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samedi 14 janvier 2012

La société de la peur / The frightened society


Western countries, which are used to benefit from all kinds of protection against any kinds of risk, seem to become progressively dominated by fear. As shown by the sociologist Ulrich Beck, risk is becoming the decisive factor of choice.  
New technologies, nuclear, radio-waves, GMO's, chemistry or food industries generate a systematic fear. This fear is largely irrational, as the public opinion has a wrong perception of probabilities and requires a zero-risk which cannot be achieved in any situation.  
In France this attitude has lead to incorporate the Precautionary Principle in the Constitution. The application of this principle can have very harmful consequences, as it is a strong incentive for inaction and refusal of any action. It shows how fear is becoming a major driver in these western societies, which seem more and more frightened by the future.

La société des pays occidentaux, habituée à vivre au sein d’un milieu protecteur qui lui assurait une protection contre tous les risques possibles, est devenue paradoxalement une société de la peur, dans laquelle éviter un risque devient un facteur décisif de choix. Le sociologue allemand Ulrich Beck a montré que pour cette société la répartition des risques constitue un critère plus important que la répartition des richesses[1]. Les risques ne sont plus attribués à une nature dont les manifestations catastrophiques seraient imprévisibles, mais sont systématiquement rejetés sur une décision humaine. La science et la technologie deviennent les principales responsables d’une situation qu’elles auraient du permettre d’éviter.
   Les risques associés aux nouvelles technologies, que ce soit dans le domaine du nucléaire, des OGM, de la chimie ou de la santé, suscitent une peur généralisée vis-à-vis de toute nouveauté. Les anticipations de catastrophes prennent le pas sur les attentes optimistes. La société n’est plus simplement une société du risque, mais devient une société de la peur[2].
   Cette peur est largement irrationnelle, car son intensité est reliée beaucoup plus à une perception qu’à une réalité. C’est ainsi que les voyages en avion restent perçus par une partie de la population comme plus dangereux que les voyages en voiture, alors que les statistiques d’accidents révèlent le contraire. La crainte des épidémies de grippe a pris par moments un caractère de quasi-panique, sans que le nombre de victimes le justifie. Il en est de même pour toute situation qui n’est pas ressentie comme familière. Les accidents à la maison sont les plus dangereux pour les jeunes enfants, mais ne sont pas ressentis comme tels. De même, le nombre de victimes causées par les catastrophes nucléaires de Tchernobyl ou de Fukushima reste très inférieur à celui de nombreux accidents beaucoup moins médiatisés. Les installations industrielles font l’objet d’une réglementation anti-Seveso, ce qui les rend inacceptables par la population car le nom même de la réglementation semble impliquer la possibilité d’une telle catastrophe partout où elles s’appliquent[3]. Le sociologue Gérard Bronner fait ressortir que le risque est perçu de manière subjective, à travers un filtre de perception qui fausse la réalité des faits et que le penchant psychologique pour un risque zéro risque d’aboutir à des décisions irraisonnées.[4]
   En France, cette attitude a conduit à inscrire dans la Constitution le principe de précaution, ce qui le situe au même niveau que les droits universels de l’être humain. Pourtant, ce principe risque d’aboutir à l’inaction, car aucune action humaine n’est dépourvue de risque. Pour autant, les résultats positifs du principe de précaution en termes de gain de sécurité sont loin d’être acquis. Dans le domaine de la santé il peut conduire à rejeter un médicament présentant des risques, mais d’un niveau inférieur à ceux qui résultent de la maladie évitée grâce à son utilisation. En outre, pour appliquer un principe de risque, il faudrait disposer d’une abondance illimitée de moyens, qui pourraient être affectés à d’autres usages concourant à l’utilité publique[5]. Le principe de précaution renforce le risque de paralysie qu’entraînent les contraintes administratives. En effet, il devient beaucoup plus simple d’interdire que d’autoriser une initiative de toute nature, en prenant une décision, qui en cas d’accident, pourrait être considérée comme un manquement au principe de précaution. Le rapport de la Commission pour la libération de la croissance française présidée par Jacques Attali, publié en 2008, proposait d’ailleurs de revenir sur cette adoption.
   Ce principe peut être ainsi interprété comme le signe de la grande peur des sociétés occidentales, qui incite au repli et privilégie la volonté d’une sécurité à tout prix, même si elle risque d’entraîner le déclin voire la régression.

[1] Ulrich Beck, La Société du risque – Sur la voie d’une autre modernité, Flammarion, Champs, 2003
[2] Christophe Lambert, La société de la peur : Science, éthique et société, Plon, 2005
[3] La catastrophe de Seveso s’est produite en 1976 en Italie. L’accident libéra un nuage de dioxine qui contamina près de 200 personnes. Le seul décès fut celui du directeur de l’usine, assassiné par les Brigades rouges.
[4] Gérald Bronner et Etienne Géhin, L’inquiétant principe de précaution, Presses Universitaires de France - PUF (17 février 2010)
[5] Olivier Godard, L’ambivalence de la précaution, dans Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, Ouvrage publié dans le cadre des Journées annuelles de l’Association « Nature, Sciences, Sociétés- Dialogues, ORSTOM, Paris, 1994


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