
Cinq siècles après la première publication de L'Utopie de Thomas More, l'auteur australien Samuel Alexander a imaginé une nouvelle utopie, qu'il a appelée Entropia. Cette utopie s'organise sur une île, isolée du reste du monde. Habitant lui-même une île, l'auteur nous rappelle que c'est là le cadre idéal pour concevoir une utopie. L'île permet à l'endémisme de s'épanouir, comme l'avait rappelé Gilles Clément dans "Le Jardin planétaire", en donnant à certaines espèces la possibilité de se développer à l'abri du reste du monde. C'est l'endémisme qui a permis notamment à l'Australie de conserver des marsupiaux qui ont disparu du reste du monde. La communauté d'Entropia est censée avoir été créée vers 2030, dans le sillage de l'effondrement de la civilisation industrielle. L'histoire commence au XXe siècle avec l'achat d'une île dans le Pacifique Sud par un magnat du pétrole, qui, pris de regrets à l'égard de sa vie passée, souhaite organiser une communauté idéale, heureuse et autonome. Mais ce n'est que 70 ans plus tard qu'intervient la "Grande Rupture", c'est à dire l'effondrement planétaire. L'île se retrouve isolée et se transforme ainsi en une véritable utopie, fonctionnant avec ses propres règles. La description de l'utopie est évidemment au cœur de l'ouvrage. L'idée principale autour de laquelle elle s'organise est celle d'une "économie stationnaire", réalisant un strict équilibre entre la consommation de ressources et les apports naturels renouvelables. Pour y parvenir, Entropia pratique les principes de la simplicité volontaire et de l'abondance frugale. Ces principes sont vécus comme un bien, plutôt que comme une contrainte, car ils ont des effets bénéfiques sur la santé et permettent de se consacrer plus librement à des activités culturelles. Les organisations politiques sont fondées sur un système de démocratie "directe" et "participative". Un revenu minimal est garanti à tous les habitants. Entropia se présente donc un condensé des idées actuelles sur l'écologie, la décroissance, la sobriété et la consommation durable. Le mérite de l'ouvrage est de les présenter dans le cadre d'un récit attrayant et facile à lire. Comme pour toutes les utopies, une des questions qui restent ouvertes est de savoir si elle est effectivement réalisable, ne serait-ce qu'en partie. Est-il possible de faire accepter par l'ensemble de la population les principes de la simplicité volontaire? L'une des réponses intéressantes de l'ouvrage. est de relier l'éthique de la simplicité à la quête spirituelle du sens de la vie. Une telle motivation n'en reste pas moins difficile à étendre à tous. L'auteur en est conscient lui-même. Il livre un dénouement inattendu qu'il sera possible de découvrir en lisant cet ouvrage attachant.
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