profond. Il pose notamment deux questions fondamentales, liées entre elles. La première concerne le sort des animaux d'élevage, dont il parle avec sensibilité. La deuxième porte sur la conscience. La vie apparaît comme étroitement associée à la conscience. Quelle place devrait occuper maintenant et dans l'avenir cette notion encore mal définie et incomprise par la science? 
Malheureusement, l'auteur reste rivé à un schéma matérialiste, déterministe et réducteur. La science va contrôler la conscience comme tous les autres paramètres de l'existence humaine. La nouvelle religion sera celle des "Data", qui dominera tous les aspects de la vie humaine. Cette issue ne laisse aucune place à la créativité, à l'imagination et à la spiritualité. Tout est algorithme et donnée numérique. C'est cette seule perspective que laisse entrevoir l'ouvrage, sans réaliser que c'est la voie la plus sûre pour tomber dans un nouveau totalitarisme.

vendredi 24 avril 2015

L'énigme de la conscience / The enigma of consciousness



Despite its central role, consciousness remains mysterious. Its nature raises many questions. The impossibility to explain how it works has lead some scientists to deny its existence. They are able to connect a conscious behavior to neural activity, but deny any reality to subjectivity itself. Thus, Daniel C. Dennet considers that consciousness is an illusion, a magician trick. To admit a reality of consciousness is presented as equivalent to accepting the dualism of Descartes, who considered a physical body (rex extensa) and an immaterial soul (res cogitans).  Still, connecting logical thinking to neural activity does not explain the presence of consciousness. For David Chalmers, the "hard problem" of  consciousness cannot be explained by any present physical theory. This impossibility extends to all qualia, subjective impressions and sensations. Various attempts have been made for explaining the specificity of consciousness. Some of them try to explain it by systems theory as an emerging state.  Douglas Hofstadter describes consciousness as a "strange loop", a kind of auro-referent system. Some scientists have tried also to explain the specificity of consciousness, by a quantic coherence, preserved at the macroscopic scale. Roger Penrose thinks it can be located in some microtubules, present in the brain cells. Still, consciousness remains unexplained and seems to be located at a different level of reality. Recognizing its reality has considerable implications, as its draws a clear frontier between conscious beings (human beings and most certainly animals) and incouscious things, such as computers, whatever their complexity.

La conscience, comme source de la subjectivité, se distingue du mental, siège du raisonnement, tout en lui étant associée d’une façon qui reste inconnue à ce jour. Alors qu’elle se situe au centre de l’être, la conscience demeure mystérieuse. Sa nature et son fonctionnement posent de nombreuses questions, qui restent pour le moment sans réponse.  Dans l’expérience immédiate et subjective, la conscience se présente comme un état cohérent et global, dont la nature diffère de celle des objets qu’elle perçoit. Elle est, par là même, distincte du corps et des organes qui le composent, tout en restant étroitement liée à ce corps, qui lui transmet des sensations. En devenant conscientes, les idées et les sensations contribuent à rendre cohérent le fonctionnement d’un organisme. Associée au mental, qui explore constamment toutes les options possibles, la conscience oriente la conduite de l’être vivant. Elle anime le désir de survie et contribue à coordonner l’ensemble de l’organisme vers ce but. Elle a pu jouer ainsi un rôle important au cours de l’évolution, en attribuant un avantage décisif à un organisme conscient. A ce titre, elle apparaît comme le vecteur du sens, se limitant à un instinct de survie chez les êtres vivants les plus simples et évoluant progressivement vers des valeurs de plus en plus élevées dans le cas de l’être humain. Son caractère inexpliqué a conduit scientifiques à en nier toute réalité effective.

vendredi 9 janvier 2015

La montée de la conscience / The rise of consciousness


Since some form of intelligence can be displayed by computers, consciousness represents the key feature which can distinguish human beings from machines. A key question is therefore to know how widespread is the presence of consciousness . It seems likely that conscious beings are present within the huge universe around us. On earth, all living beings seem to share some kind of consciousness, but its extention varies considerably from an insect to a a human being. Separating human beings in two categories: human beings and animals is therefore an unacceptable oversimplification. The distance between a chimpanzee and a mosquito is most certainly much greater than the distance between a chimpanzee and a human being. The professor of cognitive sciences Douglas Hofstadter represents the increasing extent of consciousness from primitive living beings to human beings as a cone. It may be more appropriate to consider a kind of corolla, but the consequences are not really different. If consciousness, rather than reason,  is the prime factor which distinguishes a human being from a machine, killing or making animals which are close to human beings is to be considered as a crime. Different philosophers such as Peter Singer have pointed out this simple evidence. 

Attribuer un rôle primordial à la conscience amène immédiatement à se poser de multiples questions. La première d’entre elles concerne l’extension du domaine de la conscience. Dans l’immense Univers qui nous entoure, il semblerait étonnant que l’être humain soit le seul sujet capable de donner un sens à la réalité qui l’entoure. Parmi les innombrables exo-planètes qui existent dans l’ensemble des systèmes stellaires un grand nombre d’entre elles sont susceptibles d’accueillir une vie consciente. La conscience pourrait également être présente dans l’Univers, sous des formes et à une échelle qui nous échappent.
   Sur la Terre, tout porte à penser que les autres êtres vivants sont animés par une forme de conscience. Certes, le niveau de conscience d’un moustique est certainement très éloigné de celui d’un homme, mais, sur une échelle de conscience, un moustique est certainement beaucoup plus éloigné d’un chimpanzé que le chimpanzé d’un être humain. Même s’il paraît relativement facile d’admettre que le niveau de conscience d’un moustique est réduit, cela n’implique pas du tout qu’il en soit de même dans le cas d’un chimpanzé.
   Il en résulte d’évidentes conséquences sur le comportement éthique vis-à-vis de différentes espèces animales. L'attitude consistant à ranger les êtres vivants en deux catégories, les êtres humains et les animaux, sans prendre en compte l’infinie variété de ces derniers paraît éminemment discutable..

samedi 9 février 2013

Des Lumières de la Raison à la lumière de la Conscience / From Enlightment of Reason to Enlightment of Consciousness

The Light of Reason did not reach the expectations which it raised several centuries ago, at the Renaissance period. It did not prevent wars and genocides and now it does not seem able to save Humanity. Reason is needed, as the sleep of reason produces monsters, but rational thought alone cannot  provide the foundations for more humanity. Artificial intelligence can be displayed by a computer, but a computer is not conscious. We need Reason, but also Consciousness. Beyond the light of Reason, we need to move towards the source of Light, the source of Consciousness, the enlightened witness, described by the Persian philosopher Sohrawardi, through a planetary dialogue between civilizations. Then we can hope to move from a materialistic and flat world to a more meaningful universe.

Menacés par le Chaos, il nous importe de retrouver un sens. Les Lumières de la Raison qui ont commencé à éclairer le Monde au moment de la Renaissance, n'ont pas répondu aux espérances qui avaient été placées en elles. Elles n'ont pas permis d'empêcher les massacres, les guerres, les génocides, l'exploitation humaine. Certes la Raison est nécessaire. Goya rappelait déjà que le sommeil de la raison engendre les monstres. Mais la raison, au sens d'intelligence logique, ne peut suffire à fonder les relations humaines. L'informatique montre qu'un ordinateur est capable d'intelligence et en ce sens de raison. Mais un ordinateur n'a pas de conscience, n'éprouve rien, ne sent rien. La Raison doit être complétée par la Conscience. Au delà des lumières de la Raison, il s'agit d'aller vers la source de lumière, la source de conscience, le Témoin lumineux dont parlait Sohrawardi, à travers un dialogue planétaire entre civilisations. Ce n'est qu'à cette condition qu'il sera possible de passer d'un  monde matérialiste et plat, à un univers qui aura retrouvé un sens.