Ce blog rassemble des informations et des réflexions sur l'avenir qui nous attend.

This blog presents informations and views about the future.

jeudi 31 mai 2018

Ce qui dépend de nous / What depends on us


In his last book, the philosopher Pascal Chabot evokes the difficulty we have in acting in a world that has become a powerful system, guided by ultra-strong forces that we feel unable to dominate. We find ourselves locked within a sphere, which isolates and protects us from the outside, but at the same time imprisons us. Pascal Chabot evokes the glass walls, which form a transparent fence, which we can forget but which separates us from the outside. He describes the world in terms of bay windows, seats and screens. Thus, he seems to forget underground mining, giant slaughterhouses, sweat shops and shantytowns that form the foundations of the "system", like a contemporary "metropolis". Lucidity is most certainly a first requirement imposed in the face of rising dangers. When he talks about the ultraforces that transform the system, mixing finance, digital computing, energy demography, communication, robotization, mobilization and populism, he presents all these factors as natural phenomena, self-imposed and to which it would be vain. to oppose. However, following this reasoning, it should be considered that all the current problems, global warming, environmental degradation, rising inequalities and increasing geopolitical tensions are a fatality completely independent from our will, a rather hopeless point of view, to which it seems difficult to adhere. In fact, behind the "ultraforces" are human decisions that each of us can help to change. In the end, what Pascal Chabot proposes is to cultivate the "care of oneself", to seek a form of balance, to taste the flavor of existing, which is "what depends on us". Such a wisdom, with its reference to Epictetus and Stoicism,  is certainly useful. This form of quietism, however, may lead to passivity. Pascal Chabot evokes the resistance to ultraforces. It cannot remain only intimate and requires a collective movement. It is not really satisfactory to be carried away by the current, tasting the tranquility of the moment. It seems preferable to know the destination of the current. If it leads us to an ecological catastrophe or a new world war, we must do everything to avoid it. Of course, cultural factors are essential. By prioritizing culture, the environment and the social rather than GDP and power, it might become possible to avoid the final disaster. However, such a change of priorities will only be effective if it is widely shared. It is not enough to cultivate one's own convictions. It is also a question of being able to share them. That too "depends on us" and therefore comes out of our responsibility.

Dans son dernier ouvrage, le philosophe Pascal Chabot évoque la difficulté que nous éprouvons à agir dans un monde qui est devenu un puissant système, guidé par des ultraforces que nous nous sentons incapables de dominer.
Nous nous trouvons enfermés dans une sphere, qui nous isole et nous protège de l'extérieur, mais en même temps nous emprisonne. Pascal Chabot évoque les parois en verre, qui forment une cloture transparente, que nous pouvons oublier mais qui nous sépare de l'extérieur. Il décrit de monde en termes de baies vitrées, de sièges et d'écrans. Il semble toutefois oublier totalement les mines d'extraction, les abattoirs géants, les "sweat shops" et les bidonvilles qui forment les soubassements du "système", à l'image d'une "metropolis" contemporaine. Faire preuve de lucidité est donc une première exigence qui s'impose face à la montée des périls.
Lorsqu'il évoque les ultraforces qui transforment le système, en mêlant finance, numérique, énergie démographie, communication, robotisation, mobilisation et populisme, il les présente  comme des phénomènes naturels, qui s'imposent d'eux-mêmes et auxquels il serait vain de s'opposer. Toutefois, en suivant ce raisonnement, il faudrait considérer que tous les problème actuels, réchauffement climatique, dégradation de l'environnement, montée des inégalités, tensions géopolitiques croissantes sont une fatalité à laquelle on ne peut rien, ce qui serait un point de vue quelque peu désespérant, auquel il est difficile d'adhérer. En fait, derrière les "ultraforces" on trouve des décisions humaines que chacun d'entre nous peut contribuer à infléchir.
En définitive, ce que propose Pascal Chabot, c'est de cultiver le "souci de soi", de rechercher une forme d'équilibre, de goûter la saveur d'exister, car c'est "ce qui dépend de nous". Cette forme de sagesse, cette référence à Épictète et au stoïcisme sont certainement utiles. Cette forme de quiétisme risque toutefois de mener à la passivité. Pascal Chabot évoque la résistance aux ultraforces. Celle-ci ne peut se vivre seulement de manière intime. Elle nécessite un mouvement collectif. 
Il ne suffit pas de se laisser entraîner par le courant, en goûtant la tranquillité du moment. Il est préférable de savoir où le courant nous mène. S'il nous conduit à une catastrophe écologique ou à une nouvelle guerre mondiale, il faut tout faire pour l'éviter. Certes, les facteurs culturels sont essentiels. C'est en donnant la priorité à la culture, à l'environnement et au social plutôt qu'au PIB et au pouvoir, qu'il sera possible d'éviter la catastrophe finale. Toutefois, un tel changement de priorités ne sera effectif que s'il est largement partagé. Il ne suffit donc pas de cultiver ses propres convictions. Il s'agit aussi de parvenir à les partager. Cela aussi dépend de nous et ressort donc de notre responsabilité. 

jeudi 24 mai 2018

Hypermenaces / Hyperthreats



The philosopher Timothy Morton introduced the notion of hyperobjects, that is, objects or phenomena that are too complex and too large scale for us to understand correctly their behaviour. The notion of hyperobjects becomes particularly relevant in the case of hyperthreats, because if humanity becomes unable to cope, its survival is called into question. Two hyperthreats are particularly critical at the moment. The first concerns the environment and global warming. It is a particularly complex phenomenon, which involves the entire planet and which requires a close collaboration between all nations. The solutions required call for significant investments and major changes in lifestyles. Defining an agenda for action on a global scale and achieving an equitable distribution of the efforts to be undertaken are tasks that might exceed the capacity of humanity to act in a concerted manner. If we observe the steady increase in greenhouse gas emissions since the beginning of the climate negotiations, that is to say almost 25 years ago, we can legitimately doubt a favorable outcome, in a context of increasing international tensions. Nuclear weapons represent a second major issue, as their presence poses a permanent threat to the survival of humanity. While the power of the Hiroshima atomic bomb was about 20 kilotons (kt) of TNT equivalent, that of a thermonuclear fusion bomb is between 10 and 50 million tons (Mt), or 500 to 500  Hiroshima bombs. It is clear that the use of such a weapon on inhabited centers would have a truly apocalyptic effect. By the 1950s, Günther Anders had noted that Hiroshima was the beginning of a new world, in which humanity would live under the constant threat of a nuclear apocalypse. To conceive the disappearance of humanity is difficult for a person or even an institution. Since Hiroshima, the worst has not happened and as a result the threat has seemed to diverge. In fact, this situation has contributed to increase the risk of disaster, by blunting the most acute fears. The risks are not limited to nuclear proliferation, nor to countries such as South Korea or Iran. They also concern countries that have long held nuclear weapons. The development of increasingly sophisticated missiles, the shortening of the time required to strike, and the proliferation of so-called "tactical" nuclear weapons are contributing to an increase the unstability of nuclear deterrence. An unexpected sequence of circumstances could lead to apocalypse, even in the absence of a deliberate willingness to take such a risk. Günther Anders spoke of the obsolescence of man, who has become incapable of mastering his technical achievements. The hyperthreats he faces may exceed his ability to overcome them.

Le philosophe Timothy Morton a introduit la notion d'hyperobjets, c'est à dire d'objets ou de phénomènes trop complexes et se situant à une échelle trop vaste pour que nous puissions les appréhender correctement. La notion d'hyperobjets devient particulièrement pertinente dans le cas d'hypermenaces, car si l'humanité devient incapable d'y faire face, sa survie est alors mise en question. Deux hypermenaces sont particulièrement critiques à l'heure actuelle. La première concerne l'environnement et le réchauffement climatique. Il s'agit d'un phénomène particulièrement complexe, qui concerne l'ensemble de la planète et qui nécessite une collaboration étroite entre toutes les nations. Les solutions à apporter réclament  des investissements considérables et des changements importants dans les modes de vie.  Définir un programme d'action à l'échelle de la planète et parvenir à une répartition équitable des efforts à engager sont des tâches qui risquent de dépasser les capacités de l'humanité à agir de façon concertée. Si l'on observe la progression continue des émissions de gaz à effet de serre depuis le début des négociations climatiques c'est à dire il y a près de 25 ans, on peut légitimement douter d'une issue favorable, dans un contexte international marqué par les rivalités et les tensions.
Le second problème concerne la question des armes nucléaires dont la présence constitue un péril permanent pour la survie de l'humanité. Alors que la puissance de la bombe atomique d’Hiroshima était d’environ 20 kilotonnes (kt) d’équivalent TNT, celle d’une bombe thermonucléaire à fusion se situe entre 10 et 50 millions de tonnes (Mt), soit 500 à 2 500 bombes d’Hiroshima. Il est clair que l’usage d’une telle arme sur des centres habités aurait un effet véritablement apocalyptique. Dès les années 1950, Günther Anders avait noté qu'Hiroshima marquait un tournant et que dès lors l'humanité allait vivre sous la menace permanente d'une apocalypse nucléaire. Concevoir la disparition de l'humanité est difficile pour une personne ou même une institution. Depuis Hiroshima, le pire ne s'est pas produit et de ce fait la menace a paru s'écarter. En fait, cette situation a contribué à augmenter le risque de catastrophe, en émoussant les craintes les plus vives. Les risques ne se limitent pas à la prolifération nucléaire, ni aux pays tels que la Corée du Sud ou l'Iran. Ils concernent aussi les pays qui possèdent depuis longtemps des armes nucléaires. Le développement de missiles de plus en plus perfectionnés, le raccourcissement du délai nécessaire pour effectuer une frappe, la multiplication des armes nucléaires dites "tactiques" contribuent à rendre de plus en plus instable la dissuasion nucléaire. Un enchaînement inattendu de circonstances pourrait conduire à l'apocalypse, même en l'absence de volonté délibérée de prendre un tel risque. Günther Anders évoquait l'obsolescence de l'homme, devenu incapable de maîtriser ses réalisations techniques. Les hypermenaces auxquelles il doit faire face pourraient dépasser sa capacité à les surmonter.

vendredi 18 mai 2018

La fin du monde plat / the end of the flat world


Globalization, organized according to the rules of neoliberal governance, has entrusted all arbitrations to the market, considering profit as the exclusive engine of the economy. It has led to the current flat world, open to all commercial and financial movements. Whereas classical liberalism still referred to a humanist principle of reciprocity, neoliberalism is placed in a world of competition, governed solely by the balance of power. As a result, the major issues that concern the environment, global warming, the collapse of biodiversity and the pollution of water and air, even if they are better perceived, are still unresolved. The horizon of sustainable development, which seemed to provide an early answer to these questions, is clouded by clouds of oppressive international tensions. Military interventions and terrorist acts are relentlessly linked. The idea that the world could flare up again is insistent. Massive migrations are no longer a mere fiction, but a tragic reality. At the end of the nineteenth century, the English author Edwin A. Abbott had imagined a flat, two-dimensional, Flatland world populated by polygons. In such a world, any closed figure imposes insurmountable limits. The arrival of a sphere is experienced as a supernatural event. The flatland world is a metaphor for ours. We are locked in the flat world of globalization, presented as a form of outcome, with no alternative. Subjected to the imperatives of globalization, standardized and deprived of transcendence, this flat world, totally open to international trade and to indefinitely repeated standards, is destructive of the environment and cultures inherited from the past. Due to the capture of the whole social domain by the economy, internal values ​​no longer find their place. Their loss is likely to cause an irreversible decline to which the western world is already exposed. Beyond the economic and financial crisis, the impossibility of transgressing the laws of the market, as well as the abandonment of any foundation other than economic calculation, have led to a crisis of meaning, which affects a large part of the current globalized world. . The reign of consumerism discredits the moral superiority of which the West prides itself. The general feeling of disenchantment is reflected in a lack of a vision for the future, all the more worrying as humanity faces considerable challenges: environmental degradation, growing inequalities, technological risks, weapons of mass destruction. According to the historian Arnold Toynbee, the disintegration of civilizations is associated with a spiritual rupture, a schism of the soul, which induces a general feeling of uneasiness. Society loses confidence in its leaders, who try to retain their power by force. Centrifugal tendencies lead to the dislocation of institutions. If the current crisis is such a diagnosis, it could prove fatal to the model of civilization that is currently ours. From now on, the flat world of globalization presents signs of impending rupture. Since the financial crisis of 2008, it has suffered multiple traumas and the gaps that appear tend to widen. Brexit in Europe, the election of Donald Trump in the United States, the desire for independence of the BRICS, are among the symptoms of the growing rejection of globalization, as it was conceived in the 1990s. In Italy, the government agreement bringing together the Northern League and the five-star movement is the most recent symptom of the ongoing disintegration of the flat world, particularly affecting the European Union which has been built according to this model. The end of the flat world thus seems inevitable, even if fixing the term remains hazardous. Such a diagnosis raises the question of the alternative system capable of replacing it. A world will die, but what world will be born?
Different scenarios can be envisaged. In the face of an irretrievable decline, the current system could evolve into an authoritarian regime, limiting freedoms and reinforcing inequalities. In all likelihood, the rise of violence accompanying such an outcome would then lead the world to a major conflict, even the Nuclear Apocalypse. This would, no doubt, be the end of the civilization we know now. Mankind would take a long time to recover, if it ever succeeds. Other, more optimistic scenarios can be considered. They imply a profound change of habits and mentalities. For the moment, despite all the good wills deployed and the many initiatives underway, we still do not see the light at the end of the tunnel.

La globalisation, organisée selon les règles de la gouvernance néolibérale, a confié tous les arbitrages au Marché, en considérant le profit comme le moteur exclusif de l’économie. Elle a conduit au monde plat actuel, ouvert à tous les mouvements commerciaux et financiers. Alors que le libéralisme classique se référait encore à un principe humaniste de réciprocité, le néolibéralisme se place dans un univers de compétition, régi par les seuls rapports de force. De ce fait, les grandes questions qui concernent l’environnement, le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, la pollution de l’eau et de l’air, même si elles sont mieux perçues, ne sont toujours pas résolues. L’horizon du développement durable, qui semblait apporter un début de réponse à ces questions, est obscurci par les nuages de tensions internationales oppressantes. Les interventions militaires et les actes terroristes s’enchaînent sans répit. L’idée que le monde pourrait s’embraser à nouveau revient avec insistance. Les migrations massives ne sont plus une simple fiction, mais deviennent une tragique réalité. À la fin du XIXe siècle, l’auteur anglais Edwin A. Abbott avait imaginé un monde plat à deux dimensions, Flatland, peuplé de polygones. Dans un tel monde, n’importe quelle figure fermée impose des limites infranchissables. L’arrivée d’une sphère est vécue comme un événement surnaturel. Le monde de flatland est une métaphore du nôtre. Nous sommes enfermés dans le monde plat de la globalisation, présenté comme une forme d’aboutissement, sans alternative possible. Soumis aux impératifs de la mondialisation, uniformisé et privé de transcendance, ce monde plat, totalement ouvert au commerce international et à des standards indéfiniment répétés, est destructeur de l’environnement et des cultures héritées du passé. Du fait de l’accaparement de l’ensemble du domaine social par l’économie, les valeurs intérieures ne trouvent plus leur place. Leur perte risque de provoquer un déclin irréversible auquel le monde occidental est d’ores et déjà exposé.
Au-delà de la crise économique et financière, l’impossibilité de transgresser les lois du Marché, ainsi que l’abandon de tout fondement autre que le calcul économique, ont entraîné une crise du sens, qui affecte une large partie du monde globalisé actuel. Le règne du consumérisme décrédibilise la supériorité morale dont se targue l’Occident. Le sentiment général de désenchantement se traduit par une absence de vision d’avenir, d’autant plus préoccupante que l’humanité est confrontée à des défis considérables : dégradation de l’environnement, inégalités croissantes, risques technologiques, armes de destruction massive. Selon l’historien Arnold Toynbee, la désagrégation des civilisations est associée à une rupture spirituelle, un schisme de l’âme, qui induit un sentiment général de malaise[3]. La société perd confiance dans ses dirigeants, qui tentent de conserver leur pouvoir par la force. Les tendances centrifuges entraînent la dislocation des institutions. Si la crise actuelle relève d’un tel diagnostic, elle pourrait s’avérer fatale au modèle de civilisation qui est actuellement le nôtre. Dès à présent, le monde plat de la globalisation présente des signes de rupture imminente. Depuis la crise financière de 2008, il a subi de multiples traumatismes et les brèches qui apparaissent tendent à s’élargir. Le Brexit en Europe, l’élection de Donald Trump aux États-Unis, la volonté d’indépendance des BRICS, figurent parmi les symptômes du rejet croissant de la globalisation, telle qu’elle a été conçue au cours des années 1990. En Italie, l'accord de gouvernement réunissant la Ligue du Nord et le mouvement cinq étoiles est le dernier symptôme de la désintégration en cours du monde plat, affectant tout particulièrement l'Union Européenne qui s'est construite selon ce modèle. La fin du monde plat semble ainsi inéluctable, même si en fixer le terme demeure hasardeux. Un tel diagnostic pose la question du système alternatif capable de le remplacer. Un monde va mourir, mais quel monde va naître ?
Différents scénarios peuvent être envisagés. Face à un déclin irrémédiable, le système actuel pourrait évoluer vers un régime autoritaire, limitant les libertés et renforçant les inégalités. Selon toute vraisemblance, la montée de violence accompagnant une telle issue conduirait alors le monde vers un conflit majeur, voire l’Apocalypse nucléaire. Ce serait, sans doute, la fin de la civilisation que nous connaissons à présent. L’humanité mettrait beaucoup de temps à s’en remettre, si elle y parvient jamais. D'autres scénarios, plus optimistes, peuvent être envisagés. Ils impliquent un changement profond des habitudes et des mentalités. Pour le moment, malgré toutes les bonnes volontés déployées et les multiples initiatives en cours, on ne perçoit pas encore la lumière au bout du tunnel. 

mercredi 9 mai 2018

Intelligence artificielle et conscience humaine/ Artificial Intelligence and human consciousness


At the time of transhumanism and artificial intelligence, the question of human consciousness finds a singular relevance. The ability of computers to perform an increasing number of tasks that were exclusively the responsibility of human intelligence led to the assimilation of these two forms of intelligence. Advances in neuroscience have helped to reinforce this assimilation, since brain neuron circuits have been identified to electronic circuits. Many journalists and even scientists like Michio Kaku have imagined machines that are not only capable of thinking, but also conscious, that is, endowed with subjectivity or even feelings. In this context, it becomes more important than ever to wonder about the specificity of human consciousness and more broadly about the fundamental difference that exists between living beings and machines. If the human brain is assimilated to a computer, what remains of human dignity? What consideration can we expect from all living beings, reduced to a condition of machines? To show the fundamental difference between a human being and a machine, it is necessary first of all to reject firmly the idea that computers equipped with logical functions and thus able to perform certain functions that previously required the intervention of human intelligence, might be provided with some subjectivity and be able to experience sensations, even feelings. To admit that conscious states represent a form of software that can be placed on any medium seems completely ungrounded. Assimilating conscious states and information processing, a theory that leads Chalmers to give a thermostat an early awareness, is no more convincing. At the same time, it is necessary to better understand the unique nature of the consciousness and sensibility that is spread within all living beings. To compare the performance of a machine and a human being, it is necessary to clarify how intelligence is measured. A machine is certainly capable of going beyond human intelligence in many ways, being faster, more extensive and more reliable. On the other hand, human intelligence will no doubt remain for a long time deeper, that is to say, capable of imagining, understanding and exploiting complex and abstract concepts. Despite the performance that computers and robots are capable of, assimilating the intelligence of machines to that of human beings undoubtedly proceeds from too hasty extrapolation. The replacement of human workers by robots risks dehumanizing the social milieu and impoverishing the collective imagination. By his intelligence, the human being kept the hope of disengaging himself from the mechanical power. Confronted with a system able to spy on him and anticipate his reactions, he is weakened and unable to react. In a world populated with intelligent objects, supposed to help him, but whose operation escapes him, he becomes dependent on machines that surpass him, not only from the physical standpoint, but also, more and more often, in areas that appeal to intelligence. The very rapid progress of artificial intelligence comes before humanity has had time to adapt accordingly. Relationships between humans and machines may change profoundly. The human being thought to dominate the machine, but the situation seems to be reversed. Faced with a robot, the human being is obliged to follow the procedure imposed on him, without possible derogation. In a world populated with computers, connected objects and robots, everyone's freedom may be compromised. The room for maneuver and negotiation opportunities that applied to human relations will be difficult to preserve. The human being, formatted by his interactions with machines, will have to adopt an algorithmic way of thinking, which will inevitably favor the development of the brain functions best adapted to the dialogue with the machines. Such conditioning of the human brain can only impoverish the capacities of intuition, imagination and creation. By becoming binary, thought will exclude dreams and poetry, as well as feelings of empathy, solidarity or compassion. It will be integrated into a vast cybernetic system, which deprives it of freedom. Dictatorship by the machine is particularly formidable, because the machine is not open to any feeling.

À l’heure du transhumanisme et de l’intelligence artificielle, la question de la conscience humaine retrouve une singulière actualité. La capacité des ordinateurs à effectuer un nombre croissant de tâches qui relevaient exclusivement de l'intelligence humaine a conduit à assimiler ces deux formes d'intelligence. Les progrès des neurosciences ont contribué à renforcer cette assimilation, car les circuits de neurones cérébraux ont été identifiés aux circuits électroniques. De nombreux chroniqueurs et même des scientifiques comme Michio Kaku ont imaginé des machines non seulement capables de penser, mais également conscientes, c’est-à-dire dotées de subjectivité, voire de sentiments.  Dans ce contexte, il devient plus important que jamais de s’interroger sur la spécificité de la conscience humaine et plus largement sur la différence fondamentale qui existe entre les êtres vivants et les machines. Si le cerveau humain est assimilé à un ordinateur, que reste-t-il de la dignité humaine? Quelle considération est-il possible d’espérer vis-à-vis de tous les êtres vivants, ramenés à une condition de machines?
   Pour montrer la différence fondamentale entre un être humain et une machine, il est nécessaire tout d'abord de rejeter fermement l'idée que des ordinateurs pourvus de fonctions logiques et donc capables d'accomplir certains fonctions qui nécessitaient auparavant l'intervention d'une intelligence humaine, soient pourvus d'une quelconque subjectivité et soient capables d'éprouver des sensations, voire des sentiments. L'idée que les états conscients représentent une forme de software qui peut être placée sur n'importe quel support paraît tout à fait inacceptable, de même que celle qui consiste à assimiler états conscients et traitement de l'information, théorie qui conduit Chalmers à doter un thermostat  d'un début de conscience. En même temps, il est nécessaire de mieux comprendre la nature unique de la conscience et de la sensibilité que manifestent non seulement les êtres vivants, mais aussi tous les êtres vivants. Il faut parvenir à distinguer les états conscients de processus de traitement de l'information ou d'opérations logiques. Pour comparer les performances d’une machine et d’un être humain, il est nécessaire de clarifier la façon dont on mesure l’intelligence. Une machine est certainement capable de dépasser l’intelligence humaine sur plusieurs plans, en étant plus rapide, plus étendue et plus fiable. Par contre, l’intelligence humaine va sans doute rester pendant longtemps plus profonde, c’est-à-dire capable d’imaginer, de comprendre et d’exploiter des concepts complexes et abstraits. Malgré les performances dont sont capables les ordinateurs et les robots, assimiler l’intelligence des machines à celle des êtres humains procède sans doute d’une extrapolation trop hâtive. Le remplacement des travailleurs humains par des robots risque de déshumaniser le milieu social et d’appauvrir l’imaginaire collectif.  Par son intelligence, l’être humain gardait l’espoir de se dégager de la puissance mécanique. Confronté à un système capable de l’épier et d’anticiper ses réactions, il se trouve fragilisé et incapable de réagir. Au sein d’un monde peuplé d’objets intelligents, censés l’aider, mais dont le fonctionnement lui échappe, il devient dépendant de machines qui le surpassent, non seulement sur le plan physique, mais aussi, de plus en plus souvent, dans des domaines qui font appel à l’intelligence. La progression très rapide de l’intelligence artificielle intervient avant que l’humanité n’ait eu le temps de s’adapter en conséquence. Les relations entre les êtres humains et les machines risquent d’évoluer profondément. L’être humain pensait dominer la machine, mais la situation semble s’inverser. Confronté à un robot, l’être humain est obligé de suivre la procédure qui lui est imposée, sans dérogation possible. Dans un monde peuplé d’ordinateurs, d’objets connectés et de robots, la liberté de chacun risque d’être compromise. Les marges de manœuvre et les possibilités de négociation, qui s’appliquaient aux relations humaines, seront difficiles à préserver. L’être humain, formaté par ses interactions avec des machines, devra adopter un mode de pensée algorithmique, qui va inévitablement favoriser le développement des fonctions cérébrales les mieux adaptées au dialogue avec les machines. Un tel conditionnement du cerveau humain ne peut qu’appauvrir les capacités d’intuition, d’imagination et de création. En devenant binaire, la pensée va exclure le rêve et la poésie, ainsi que les sentiments d’empathie, de solidarité ou de compassion. Elle sera enfermée dans un vaste système cybernétique, qui la prive de liberté. La dictature par la machine est particulièrement redoutable, car la machine n'est ouverte à aucun sentiment.

mardi 1 mai 2018

Géopolitique des énergies renouvelables/ Renewable energy geopolitics


The geopolitics of renewable energies differs considerably from the geopolitics of hydrocarbons. Oil is easily transportable and the whole problem of energy production is to exploit oil where it is widely available, i.e. mainly in the Middle East. Technology, however, can change the geopolitical situation, making it possible to produce oil in places where it is difficult to access. Thus, thanks to technology, it has been possible to produce oil in the North Sea or source rock hydrocarbons in the United States through hydraulic fracturing, thus considerably altering the previous equilibrium. In any case, however, because oil is inexpensive to transport, the important thing is to be able to dispose of the deposits, irrespective of where the oil is later used. This is the reason why military actions have frequently been taken to control a place of production and sometimes also to ensure freedom of transit. In the case of renewable energy sources, the situation is very different since in general the energy produced must be used in a region close to the production site, because of the high cost of electrical energy transportation, especially if the power transported varies. considerably throughout the year. This situation is generally considered an advantage since it is not necessary to import energy from regions that may pose security of supply problems. However, by reasoning this way, it is overlooked that in most cases the available resources vary considerably from one region to another. Thus, geothermal energy is only really advantageous in regions benefiting, like Iceland, from a high geothermal gradient (in Iceland 100% of electricity is produced from renewable energy, of which 30% by geothermal energy and 70% by hydraulics in 2016). Water resources vary considerably from one country to another. In Europe, for example, Norway (where 96% of the electricity was hydro-electric in 2016) or Switzerland are abundantly supplied with hydraulic power, while the situation is quite different for the countries of the South. The same is true for biomass. Significant wood resources are available in Sweden or Finland (where biomass accounted for 26% of the energy consumed in 2016), but not in Greece and given the fact that wood is solid and its energy density is relatively low, it is also expensive to carry. In the case of solar energy, the situation also varies considerably depending on the latitude (the mean irradiation energy varies between 700 and 2700 kWh / m2). At low latitude, the solar irradiation is much more important and the radiation much more regular during the year, whereas in the northern latitudes the duration of sunshine can vary between 0% in winter and 100% in summer. As a result, the exploitation of solar energy in a country like Norway, where it is almost constantly dark in winter, is obviously problematic, while the countries close to the equator have a strong advantage over the production of solar energy. There remains the case of wind energy. In this case too, the differences are significant between coastal regions and those located further inland (the average available power varies between 50 and 400 W / m2 depending on the point of the globe. Wind energy, because of its extreme intermittency, the quantity of materials it requires and the small margin of progress that can be envisaged, poses other problems that require a more detailed analysis. From this brief reminder, two consequences can be drawn. The first is that there must be significant differences in the availability of renewable energy and it would be illusory to consider all regions as equivalent. Northern countries, such as Norway, Sweden, Canada, have a clear advantage in terms of energy ex-biomass and hydro, the countries of the South, in terms of solar energy. The second is that technology plays a vital role. Mastering a technological sector (or the materials it requires, such as rare earths) provides a considerable geopolitical advantage. This is what China is aiming at in the case of photovoltaics or Germany in the case of wind power.

La géopolitique des énergies renouvelables diffère considérablement de la géopolitique des hydrocarbures.  Le pétrole est facilement transportable et toute la problématique de la production d'énergie revient à exploiter le pétrole là où il est largement disponible, c'est à dire majoritairement au Moyen-Orient. La technologie permet toutefois de modifier la situation géopolitique, en rendant possible la production de pétrole dans des lieux où il est difficilement accessible. C'est ainsi que grâce à la technologie, il a été possible de produire du pétrole en mer du Nord ou des hydrocarbures de roche-mère aux Etats-Unis grâce à la fracturation hydraulique, modifiant ainsi considérablement l'équilibre antérieur. Dans tous les cas néanmoins, du fait que le pétrole est peu coûteux à transporter, ce qui compte est de pouvoir disposer des gisements, quel que soit le lieu d'utilisation ultérieure du pétrole. C'est la raison pour laquelle, des actions militaires ont été fréquemment engagées pour contrôler un lieu de production et parfois aussi pour assurer une liberté de transit.
   Dans le cas des énergies renouvelables, la situation est très différente puisqu'en général l'énergie produite doit être utilisée dans une région rapprochée du lieu de production, en raison du coût élevé du transport d'énergie électrique, surtout si la puissance transportée varie considérablement tout au long de l'année. Cette situation est généralement considérée comme un avantage, étant donné qu'il n'est pas nécessaire d'importer l'énergie de régions qui peuvent poser des problèmes de sécurité d'approvisionnement. Toutefois, en raisonnant ainsi, on omet de prendre en compte le fait que dans la plupart des cas, les ressources disponibles varient considérablement d'une région à une autre. Ainsi, la géothermie n'est vraiment avantageuse que dans des régions bénéficiant, comme l'Islande d'un gradient géothermique élevé (en Islande 100% de l'électricité est produite à partir d'énergie renouvelable dont 30% par géothermie et 70% par hydraulique en 2016). Les ressources hydrauliques varient considérablement d'un  pays à un autre. Ainsi en Europe, la Norvège (où 96% de l'électricité a été d'origine hydraulique en 2016) ou la Suisse en sont abondamment pourvues, alors que ce n'est pas du tout le cas des pays du Sud. Il en est de même pour la biomasse. Des ressources en bois importantes sont disponibles en Suède ou en Finlande (où la biomasse a représenté 26% de l'énergie consommée en 2016), mais pas en Grèce et compte-tenu du fait que le bois est solide et que sa densité énergétique est relativement faible, il est également coûteux à transporter. Dans le cas du solaire, la situation varie également considérablement en fonction de la latitude (entre 700 et 2700 kWh/m2). A faible latitude, l'irradiation solaire est beaucoup plus importante et le rayonnement beaucoup plus régulier durant l'année, alors qu'aux latitudes septentrionales la durée d'ensoleillement peut varier entre 0% en hiver et 100% en été. De ce fait, l'exploitation de l'énergie solaire dans un pays comme la Norvège où il fait nuit presque constamment en hiver, est évidemment problématique, tandis que les pays proches de l'équateur sont fortement avantagés vis à vis de la production d'énergie solaire. Reste le cas de l'énergie éolienne. Dans ce cas également, les différences sont importantes entre les régions côtières et celles qui sont situées plus à l'intérieur des terres (la puissance moyenne disponible étant comprise entre 50 et 400 W/msuivant le point du globe considéré. En outre, l'énergie éolienne, en raison de son intermittence extrême, de la quantité de matériaux qu'elle requiert et de la faible marge de progrès envisageable, pose d'autres problèmes, qui nécessitent une analyse plus détaillée.
   De ce bref rappel, on peut tirer deux conséquences. La première est qu'il faut admettre des différences importantes dans les disponibilités en énergie renouvelable et qu'il serait illusoire de considérer toutes les régions comme équivalentes. Les pays du Nord, tels que Norvège, Suède, Canada, disposent d'un clair avantage en termes d'énergie ex-biomasse et hydraulique, les pays du Sud, en termes d'énergie solaire. La deuxième, c'est que la technologie joue un rôle essentiel. Maîtriser une filière technologique (ou les matériaux qu'elle nécessite, tels que les terres rares) permet d'acquérir un avantage géopolitique  considérable. C'est ce que la Chine vise dans le cas du photovoltaïque ou l'Allemagne dans le cas de l'éolien. 

vendredi 20 avril 2018

L'avenir de la mobilité / The future of mobility


Mobility has been involved in all developments and industrial innovations for more than 150 years, in connection with energy, transport, manufacturing processes and social transformations. The world has experienced a series of industrial revolutions: machinism (1780/1850), Taylorism (1880/1950), automation and liberalism (1950/2000), the digital revolution (2000/2020) and perhaps tomorrow the fusion of physical, digital and biological technologies (2020/2040?) pending the biological revolution and the possible human-machine fusion (2040+?) In this context what will be the mobility of tomorrow? It is expected to become safe, clean, connected, efficient and inclusive. The changes will be guided by the technological evolution of society and by a segmentation between urban mobility, rural and long distance transportation. As mobility needs will explode (x 2.6 by 2050 for passenger transport, x 3 for freight transport), the share of urban transport will increase from 52% in 2010 to 67% in 2050. The use will gradually take precedence over the possession. This will result in a major reorganization of mobility services. The traditional model will however resist for the rural and the long distances, while evolving (plug-in hybrid cars, hydrogen?). Electrical and hydrogen technologies will become competitive. Cars will be electric, autonomous and connected in urban areas. While presently the car manufacturer is at the top of the value chain, tomorrow a whole range of actors will be leading developments in a much more autonomous way than today. The customer equipped with his smartphone will be at the center of the system, while the datas will become the new fuel for this mobility. An autonomous vehicle used in car-sharing will be available 100% of the time (thanks to the induction charge, it will be possible to recharge even while driving). Thus, in urban areas, the autonomous vehicle should be predominantly shared on demand, with a door-to-door mobility service, while in rural areas, car pooling should coexist with the maintenance of vehicles on the move. The car will however remain open to new horizons (drones?). Beyond these technological transformations, a more fundamental question arises. Is the current increase in the number of vehicles sustainable? While the number of vehicles in the world was 220 million in 1970, 660 million in 2000, it has exceeded the current billion and might be close to 2 billion in 2030 and 4 billion in 2050. Energy  and raw materials consumption that implies such an increase seems totally incompatible with the resources of the planet. In addition, the proliferation of advanced technologies (sensors, radars, lidars, digital technologies, lithium batteries, photovoltaic cells, offshore wind turbines, etc.) will also contribute to increasing the demand for scarce materials and rare metals (cobalt, platinum, lithium, neodymium, praseodymium, lanthanum, etc.). Therefore, two scenarios can be foreseen. In the first case, this race towards ever greater mobility and technology would be slowed down. In the second case, an extreme rise in inequalities would become likely: ever more technology and luxury for the happy few and the return to the rickshaw for others.

La mobilité est partie prenante de toutes les évolutions et innovations industrielles depuis plus de 150 ans, en lien avec l’énergie, les transports, les processus de fabrication et l’organisation sociale. Le monde a connu une série de révolutions industrielles : le machinisme (1780/1850), le taylorisme (1880/1950), l’automatisation et le libéralisme (1950/2000), la révolution numérique (2000/2020) et peut-être demain la fusion des technologies physique, numérique et biologique (2020/2040 ?) en attendant la révolution biologique et la possible fusion homme-machine (2040+ ?) Dans ce contexte que sera la mobilité de demain ? Elle devrait devenir sûre, propre, connectée, efficace et inclusive. Les changements seront guidés par l’évolution technologique de la société et par une segmentation entre la mobilité urbaine, le rural et la longue distance. Tandis que les besoins de mobilité explosent (x 2,6 d’ici 2050 pour le transport de passagers, x 3, pour le transport de marchandises), la part du transport urbain va passer de 52 % en 2010 à 67% en 2050. L’usage va progressivement primer sur la possession. Il va en résulter une réorganisation importante des services de mobilité. Le modèle traditionnel résistera toutefois pour le rural et les longues distances, tout en évoluant (hybride rechargeable, hydrogène ?). Les technologies électrique et hydrogène vont devenir compétitives. Les voitures seront électriques, autonomes et connectées en zone urbaine. Alors que le constructeur automobile se trouve, aujourd’hui, au sommet d’une chaîne de valeurs, demain, il se retrouvera au milieu d’un jeu d’acteurs menant des développements de façon beaucoup plus autonome qu’actuellement. Le client équipé de son smartphone sera au centre du système, tandis que les datas vont devenir le nouveau carburant de cette mobilité. Un véhicule autonome utilisé en auto-partage sera disponible 100% du temps (grâce à la charge par induction, il pourra être rechargé même en roulant). Ainsi, dans les zones urbaines, devrait prédominer le véhicule autonome en partage à la demande, avec un service de mobilité porte à porte, tandis que dans les zones rurales, le covoiturage via application et la conduite automatique devraient coexister avec le maintien de véhicules en possession tandis que sur les longues distances conduite automatique et covoiturage devraient s’imposer. La voiture devra toutefois rester un objet de liberté ouvert vers de nouveaux horizons (drones ?). Au delà de ces transformations technologiques, se pose une question plus fondamentale. L'accroissement actuel du nombre de véhicules est-il soutenable? Alors que le nombre de véhicules dans le monde était de 220 millions en 1970, de 660 millions en 2000, il a dépassé le milliard actuellement et pourrait avoisiner 2 milliards en 2030 et 4 milliards en  2050. La consommation d'énergie et de matières premières que suppose un tel accroissement paraît totalement incompatible avec les ressources de la planète. En outre la multiplication de technologies avancées (capteurs, radars, lidars, technologies numériques, batteries lithium, capteurs photovoltaïques, éoliennes en mer, etc.) va également contribuer à augmenter la demande en matériaux peu répandus et métaux rares (cobalt, platine, lithium, néodyme, praséodyme, lanthane, etc.). Dès lors, on peut envisager deux scénarios. Dans un premier cas, on parviendrait à un ralentissement de cette course vers toujours plus de mobilité et de technologie. Dans le deuxième scénario, on observerait une montée extrême des inégalités: toujours plus de technologie et le luxe pour les 1% les plus fortunés et de plus en plus de misère ainsi que le retour au rickshaw pour les autres.

jeudi 12 avril 2018

collapsologie/collapsology


As early as the 1970s, a collapse by depletion of natural resources was considered in the Meadows Report about the limits to growth. More recently, Jared Diamond has linked the collapse of various past civilizations, represented in particular by the ancient Mayans in Mexico, the Vikings living in Greenland or the inhabitants of Easter Island, to a lack of adaptation to a critical change in their environment. Our current globalized society could suffer the same fate, if it fails to overcome the environmental challenges it faces, including the major challenge of global warming. The theme of collapse sparked a whole current of thought, sometimes called collapsology. It is usually the ecological causes of a collapse that are retained and analyzed. However, other causes could also cause a catastrophic end of the Western civilization. One of those who has studied the issue, Dmitry Orlov, distinguishes five stages of collapse: financial, commercial, political, social and cultural. According to this American author born in Russia, a collapse similar to that experienced by the USSR could occur in the United States, due to an inadequate economic policy in the context of the decline of oil resources. A collapse could also occur as a result of a major global conflict, resulting in a sharp worsening of international geopolitical tensions. By taking a step back, we can link a collapse to three main causes, related to an ecological, social or moral crisis,. The ecological crisis leading to a lack of resources is the one studied by Jared Diamond, and this is the most widespread theme investigated today. A crisis of the social organization is the one advanced by Tainter, notably to explain the fall of the Roman Empire. According to Tainter, increasing complexity in a vast empire is becoming more and more difficult to control and is leading to a growing share of unproductive spending. This thesis is in fact unconvincing, because the entire evolution of modern society has relied on a prodigious rise in complexity. It has even been shown that complexity and material prosperity are largely related. Finally, a third type of explanation is linked to a decline, associated with a moral crisis. Such an analysis has been done in the past by authors as prestigious as the historian Arnold Toynbee, the thinker of civilizations Oswald Splengler or the sociologist Pitirim Sorokin. The fear of decline is widely shared in Europe and particularly in France, where this theme was recently taken up by Michel Onfray, who linked the decline of the West to a disintegration of the Christian cement. The inability to face environmental, social or technical challenges is largely linked to a moral crisis. To claim that it is possible to meet a major challenge such as global warming without effort or sacrifice is an illusion or a deception. It will be possible to accept a form of frugality only through an increase of consciousness. Similarly, a major conflict can be avoided only through dialogue, leaving out propaganda. Collapsology involves the risk of being complacent about what would be considered as unavoidable.To announce a future catastrophe is not enough, because it would correspond to the attitude denounced by Jean-Pierre Dupuy, preaching a "enlightened catastrophism", rather than a suicidal blindness. We must do everything to avoid collapse or the nuclear apocalypse and therefore become aware of the catastrophe that lurks, doing everything we can to avoid it.

Dès les années 1970, un effondrement par épuisement des ressources naturelles a été envisagé dans le rapport Meadows qui portait sur les limites de la croissance. Plus récemment, le biologiste américain Jared Diamond a relié l’effondrement de différentes civilisations passées, représentées notamment par les anciens Mayas au Mexique, les Vikings installés au Groenland ou encore les habitants de l’île de Pâques, à un manque d’adaptation vis-à-vis d’un changement critique de leur environnement. La société globalisée actuelle pourrait connaitre le même sort, si elle ne parvient pas à surmonter les défis environnementaux auxquels elle est confrontée et notamment le défi majeur du réchauffement climatique.  Le thème de l’effondrement a suscité tout un courant de pensée, parfois qualifié de collapsologie. Ce sont en général les causes écologiques d’un effondrement qui sont retenues et analysées. Toutefois, d’autres causes pourraient également provoquer une fin catastrophique de la civilisation occidentale. L’un de ceux qui se sont penchés sur la question, Dmitry Orlov, distingue cinq stades d’effondrement : financier, commercial, politique, social et culturel. Selon cet auteur américain né en Russie, un effondrement semblable à celui qu’a connu l’URSS pourrait intervenir aux États-Unis, en raison d’une politique économique inadéquate dans le contexte du déclin des ressources pétrolières. Un effondrement pourrait également survenir à la suite d’un conflit mondial de grande ampleur, entraîné par une aggravation brutale des tensions géopolitiques internationales.