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mercredi 16 novembre 2011

Vers un nouveau Moyen-âge / Towards a new Middle-age?

Our civilization, and more specially the western civilization around the United-States, has been often compared to the Roman Empire. This Empire is not bounded by borders and its power extends worldwide through the globalization, with language, media, science and technology. Still, it is threatened and challenged. Even democracy and liberty which were emblematic of this Empire seem in danger. Economic tensions rise everyday end therefore the decline and the fall of the Empire cannot be excluded any more. If it happens, the situation might become very similar to what happened to the Roman Empire. The major turbulences created by such an event might open a "dark age", during which complexity and knowledge would recede. New feodalities would emerge and create some  restricted safe areas, surrounded by  miserable and dangerous territorities. Still, new vertical values might emerge, similar to those which had been instaured by christianity during the middle-age, when money was despised and honour was the supreme value, which might help to build a new promising era. It is perhaps the only way to achieve such a transformation of values. Still, the risks involved are such, that it seems much preferable to anticipate the dangers ahead, in order to avoid such a fracture.

Notre civilisation et plus particulièrement celle qui peut être qualifiée de façon quelque peu schématique comme la « civilisation occidentale », a été souvent comparée à l’Empire romain. Les États-Unis sont au centre de ce nouvel Empire, comme Rome l’était au centre du monde ancien. Cet Empire, qui n’est pas délimité par des frontières, englobe la totalité du monde [1]. La mondialisation est un moyen d’étendre son pouvoir et d’imposer sa logique. Sa domination est assurée par la puissance des armes, mais aussi au moyen du soft power de la langue, des média, de la science et de la technique [2].
Cet Empire parait de plus en plus menacé. Son pouvoir économique est remis en question par les pays émergents et notamment par la Chine. Son pouvoir politique est contesté par tous ceux qui réclament plus d’indépendance ou qui rejettent ses valeurs. L’attentat du 11 septembre a marqué l’exacerbation des sentiments de rejet qu’il inspire. La démocratie et la liberté, qui représentaient les valeurs suprêmes de cet Empire, paraissent elles-mêmes vacillantes et menacées par les intérêts particuliers des citoyens les plus puissants.

   Le pouvoir économique, s’appuyant sur le pouvoir financier a développé des moyens élaborés pour contrôler le pouvoir politique en achetant les média, en alimentant les campagnes électorales, en créant des « think tanks » dévoués à ses thèses, en payant des groupes de manifestants. Le contrôle progressif de l’information lui assure un pouvoir d’influence permettant d’acquérir le soutien électoral de la part de ceux-là même qu’une telle politique dessert le plus. Ce pouvoir empêche toute mesure réellement efficace contre la spéculation et les paradis fiscaux de se mettre en place. Ces méthodes ont été développées initialement aux États-Unis par une droite de plus en plus dure, mais se sont étendues progressivement à l’ensemble des pays opérant dans le cadre d’une économie mondialisée.

   Si cette situation persiste et s’aggrave, le parallèle avec l’Empire romain s’impose et la décadence suivie de la chute de cet Empire devient une hypothèse de plus en plus plausible [3]. Une telle chute produirait des turbulences considérables, pouvant mener à une régression généralisée à l’échelle de la planète. Cette régression se traduirait notamment par une perte dans l’acquis des connaissances et une perte de complexité, la société revenant à des modes d’organisation plus primitifs.

   Une telle fracture ne s’est pas encore produite et on peut même espérer que ce scénario-catastrophe ne se produira pas. Il y a déjà près de vingt ans, certains, comme Alain Minc affirmaient que la chute du communisme bouclait un cycle et que nous étions en train de pénétrer dans un nouveau Moyen-âge [4]. Cette analyse s’appuyait sur le développement de la mondialisation, qui conduisait à l’effacement de l’État - nation au profit des compagnies multinationales. En fait, on peut constater que la grande fracture ne s’est pas encore produite et que la mondialisation peut être considérée au contraire comme une volonté d’étendre les frontières de l’Empire. 
   Toutefois, à l’image de la montée de la dette publique, les tensions tectoniques s’accumulent  et les failles commencent à apparaitre. Lorsque le fonctionnement de la société est fondé sur le principe d'un individualisme exacerbé, les rapports de force tendent à s'imposer progressivement dans les relations entre groupes et entre individus.  Les inégalités sociales produisent des tensions entre communautés. L’absence de mécanismes de protection sociale et de système d’éducation pour tous crée une classe d’exclus, qui tendent à se rassembler dans des zones de non-droit : bidonvilles, favelas. Dans ces quartiers, les trafiquants de drogue et les délinquants de toute sorte peuvent évoluer et opérer à leur guise. Il en résulte un sentiment d’insécurité, qui conduit les mieux nantis à se protéger par tous les moyens pour éviter les agressions ou les enlèvements. C’est ainsi que les hommes d’affaires peuvent être conduits à se déplacer en hélicoptère dans certaines villes brésiliennes.

 Cette situation de non-droit peut s’étendre à des pays entiers, comme on l’observe actuellement en Somalie. Dans de telles régions, le pouvoir est détenu par des « seigneurs de la guerre », c'est-à-dire des groupes armés, parfois de simples bandits, qui disposent de la force, mais se livrent à des luttes meurtrières.

   La technologie devient un enjeu et une arme au service des plus forts. Elle constitue bien sûr le support indispensable de la puissance militaire. La puissance militaire, principalement américaine, contrôle déjà les voies stratégiques d’acheminement des ressources et notamment le pétrole. Elle constitue aussi un moyen de contrôle et de surveillance à travers les systèmes de caméras, capteurs, systèmes d’écoute. C’est ainsi que le système Echelon regroupant de nombreuses bases d’écoute dans le monde a été utilisé pendant des années par les Etats-Unis et leurs alliés pour capter toutes les communications transmises par satellite. Utilisée comme moyen de domination, la technologie peut permettre à quelques ilots de prospérité de survivre dans un monde dominé par la misère et la régression, tant sociale que technique. 
   Un tel monde ressemblera considérablement au Moyen-âge qu’a connu l’Europe. Les châteaux-forts seront remplacés par des Cités ou des États qui seront protégés par des forces militaires puissantes, par une infrastructure de défense et par des moyens de contrôle des communications numériques. Ces nouvelles entités féodales établiront une relation de suzeraineté ou de « protectorat » vis-à-vis des territoires voisins sur lesquels ils viendront puiser des ressources ou de la main d’œuvre pour des tâches subalternes.

   Un tel développement des féodalités est apparent dès aujourd’hui avec la présence de groupes d’ultra-riches qui se protègent d’une masse d’ultra-pauvres qui eux vivent dans une insécurité permanente. Les résidences des plus fortunés s’organisent en quartiers fermés, selon le principe des « gated communities ». De tels quartiers se trouvent partout dans le monde, mais surtout dans les régions où les plus riches se trouvent confrontés à un sentiment d’insécurité, notamment en Amérique latine et dans d’autres pays du Sud. Ces quartiers sont sécurisés et fréquemment gardés par des hommes armés. Le sentiment d’insécurité conduit également au choix de voitures massives ou même blindées pour les déplacements et parfois même de l’hélicoptère pour éviter les risques d’attaque et d’enlèvement.  Dans une telle situation, le recours à des gardes armés a pour but de suppléer la défaillance de la police officielle, qui devient inefficace ou corrompue. Des ilots ultra-sécurisés se développent ainsi dans de vastes zones de non-droit contrôlées par des gangs ou des trafiquants de drogue.

Si le contexte actuel se maintient, on peut craindre que l’humanité ne parvienne pas à surmonter les défis actuels. En effet, la logique du nouvel ordre mondial qui privilégie la dérégulation et la concurrence est totalement opposée à la nécessité d’engager les changements nécessaires pour défendre des causes d’intérêt général et préparer le long terme. L’opinion publique, obnubilée par la recherche du niveau de vie le plus élevé possible, sera difficile à mobiliser dans ce sens.

   Il parait largement possible que l’humanité soit confrontée dans les années à venir à un nouvel âge sombre au cours de laquelle le savoir et la complexité globale du système technico - économique pourraient régresser. Sauf, en cas de catastrophe majeure, comme par exemple une quasi disparition de l’espèce humaine, qui pourrait être causée par des armes de destruction massive, une partie des acquis de la civilisation pourrait être préservée. Des lieux isolés, qui pourraient être constitués par les Universités ayant survécu, transmettant les restes de savoir, pourraient subsister comme les monastères du Moyen-âge.

  Au cours d’une telle période sombre, de nouvelles valeurs pourraient émerger progressive ment et contribuer à construire progressivement un ordre nouveau. Pour lutter contre la barbarie, le Moyen-âge, inspiré par le christianisme avait précisément introduit des valeurs verticales, visant à protéger les opprimés. Le mode de fonctionnement de la société s’appuyait sur une logique tout à fait différente de la logique du profit. Dans ce système de représentation, l’argent était méprisé, l’honneur placé au dessus de tout. La chevalerie se faisait un devoir de protéger les faibles et les opprimés. La foi religieuse poussait à construire des cathédrales.

   Le problème de la société actuelle consiste à retrouver des valeurs verticales pouvant faire contrepoids à la recherche du profit matériel. Pour les trouver, il sera peut-être nécessaire de passer par la période de «destruction créatrice», que constituerait un nouveau « Moyen-âge », assurant la transition vers un âge nouveau. Cet âge nouveau parviendrait alors à concilier le respect des nouvelles valeurs verticales, avec l’assurance d’un bien-être partagé par tous. C'est peut-être même le seul moyen de parvenir à reconstruire de telles valeurs. Toutefois, entrer dans une telle zone de turbulences représente également de grands dangers. Les instabilités qu’elle entrainerait pourraient faire sombrer la civilisation toute entière. Il serait donc préférable que notre société puisse anticiper à temps les dangers qui la menacent, et s’adapter progressivement, plutôt que subir les fractures qu’entrainerait l’accumulation des tensions tectoniques.


[1] C’est notamment la thèse développée par Michael Hardt et Toni Negri dans leur ouvrage Empire, Harvard University Press, 2000, traduit en français : éditions Exils, 2000
[2] Voir notamment : Joseph S. Nye, Soft power : the means to success in world politics, Public Affairs, 2004
[3] La décomposition du système américain était analysée par Emmanuel Todd, dès 2002 dans son ouvrage : Après l’empire : essai sur la décomposition du système américain, publié par les Editions Gallimard
[4] Alain Minc, Le nouveau Moyen-âge, Gallimard, 1994



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