Our civilization, and more specially the western civilization around the United-States, has been often compared to the Roman Empire. This Empire is not bounded by borders and its power extends worldwide through the globalization, with language, media, science and technology. Still, it is threatened and challenged. Even democracy and liberty which were emblematic of this Empire seem in danger. Economic tensions rise everyday end therefore the decline and the fall of the Empire cannot be excluded any more. If it happens, the situation might become very similar to what happened to the Roman Empire. The major turbulences created by such an event might open a "dark age", during which complexity and knowledge would recede. New feodalities would emerge and create some restricted safe areas, surrounded by miserable and dangerous territorities. Still, new vertical values might emerge, similar to those which had been instaured by christianity during the middle-age, when money was despised and honour was the supreme value, which might help to build a new promising era. It is perhaps the only way to achieve such a transformation of values. Still, the risks involved are such, that it seems much preferable to anticipate the dangers ahead, in order to avoid such a fracture.
Notre civilisation et plus particulièrement celle qui peut être qualifiée de façon quelque peu schématique comme la « civilisation occidentale », a été souvent comparée à l’Empire romain. Les États-Unis sont au centre de ce nouvel Empire, comme Rome l’était au centre du monde ancien. Cet Empire, qui n’est pas délimité par des frontières, englobe la totalité du monde [1]. La mondialisation est un moyen d’étendre son pouvoir et d’imposer sa logique. Sa domination est assurée par la puissance des armes, mais aussi au moyen du soft power de la langue, des média, de la science et de la technique [2].
Cet Empire parait de plus en plus menacé. Son pouvoir économique est
remis en question par les pays émergents et notamment par la Chine. Son pouvoir
politique est contesté par tous ceux qui réclament plus d’indépendance ou qui
rejettent ses valeurs. L’attentat du 11 septembre a marqué l’exacerbation des
sentiments de rejet qu’il inspire. La démocratie et la liberté, qui
représentaient les valeurs suprêmes de cet Empire, paraissent elles-mêmes
vacillantes et menacées par les intérêts particuliers des citoyens les plus
puissants.
Le
pouvoir économique, s’appuyant sur le pouvoir financier a développé des moyens
élaborés pour contrôler le pouvoir politique en achetant les média, en
alimentant les campagnes électorales, en créant des « think tanks » dévoués à ses thèses, en payant des groupes de
manifestants. Le contrôle progressif de l’information lui assure un pouvoir
d’influence permettant d’acquérir le soutien électoral de la part de ceux-là
même qu’une telle politique dessert le plus. Ce pouvoir empêche toute mesure
réellement efficace contre la spéculation et les paradis fiscaux de se mettre
en place. Ces méthodes ont été développées initialement aux États-Unis par une
droite de plus en plus dure, mais se sont étendues progressivement à l’ensemble
des pays opérant dans le cadre d’une économie mondialisée.
Si cette situation persiste et s’aggrave, le parallèle avec l’Empire
romain s’impose et la décadence suivie de la chute de cet Empire devient une
hypothèse de plus en plus plausible [3].
Une telle chute produirait des turbulences considérables, pouvant mener à une
régression généralisée à l’échelle de la planète. Cette régression se
traduirait notamment par une perte dans l’acquis des connaissances et une perte
de complexité, la société revenant à des modes d’organisation plus primitifs.
Une telle fracture ne s’est pas encore produite et on peut même espérer
que ce scénario-catastrophe ne se produira pas. Il y a déjà près de vingt ans,
certains, comme Alain Minc affirmaient que la chute du communisme bouclait un
cycle et que nous étions en train de pénétrer dans un nouveau Moyen-âge [4]. Cette
analyse s’appuyait sur le développement de la mondialisation, qui conduisait à
l’effacement de l’État - nation au profit des compagnies multinationales. En
fait, on peut constater que la grande fracture ne s’est pas encore produite et
que la mondialisation peut être considérée au contraire comme une volonté
d’étendre les frontières de l’Empire.
Toutefois, à l’image de la montée de la
dette publique, les tensions tectoniques s’accumulent et les failles commencent à apparaitre. Lorsque le fonctionnement de la société est fondé sur le principe d'un
individualisme exacerbé, les rapports de force tendent à s'imposer
progressivement dans les relations entre groupes et entre individus. Les inégalités sociales produisent des
tensions entre communautés. L’absence de mécanismes de protection sociale et de
système d’éducation pour tous crée une classe d’exclus, qui tendent à se
rassembler dans des zones de non-droit : bidonvilles, favelas. Dans ces quartiers,
les trafiquants de drogue et les délinquants de toute sorte peuvent évoluer et
opérer à leur guise. Il en résulte un sentiment d’insécurité, qui conduit les
mieux nantis à se protéger par tous les moyens pour éviter les agressions ou
les enlèvements. C’est ainsi que les hommes d’affaires peuvent être conduits à
se déplacer en hélicoptère dans certaines villes brésiliennes.
Cette situation de non-droit
peut s’étendre à des pays entiers, comme on l’observe actuellement en Somalie.
Dans de telles régions, le pouvoir est détenu par des « seigneurs de la
guerre », c'est-à-dire des groupes armés, parfois de simples bandits, qui
disposent de la force, mais se livrent à des luttes meurtrières.
La technologie devient un enjeu
et une arme au service des plus forts. Elle constitue bien sûr le support
indispensable de la puissance militaire. La puissance militaire, principalement
américaine, contrôle déjà les voies stratégiques d’acheminement des ressources
et notamment le pétrole. Elle constitue aussi un moyen de contrôle et de
surveillance à travers les systèmes de caméras, capteurs, systèmes d’écoute.
C’est ainsi que le système Echelon regroupant de nombreuses bases d’écoute dans
le monde a été utilisé pendant des années par les Etats-Unis et leurs alliés
pour capter toutes les communications transmises par satellite. Utilisée comme
moyen de domination, la technologie peut permettre à quelques ilots de
prospérité de survivre dans un monde dominé par la misère et la régression,
tant sociale que technique.
Un tel monde ressemblera considérablement au
Moyen-âge qu’a connu l’Europe. Les châteaux-forts seront remplacés par des
Cités ou des États qui seront protégés par des forces militaires puissantes,
par une infrastructure de défense et par des moyens de contrôle des
communications numériques. Ces nouvelles entités féodales établiront une
relation de suzeraineté ou de « protectorat » vis-à-vis des
territoires voisins sur lesquels ils viendront puiser des ressources ou de la
main d’œuvre pour des tâches subalternes.
Un tel développement des
féodalités est apparent dès aujourd’hui avec la présence de groupes
d’ultra-riches qui se protègent d’une masse d’ultra-pauvres qui eux vivent dans
une insécurité permanente. Les résidences des plus fortunés s’organisent en
quartiers fermés, selon le principe des « gated communities ». De tels quartiers se trouvent partout
dans le monde, mais surtout dans les régions où les plus riches se trouvent
confrontés à un sentiment d’insécurité, notamment en Amérique latine et dans
d’autres pays du Sud. Ces quartiers sont sécurisés et fréquemment gardés par
des hommes armés. Le sentiment d’insécurité conduit également au choix de
voitures massives ou même blindées pour les déplacements et parfois même de
l’hélicoptère pour éviter les risques d’attaque et d’enlèvement. Dans une telle situation, le recours à des
gardes armés a pour but de suppléer la défaillance de la police officielle, qui
devient inefficace ou corrompue. Des ilots ultra-sécurisés se développent ainsi
dans de vastes zones de non-droit contrôlées par des gangs ou des trafiquants
de drogue.
Si le contexte actuel se
maintient, on peut craindre que l’humanité ne parvienne pas à surmonter les
défis actuels. En effet, la logique du nouvel ordre mondial qui privilégie la
dérégulation et la concurrence est totalement opposée à la nécessité d’engager
les changements nécessaires pour défendre des causes d’intérêt général et
préparer le long terme. L’opinion publique, obnubilée par la recherche du
niveau de vie le plus élevé possible, sera difficile à mobiliser dans ce sens.
Il
parait largement possible que l’humanité soit confrontée dans les
années à venir à un nouvel âge sombre au cours de laquelle le savoir et la
complexité globale du système technico - économique pourraient régresser. Sauf, en cas de catastrophe majeure, comme
par exemple une quasi disparition de l’espèce humaine, qui pourrait être causée
par des armes de destruction massive, une partie des acquis de la civilisation
pourrait être préservée. Des lieux isolés, qui pourraient être
constitués par les Universités ayant survécu, transmettant les restes de
savoir, pourraient subsister comme les monastères du Moyen-âge.
Au cours d’une telle période sombre, de nouvelles valeurs pourraient
émerger progressive ment et contribuer à construire progressivement un ordre
nouveau. Pour lutter contre la barbarie, le Moyen-âge, inspiré par le
christianisme avait précisément introduit des valeurs verticales, visant à
protéger les opprimés. Le mode de fonctionnement de la société s’appuyait sur
une logique tout à fait différente de la logique du profit. Dans ce système de
représentation, l’argent était méprisé, l’honneur placé au dessus de tout. La chevalerie se faisait un devoir de protéger les faibles et les opprimés. La
foi religieuse poussait à construire des cathédrales.
Le problème de la société actuelle consiste à retrouver des valeurs
verticales pouvant faire contrepoids à la recherche du profit matériel. Pour
les trouver, il sera peut-être nécessaire de passer par la période de
«destruction créatrice», que constituerait un nouveau
« Moyen-âge », assurant la transition vers un âge nouveau. Cet âge
nouveau parviendrait alors à concilier le respect des nouvelles valeurs
verticales, avec l’assurance d’un bien-être partagé par tous. C'est peut-être même le seul moyen de parvenir à reconstruire de telles valeurs. Toutefois, entrer
dans une telle zone de turbulences représente également de grands dangers. Les
instabilités qu’elle entrainerait pourraient faire sombrer la civilisation
toute entière. Il serait donc préférable que notre société puisse anticiper à
temps les dangers qui la menacent, et s’adapter progressivement, plutôt que
subir les fractures qu’entrainerait l’accumulation des tensions tectoniques.
[1]
C’est notamment la thèse développée par Michael Hardt et Toni Negri dans leur
ouvrage Empire, Harvard University Press, 2000, traduit en français :
éditions Exils, 2000
[2] Voir notamment : Joseph S.
Nye, Soft power : the means to
success in world politics, Public Affairs, 2004
[3]
La décomposition du système américain était analysée par Emmanuel Todd, dès
2002 dans son ouvrage : Après
l’empire : essai sur la décomposition du système américain, publié par
les Editions Gallimard
[4]
Alain Minc, Le nouveau Moyen-âge,
Gallimard, 1994
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