In the current materialist context, speculative materialism presented as a New Realism is a current of thought in vogue. The New Realism is displayed as a banner by Quentin Meillassoux in France, Markus Gabriel in Germany, Maurizio Ferraris in Italy, Graham Harman in the United States. The point common to all these authors is to claim access to reality without going through the "correlationist" approach as it was initiated by Kant. According to Kant's transcendental conception, it is not possible to access the "thing in itself", but only to its representation as it is transmitted to us through the categories of the human understanding. Quentin Meillassoux developed a set of arguments to defend his conception of realism, speculative materialism, with respect to the correlationist position, in a work entitled "After Finitude - An Essay on the Necessity of Contingency", which has had impact .
Michel Bitbol, who wrote a few years ago a book defending on the contrary the thesis that we only have access to relations, wanted to take up the challenge by defending the opposite thesis with a recent work, which takes the counter- foot of Quentin Meillassoux's positions, starting with his title: "Now Finitude - Can We Think the Absolute?". It is a book rich in information and developing arguments often subtle to defend positions derived from neo-Kantianism and phenomenology. Michel Bitbol who is a talented philosopher of science is well placed for such an exercise. Yet, on the merits of the case, he exploits little of the arguments that can be drawn from the usual scientific approach, which serves as a reference to Quentin Meillassoux. In fact, in any scientific approach:
1) A scientist never claims to describe an "absolute" reality, but merely represents a situation as perceived by an "observer" placed in a certain coordinate system, capable of taking measurements.
2) This observer is not to be confused with the human subject, provided with sensations and feelings. This abstract observer, who obeys the rules of the human understanding, following the point of view introduced by Kant, can project himself both in the past and in the future, which is the main achievement of Science. In these conditions, Quentin Meillassoux's objection to correlationism, consisting in referring to "ancestral" events, prior to the appearance of humanity, to affirm that such a reality is independent of all human presence, does not hold. For the scientist, the analysis of events in which he does not participate, does not pose any particular problem. In such a case, it is not a question of involving a "subject" with his inner psyche.
3) Quentin Meillassoux finally claims that the laws of nature are absolutely contingent, and it is even for him a central point, the only one which is absolutely necessary. This point is in complete disagreement with the way most physical laws are established. Of course, these laws are always confronted with experience, which may lead to modification based on new results, but they do not result from a simple adjustment to empirical data. To establish them, physicists use principles. They are described by mathematical structures, which define an order and which are often chosen according to their "elegance". Thus, for instance, the laws of mechanics derive from a principle of least action. The uniformity of time entails the conservation of energy. The homogeneity of the space causes the conservation of the momentum. Principles of symmetry, relativity, unification are constantly implemented to generate the laws of physics.
In view of these very simple arguments, one may wonder how the theses of "speculative materialism" have been so successful. This does not end with the fact that this materialist approach completely ignores the specificity of consciousness. In the era of neuroscience, it is most often conceived in purely physicalistic terms. This is undoubtedly the main difference with the theses defended by Michel Bitbol. However, this one, which refers mainly to the Buddhist doctrine, remains rather vague concerning the "reality" of consciousness. Consciousness is the "hard question", and this is probably the crux of the debate.
Dans le contexte actuel, le matérialisme spéculatif présenté comme un nouveau réalisme est un courant de pensée fort en vogue. Le nouveau réalisme est affiché comme étendard par Quentin Meillassoux en France, Markus Gabriel en Allemagne, Maurizio Ferraris en Italie, Graham Harman aux Etats-Unis. Le point commun à tous ces auteurs est de vouloir accéder à la réalité sans passer par la démarche "corrélationiste" telle qu'elle a été initiée par Kant. Selon la conception transcendantale de Kant, il n'est pas possible d'accéder à la "chose en soi", mais uniquement à sa représentation telle qu'elle nous est transmise à travers les catégories de l'entendement humain. Quentin Meillassoux a développé un ensemble d'arguments pour défendre sa conception du réalisme, le matérialisme spéculatif, vis à vis de la position corrélationiste, dans un ouvrage intitulé "Après la finitude - Essai sur la nécessité de la contingence", qui a connu un vif retentissement.
Michel Bitbol, qui avait écrit il y a quelques années un ouvrage défendant au contraire la thèse que nous n'avons accès qu'à des relations, a voulu relever le défi en défendant la thèse opposée avec un ouvrage récent, qui prend le contre-pied des positions de Quentin Meillassoux, en commençant par son titre: "Maintenant la finitude - Peut-on penser l'absolu?". Il s'agit d'un ouvrage riche en informations et développant des arguments souvent subtils pour défendre des positions issues du néo-kantisme et de la phénoménologie. Michel Bitbol qui est un fin connaisseur de la philosophie des sciences est bien placé pour un tel exercice. Pourtant, sur le fond de l'affaire, il exploite assez peu les arguments que l'on peut tirer de la simple démarche scientifique habituelle, qui sert de référence à Quentin Meillassoux. Dans toute démarche scientifique:
1) Un scientifique ne prétend jamais décrire un réel "absolu", mais se contente de représenter une situation telle qu'elle est perçue par un "observateur" se plaçant dans un certain système de coordonnées, capable d'effectuer des mesures.
2) Cet observateur ne se confond pas avec le sujet humain, pourvu de sensations et de sentiments. C'est un observateur abstrait, qui obéit aux règles de l'entendement humain, suivant le point de vue introduit par Kant, et qui peut se projeter à la fois dans le passé et dans l'avenir, ce qui est le principal acquis de la science. Dans ces conditions, l'objection de Quentin Meillassoux vis-à-vis du corrélationisme, consistant à se référer à des événements ancestraux, antérieurs à l'apparition de l'humanité, pour affirmer qu'une telle réalité est indépendante de toute présence humaine, ne tient pas. Pour le scientifique, l'analyse d'événements auxquels il ne participe pas, ne pose pas de problème particulier. Il ne s'agit pas dans un tel cas de faire intervenir un "sujet" avec son psychisme intérieur.
3) Quentin Meillassoux prétend enfin que les lois de la nature sont absolument contingentes, et c'est même pour lui un point central, le seul qui est absolument nécessaire. Ce point est en désaccord complet avec la façon dont la plupart des lois physiques sont établies. Certes, ces lois sont toujours confrontées à l'expérience, ce qui peut conduire à les modifier en fonction de nouveaux résultats, mais elles ne résultent pas d'un simple ajustement à des données empiriques. Pour les établir, les physiciens font appel à des principes. Elles sont décrites par des structures mathématiques, qui définissent un ordre et qui sont souvent choisies en fonction de leur "élégance". Ainsi toutes les lois de la mécanique dérivent d'un principe de moindre action. L'uniformité du temps entraîne la conservation de l'énergie. L'homogénéité de l'espace entraîne la conservation de la quantité de mouvement. Des principes de symétrie, de relativité, d'unification sont constamment mis en oeuvre pour générer les lois de la physique.
Au vu de ces arguments très simples, on peut se demander comment les thèses du "matérialisme spéculatif" ont pu rencontrer un tel succès. Cela tient sans doute au fait que cette démarche matérialiste ignore complètement la spécificité de la conscience. A l'ère des neurosciences, celle_ci est le plus souvent conçue en termes purement physicalistes. C'est là sans doute la principale différence avec les thèses défendues par Michel Bitbol. Toutefois, celui-ci, qui se réfère principalement à la doctrine bouddhiste, reste assez vague concernant la "réalité" de la conscience. La conscience représente la "question difficile", et c'est bien là sans doute le nœud du débat.
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