Ce blog rassemble des informations et des réflexions sur l'avenir qui nous attend.

This blog presents informations and views about the future.

mardi 8 août 2017

Entropia, une utopie de notre temps / Entropia, an utopia in our time

Five centuries after the first publication of The Utopia of Thomas More, the Australian author Samuel Alexander has created a new utopia, he called Entropia. This utopia is organized on an island, isolated from the rest of the world. Living himself in an island, the author reminds us that this is the ideal framework to design a utopia. A island allows the endemism to thrive, allowing some species to develop away from the rest of the world. Thus, Australia has been able to to keep marsupials which have disappeared from the rest of the world. The community of Entropia is supposed to have been created by 2030, in the wake of the collapse of the industrial civilization. The story begins in the 20th century with the purchase of an island in the South Pacific by an oil Tycoon, who is unhappy with his past life and wants to organize an ideal Community, which might become happy and autonomous. The global collapse happens 70 years later. The island is isolated and becomes a real utopia, working with its own rules. The way it is organized is obviously at the heart of the book. It has adopted  a "stationary economy", making a strict balance between resource consumption and renewable natural contributions. To get there, Entropia practice the principles of voluntary simplicity and frugal abundance. These principles are lived as an asset, rather than as a constraint, as they have beneficial effects on health and help to get an easier access to cultural activities. Political organizations are based on a system of "direct" and "participatory" democracy. A minimum income is guaranteed to all inhabitants. Entropia provides a current summary of the ideas that focus on ecology, degrowth, sobriety and sustainable consumption. The merit of the book is to present them as part of a narrative that is attractive and easy to read. As with all utopias, one of the question which the book raises is to know whether such a model is achievable, at least partly. Can everybody accept the principles of voluntary simplicity? One of the interesting answers of the book is to connect the ethics of simplicity to a spiritual quest for the meaning of life. Such a motivation is not easily transferable to the entire population. The author is probably not certain himself that it is feasible, as it is shown by the unexpected conclusion that it will be possible to discover by reading this endearing book.

Cinq siècles après la première publication de L'Utopie de Thomas More, l'auteur australien Samuel Alexander a imaginé une nouvelle utopie, qu'il a appelée Entropia. Cette utopie s'organise sur une île, isolée du reste du monde. Habitant lui-même une île, l'auteur nous rappelle que c'est là le cadre idéal pour concevoir une utopie. L'île permet à l'endémisme de s'épanouir, comme l'avait rappelé Gilles Clément dans "Le Jardin planétaire", en donnant à certaines espèces la possibilité de se développer à l'abri du reste du monde. C'est l'endémisme qui a permis notamment à l'Australie de conserver des marsupiaux qui ont disparu du reste du monde. La communauté d'Entropia est censée avoir été créée vers 2030, dans le sillage de l'effondrement de la civilisation industrielle. L'histoire commence au XXe siècle avec l'achat d'une île dans le Pacifique Sud par un magnat du pétrole, qui, pris de regrets à l'égard de sa vie passée, souhaite organiser une communauté idéale, heureuse et autonome. Mais ce n'est que 70 ans plus tard qu'intervient la "Grande Rupture", c'est à dire l'effondrement planétaire. L'île se retrouve isolée et se transforme ainsi en une véritable utopie, fonctionnant avec ses propres règles. La description de l'utopie est évidemment au cœur de l'ouvrage. L'idée principale autour de laquelle elle s'organise est celle d'une "économie stationnaire", réalisant un strict équilibre entre la consommation de ressources et les apports naturels renouvelables. Pour y parvenir, Entropia pratique les principes de la simplicité volontaire et de l'abondance frugale.  Ces principes sont vécus comme un bien, plutôt que comme une contrainte, car ils ont des effets bénéfiques sur la santé et permettent de se consacrer plus librement à des activités culturelles. Les organisations politiques sont fondées sur un système de démocratie "directe" et "participative". Un revenu minimal est garanti à tous les habitants. Entropia se présente donc un condensé des idées actuelles sur l'écologie, la décroissance, la sobriété et la consommation durable. Le mérite de l'ouvrage est de les présenter dans le cadre d'un récit attrayant et facile à lire. Comme pour toutes les utopies, une des questions qui restent ouvertes est de savoir si elle est effectivement réalisable, ne serait-ce qu'en partie. Est-il  possible de faire accepter par l'ensemble de la population les principes de la simplicité volontaire? L'une des réponses intéressantes de l'ouvrage. est de relier l'éthique de la simplicité à la quête spirituelle du sens de la vie. Une telle motivation n'en reste pas moins difficile à étendre à tous. L'auteur en est conscient lui-même. Il livre un dénouement inattendu qu'il sera possible de découvrir en lisant cet ouvrage attachant.

mardi 4 juillet 2017

Machines moléculaires / Molecular machines


A molecular machine is an assembly of molecular components able to move and to perform a kind of "work", by receiving an input of energy. Molecular machines are expected to induce one of the great upcoming technical revolutions, with numerous applications in the areas of medicine, environment protection, natural resources, energy and industry. In 2016, the Nobel Prize in chemistry was awarded to Jean-Pierre Sauvage, in France, Sir James Fraser Stoddart, in Scotland and Bernard L. Feringa in the Netherlands for their work in this area. In order to design a molecular machine, one must be able (a) to set up the molecular components and (b) to move some parts of the structure by providing energy. In 1983, Jean-Pierre Sauvage and his team succeeded to interlace molecules like chain links and in 1989, they synthesized a "trefoil knot", first non planar molecular node, thus showing the possibility of building new molecular structures according to a predetermined scheme. In 1994, Fraser Stoddart produced the first molecular machine, by being able to move in a controlled manner  a molecular ring along an axis, while supplying energy through an oxidation/reduction reaction. In 1999, the work of Bernard L. Feringa helped to produce the first molecular motor, achieving a continuous rotation movement of organic groups, through cycles alternating UV irradiation and thermal relaxation. In 2000, Jean-Pierre Sauvage synthesized the first  molecular synthetic "muscle", able to move from an "extended" form 8 nm long to a  "contracted" form 6 nm long. In 2011, Bernard L. Feringa team built a  molecular "car", which moves by using four "wheels" driven by molecular motors. In 2015 was carried out the first molecular pump, able to extract ring-shaped molecules from their solution. The range of applications is potentially huge in almost all areas. In a world where raw materials and energy resources will become scarce, it is at the molecular level that an almost unlimited progress remains possible. In addition, these advances will help to make the best use of all available resources. Therefore, the present scientific advances might drive a major revolution.

Une machine moléculaire est un assemblage de composants moléculaires capable de se déplacer et d'effectuer un "travail", en recevant un apport d'énergie..Les machines moléculaires vont sans doute constituer l'une des grandes révolutions techniques à venir, avec de nombreuses implications dans les domaines de la médecine, de l'environnement, des ressources, de l'énergie et de l'industrie. En 2016, le prix Nobel de Chimie a été attribué à Jean-Pierre Sauvage en France, James Fraser Stoddart en Ecosse et Bernard L. Feringa aux Pays-Bas, pour leurs travaux dans ce domaine. Pour concevoir une machine moléculaire, il faut pouvoir (a) configurer les composants moléculaires de façon à être capable de construire la machine moléculaire et (b) parvenir à déplacer certains composants par rapport aux autres, par exemple déplacer une molécule linéaire à l'intérieur d'une molécule ayant une forme annulaire, en apportant de l'énergie. 
En 1983, Jean-Pierre Sauvage et son équipe ont réalisé le premier systèmes de molécules entrelacées à la manière de maillons de chaîne et en 1989 ils ont synthétisé un "noeud de trèfle", premier nœud moléculaire non planaire, montrant ainsi la possibilité de réaliser de nouvelles structures à l'échelle moléculaire suivant une une configuration prédéterminée. En 1994, Fraser Stoddart a réalisé la première machine moléculaire, capable de déplacer de manière contrôlée un anneau le long d'un axe, l'énergie étant fournie par une réaction d'oxydation / réduction. En 1999, les travaux de Bernard L. Feringa (de l'Université de Groningen, Pays-Bas) ont permis de réaliser le premier moteur moléculaire à mouvement rotatif réalisant un déplacement relatif continu en rotation de groupements organiques, grâce à des cycles alternant irradiation UV et relaxation thermique. En 2000, Jean-Pierre Sauvage a réalisé le premier "muscle" moléculaire, capable de passer d'une forme "étendue" de 8 nm à une forme "contractée de 6 nm. En 2011, l’équipe de Bernard L. Feringa a construit une "voiture" moléculaire, qui se déplace grâce à quatre "roues" entraînées par des moteurs moléculaires. En 2015 est réalisée la première pompe moléculaire, qui permet d'extraire de leur solution des molécules en forme d'anneau.
Les applications sont potentiellement très nombreuses et concernent pratiquement tous les domaines. Dans un monde où les matières premières et les ressources énergétiques vont se raréfier, c'est à l'échelle moléculaire que les progrès vont pouvoir se poursuivre, sans être freinés par les contraintes de limitation des ressources. En outre, les progrès dans de domaine vont permettre de gérer au mieux l'ensemble des ressources disponibles. Les avancées scientifiques actuelles pourraient donc se traduire dans l'avenir par une véritable révolution.

mercredi 28 juin 2017

Comment éviter l'effondrement financier / How to avoid a financial collapse


How to avoid a collapse is the title of the last book of Jean-Michel Naulot. Under this title, the author, who was in France a member of the Authority for the financial markets, evokes the next financial crisis that threatens to burst and that might be even more serious than that of 2008.The author connects these financial crises to the rise of neo-liberalism, which in France was adopted by successive Governments since the 1990s and which was widely promoted by the European Commission. According to the author, within the European Union, the situation has been aggravated by the Euro, which has been adopted as currency unique more for political reasons than economic, before achieving achieving the convergence of economies which would have been required. In the EU the economic and financial policy has been aligned on the United States, pushing the deregulation of financial institutions as far as possible and establishing a Central Bank (ECB), as a counterpart of the Fed On both sides, money creation has been amplified, firstly due to the policy of quantitative easing, and on the other hand of a lax policy to commercial banks, which can easily create money, when they grant loans, as a result of limited constraints on their regulatory. In addition, the ECB has redeemed debts that could undermine the "systemic" banks creating money. All of these liquidities, rather than benefiting the economy, are largely misused. On the one hand, a policy of interests close to zero (or even negative) promotes the bubbles of all kinds and facilitates inappropriate investments. On the other hand, rather than lending money to investors who want to realize concrete projects, banks prefer to invest in speculative funds. The result is the formation of a new large-scale speculative bubble, which could burst, causing considerable damage to the economy. The shortcomings that could be observed after the crisis of 2008, are still widely present. High frequency trading continues to unfold, covering more than half of the transactions in Europe and the United States. The amount of derivatives remains virtually unchanged. Many financial products (and especially hedge funds) are located in tax havens. Shadow banking that escapes almost or totally any control represents more than one third of global finance.
In Europe, austerity, conducted in all countries of the Euro area, hampers the economic growth and, paradoxically, contributes to the increase in the debt.
To get out of this situation, the author recommends to reintroduce a system of regulation, which would give back to all the citizens the economic sovereignty which has been taken over by the banks. This regulation must be exercised at the different levels of the nation of the Union as well as at the international level, restoring  the role Governments and political representatives must play. It is clear however that such profound transformations will be difficult to operate and will probably become possible only if the crisis worsens to the point of imposing mutations or major breaks. One of the limitations of the book of Jean-Michel Naulot is perhaps not to mention enough these obstacles and scenarios that could lead to such upheavals. It seems doubtful that explaining where lies the public interest will be enough for for imposing the right decisions.

Eviter l'effondrement est le titre du dernier ouvrage de Jean-Michel Naulot. L'auteur, qui a été membre de l'Autorité des marchés financiers, évoque sous ce titre la prochaine crise financière qui menace d'éclater et qui pourrait être encore plus grave que celle de 2008. Il relie ces crises financières à la montée du néo-libéralisme, qui en France a été adopté par les gouvernements successifs depuis les années 90 et qui a été largement promu par la Commission Européenne. Selon l'auteur, au sein de l'Union Européenne, la situation a été aggravée par l'Euro, qui a été adopté comme monnaie unique plus pour des raisons politiques qu'économiques, sans que les mesures de convergence des économies qui auraient été nécessaires n'aient été adoptées. En Europe, les mesures qui ont été adoptées ont visé un alignement sur les Etats-Unis: dérégulation aussi poussée que possible des institutions financières et création d'une Banque centrale (BCE) à l'image de la Fed. Des deux côtés, la création monétaire s'est amplifiée, d'une part en raison de la politique de quantitative easing, c'est à dire d'un accroissement artificiel des liquidités financières et d'autre part d'une politique laxiste vis à vis des banques commerciales, qui peuvent facilement créer de la monnaie, lorsqu'elles accordent des crédits, du fait que les ratios réglementaires édictés par les banques centrales les y autorisent. En outre, la BCE a racheté des dettes qui pouvaient fragiliser les grandes banques "systémiques" en créant de la monnaie.
Toutes ces liquidités, plutôt que profiter à l'économie, sont pour une large part mal utilisées. D'une part, une politique d'intérêts voisins de zéro (voire négatifs) favorise des des bulles de toutes sortes et des dépenses injustifiées. D'autre part, dans un contexte incertain, au lieu de prêter des fonds à des investisseurs qui veulent réaliser des projets concrets, les banques préfèrent investir dans des fonds spéculatifs et notamment dans les produits dérivés. Il en résulte la formation d'une nouvelle bulle spéculative de grande ampleur, qui pourrait, en éclatant, causer des dégâts considérables à l'économie. Les dysfonctionnements que l'on pouvait observer après la crise de 2008, sont toujours largement présents. Le trading à haute fréquence continue de sévir, en couvrant plus de la moitié des transactions en Europe et aux Etats-unis. Le montant des produits dérivés reste pratiquement inchangé. De nombreux produits financiers (et notamment les hedge funds) sont abrités dans des paradis fiscaux. La finance qui échappe quasiment ou totalement à la régulation (shadow banking) représente plus du tiers de la finance mondiale.
En Europe, la politique d'austérité, menée dans tous les pays de la zone Euro, freinent la croissance et contribuent, paradoxalement, à l'augmentation de la dette. Pour sortir de cette situation, l'auteur préconise de réintroduire un système de régulation, qui permette d'éviter l'hypertrophie de la finance, en rendant à l'ensemble des citoyens la souveraineté économique qui leur a été confisquée par les banques. Cette régulation doit s'exercer au différents niveaux de la nation de l'Union ainsi qu'au niveau international, en redonnant aux gouvernements et au pouvoir politique le rôle qu'ils doivent jouer. Il est clair néanmoins que des transformations aussi profondes seront difficiles à opérer. Elles ne seront sans doute possibles que si la crise s'aggrave au point d'imposer des mutations ou des ruptures de grande ampleur. Une des limitations de l'ouvrage de Jean-Michel Naulot est peut-être de ne pas évoquer davantage ces obstacles et les scénarios qui pourraient conduire à de pareils bouleversements. En effet, il ne suffira sans doute pas d'évoquer l'intérêt général pour parvenir à les imposer.

jeudi 22 juin 2017

Homo Deus

"Homo Deus", the last book of the Israeli writer Yuval Noah Hariri, will probably enjoy the same success as his previous book, "Sapiens". While "Sapiens" had the ambition to recapitulate the past history of humanity, "Homo Deus" aims at describing its future. The book raises good questions, but is often irritating, because of its schematic and sometimes simplistic content. It is easy to read, which is probably one of the rules to follow to get a "bestseller", but so simple that it sometimes gives the impression to be written, not for adults, but for teenagers, to whom is explained for example the notion of humanism. The author sees the future through the lens of the new NBIC technologies. Is it with the aim of conciliating the favor of Mark Zuckerberg, who contributed to the success of his previous work? This leads him to define the expectations of humanity, in terms that are similar to those of transhumanism. The human being is going to defeat all diseases and his main concern will be to achieve immortality. His aspiration for well-being will be filled by advances in biochemistry. The human species will be transformed through genetic eugenics, technological prosthesis and increased knowledge. This technological optimism prompts the author to imagine a universal peace, wars becoming unnecessary. It ignores all the victims caused by current conflicts, linked to the development of increasingly lethal arms, as well as the heavy threats that weigh on world peace. At times, appears an alternative point of view. Yuval Noah Harari, who has been marked by Buddhist influences, brings, sometimes, a deeper perspective. He raises two fundamental interrelated questions. The first concerns the fate of farm animals, of which he speaks with a great sensitivity. The second raises the issue of consciousness. Life appears as closely associated with consciousness. What place should we leave now and in the future to this notion, still badly defined and misunderstood by science? Unfortunately, the author remains riveted to a materialistic, deterministic and simplistic scheme. Science will control consciousness as all other parameters of human existence. The new religion will be related to the 'Data', that will dominate all aspects of human life. This Data Religion or "Dataism" will encompass everything. Such an outcome leaves no room for creativity, imagination and spirituality., as it considers only algorithms and digital data. Still, is this prospect that suggests the book, without recognizing that it is probably the best way to fall into a new totalitarianism.

Homo Deus, le dernier ouvrage de l'écrivain israélien Yuval Noah Hariri, pas encore traduit en français, va sans doute connaître un succès comparable à celui qu'il a obtenu avec son titre précédent "Sapiens". Alors que "Sapiens" avait comme ambition de récapituler l'histoire passée de l'humanité, Homo Deus voudrait décrire son futur. C'est un ouvrage qui pose de bonnes questions, mais qui est souvent irritant, en raison de son caractère schématique et parfois même simpliste. Il est facile à lire, ce qui est sans doute une des règles à suivre pour obtenir un "best-seller", mais donne parfois l'impression d'être écrit, non pour des adultes, mais pour des adolescents, auxquels l'auteur explique par exemple la notion d'humanisme. L'auteur ne voit l'avenir qu'à travers le prisme des nouvelles technologies. Est-ce pour se concilier les faveurs de Mark Zuckerberg, qui a contribué au succès de son ouvrage précédent? 
Ceci conduit l'auteur à définir les attentes de l'humanité, en des termes qui sont proches de ceux du transhumanisme. L'être humain va vaincre toutes les maladies et son principal souci sera d'atteindre l'immortalité. Son aspiration au bien-être sera comblée par les progrès de la biochimie.  L'espèce humaine sera transformée par l'eugénisme génétique, les prothèses technologiques et les connaissances qu'elle aura acquises. Cet optimisme technologique incite l'auteur à imaginer une paix universelle, les guerres étant devenues inutiles. Il ignore ainsi allègrement les conflits actuels, qui font tout de même beaucoup de victimes ainsi que les lourdes menaces qui pèsent sur la paix mondiale. Par moments, apparaît un point de vue alternatif. Yuval Noah Harari, qui a été marqué par des influences bouddhistes, apporte ainsi, parfois, un point de vue plus profond. Il pose notamment deux questions fondamentales, liées entre elles. La première concerne le sort des animaux d'élevage, dont il parle avec sensibilité. La deuxième porte sur la conscience. La vie apparaît comme étroitement associée à la conscience. Quelle place devrait occuper maintenant et dans l'avenir cette notion encore mal définie et incomprise par la science? 
Malheureusement, l'auteur reste rivé à un schéma matérialiste, déterministe et réducteur. La science va contrôler la conscience comme tous les autres paramètres de l'existence humaine. La nouvelle religion sera celle des "Data", qui dominera tous les aspects de la vie humaine. Cette issue ne laisse aucune place à la créativité, à l'imagination et à la spiritualité. Tout est algorithme et donnée numérique. C'est cette seule perspective que laisse entrevoir l'ouvrage, sans réaliser que c'est la voie la plus sûre pour tomber dans un nouveau totalitarisme.

dimanche 18 juin 2017

Quelles utopies pour demain? / What utopias for to-morrow?


The neoliberal globalization, which confers to the Market all the powers of decision proposes no vision for the future nor project of transformation of the world. The primacy of the economy and finance seems incompatible with any project of social renewal. The result is a feeling of frustration and pessimism, leading to a fear of a future in which it will be harder to live than before. More than ever, new forms of Utopia and new visions for the future become necessary, to overcome such a feeling and to be able to engage in the construction of a better future. Three types of utopias can be considered:
- Technological utopias are the most common at present. Transhumanism promises to overcome all diseases, to leverage human abilities, ultimately to achieve immortality. Human beings will be able to cross the physical limits of their existence on Earth and to disseminate colonies within the whole Universe on the exo-planets with can sustain life. New technologies of information and communication (NTIC) have made possible instant exchanges between all the inhabitants of the planet. Now, after having freed the human being of the physical work, technology seems ready to perform also the intellectual work, which until now remained within the realm only of human beings. One of the most fascinating technological utopias, deals with the deployment of an Artificial Intelligence (AI) far exceeding human capacities. This would lead to a still accelerated progress, a kind of Singularity, with consequences which seem impossible to imagine right now. It might result also in the replacement of human beings by machines for most important decisions.
- Social and political utopias are essentially driven by protest movements, such as those of the Indignados in Spain or Occupy Wall Street in the United States. These movements would like to build new forms of democracy, such as direct democracy or participatory democracy. Other forms of Utopia involve the transformation of the economy, to move towards new forms of a solidarity economy or to build a fair organization of the North-South trade Globalization is the object of various utopias. Some advocate the establishment of a world government. Others, on the contrary are considering a relocation of the activities within areas that would find a broad autonomy. Digital technologies allow to consider again the old anarchist utopia of local self-government municipalities, linked together by a loose form of coordination, for all the decisions affecting the whole community These utopias contradict the logic of neo-liberal globalization. Therefore, without a deep transformation of the current neo-liberal system, they remain difficult inapplicable for the moment.
- Cultural utopias which are particularly important in the current context, are presently most lacking. Society needs to develop a new world of imagination and new forms of spirituality, in order to escape from the dehumanized world to which may lead technology. New aspirations are emerging. Ecology. represents one of the major areas of transformation. Beyond a simple desire to protect the environment, emerges a new form of relationship with nature. Nature  holds a spiritual and sacred significance, which is recognized by the deep ecology movement  and the introduction of the concept of Gaia. Ecology is frequently associated with spirituality, to form an ecospirituality. This sacredness of nature is one of the most characteristic cultural trends of contemporary society. Other forms of spirituality are developing in response to the need for personal development and inner harmony.  Religions, far from disappearing, occupy a central place in today's world. The violence generated by fundamentalism is favored by military conflicts, which exacerbate hostile reactions. It can be prevented by working on the restoration of peace. A spiritual renewal and a rise in the level of consciousness, might help to prevent hatred and violence. The construction of a culture rooted in the interiority of the person becomes an imperative to escape the enslavement of human beings by machines. Intangible assets of cultural interest can also limit the compulsive need to consume still more. Two factors may contribute to achieve the profound cultural transformation which is required . The need for each to achieve inner harmony is the first of them. To achieve a deeper level of consciousness is a prerequisite for escaping to the condition of a machine, only subjected to physicochemical forces. A second factor is the will to renew the social link, to build a society of co-operation and sharing, open to empathy and altruism.

Le monde globalisé actuel semble dépourvu de vision d'avenir ou de projet de transformation du monde. Le primat de l'économie et de la finance est incompatible avec tout projet de renouveau social. Il en résulte un sentiment de frustration et de pessimisme, conduisant à craindre un avenir dans lequel il serait plus difficile de vivre qu'auparavant. Plus que jamais, de nouvelles formes d'utopie et de nouvelles visions d'avenir deviennent nécessaires, pour surmonter un tel sentiment et pouvoir s'engager dans la construction d'un avenir meilleur. Trois types d'utopies peuvent être envisagées:
- Les utopies technologiques: ces utopies sont les plus courantes à l'heure actuelle. Le transhumanisme promet de vaincre toutes les maladies, de démultiplier les capacités humaines et, à terme, d’atteindre l’immortalité. L’homme va être capable de franchir les limites physiques de son existence sur Terre, pour partir à la conquête de tout l’Univers, afin de disséminer des colonies sur les exo-planètes offrant une telle opportunité. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont rendu instantanés les échanges sur la planète. Après avoir libéré l’être humain du travail physique, elles semblent à présent prêtes à effectuer à sa place le travail intellectuel. L’une des utopies technologiques les plus fascinantes, qui en résulte concerne le développement d’une Intelligence Artificielle (IA) de plus en plus performante, dont les progrès rapides devraient la conduire dans l’avenir à dépasser largement les capacités humaines. Si une telle promesse est vraie, les conséquences sont évidemment fabuleuses. Elle conduirait à une forme de Singularité, dont les conséquences sont encore imprévisibles.
- Les utopies sociales et politiques sont essentiellement portées par les mouvements de contestation, tels que ceux des Indignés ou Occupy Wall Street. Ces mouvements voudraient construire de nouvelles formes de démocratie, telles que la démocratie directe ou la démocratie participative. D'autres formes d'utopie concernent la transformation de l'économie, pour aller vers des formes d'économie solidaire ou pour rendre les échanges Nord-Sud plus équitables. La mondialisation fait l'objet d'utopies diverses. Certaines prônent l'établissement d'un gouvernement mondial. D'autres, au contraire, envisagent une relocalisation des activités dans des régions qui retrouveraient une large autonomie. Les technologies numériques permettent d'envisager à nouveau la vieille utopie anarchiste de communes autogérées, mais se coordonnant entre elles pour toutes les décisions qui engagent l'ensemble de la communauté. Ces utopies se heurtent toutefois directement à la logique de la globalisation néolibérale. De ce fait, sans transformation profonde du système néolibéral actuel, elles demeurent difficilement inapplicables pour le moment.

samedi 27 mai 2017

Consommation d'énergie et puissance de destruction / Energy consumption and destructive power

Energy consumption has increased considerably since Antiquity. A human being can provide an energy of about 0.5 kWh on a day of 8 to 10 hours of work (while consuming 4-5 kWh), roughly 170 kWh on a year or the equivalent of 15 kg of oil. In the ancient Rome, the privileged could benefit from the work of the slaves, but this did not increase the average energy available per capita. Therefore, the increasing consumption of energy by the richest combined with the limitations of new Roman settlement, inevitably led to a crisis. During the Middle ages, livestock, hydro and wind power made possible to increase the energy available per capita by a factor of around 10, and slavery was abolished. However, it is only with the Industrial Revolution and the use of large amounts of fossil fuels, that it has been possible to achieve very high levels of energy consumption. The average energy consumption per capita in the world is currently 1.9 tons of oil equivalent (toe), that would require 130 human beings working permanently, with very large deviations, from 6.9 toe in the United States, 3.7 in France, to only 0.6 in India. It is this increase in energy consumption, which resulted in a dramatic rise in living standards, despite the significant increase in the human population. However, such an energy consumption rise leads also to a progressive depletion of available resources and to global warming. Correlatively, the destructive power of humanity has increased in a huge way. While the destructive capacity index of a sword is 20, that of a canon which was only 43 at the beginning, has reached 230 in the 17th century and 4000 in the 17th century. In contemporary times, the progression has been staggering, the index reaching 210 000 000 for a heavy bomber and 210 000 000 000 for a strategic missile equipped with a thermonuclear bomb of 25 Megatons. It seems difficult to imagine an extension of such a development, as it would most probably lead to the disappearance of humanity. Still, the possible alternatives are not quite clear. Is it possible to imagine a less intensive energy future? Is it possible to decouple the destruction capability from the consumption of energy by the use of renewable energy sources, or by forbidding most destructive arms? Such questions remain open, but they most certainly need to be addressed.

La consommation d'énergie a considérablement augmenté depuis l'Antiquité. Un être humain est capable de fournir une énergie d'environ 0,5 kWh sur une journée de 8 à 10 h de travail (en consommant 4 à 5 kWh), soit environ 170 kWh sur un an ou encore l'équivalent de 15 kg de pétrole. Durant l'Antiquité, les privilégiés pouvaient bénéficier du travail des esclaves, mais cela n'augmentait pas l'énergie moyenne disponible par habitant. Dès lors, la consommation de toujours plus d'énergie liée aux goûts dispendieux des plus riches et le fait que la colonisation romaine était parvenue jusqu'à des terres plus froides, incapables d'assurer une production agricole en croissance continue, conduisaient inévitablement à une crise.  Au cours du Moyen-âge, le recours au bétail, à l'hydraulique et à l'éolien ont permis d'augmenter l'énergie disponible par habitant par un facteur de l'ordre de 10. Toutefois, ce n'est qu'avec la Révolution industrielle et l'utilisation de grandes quantités d'énergie fossile, qu'il a été possible d'atteindre des niveaux de consommation d'énergie considérables. La consommation d'énergie moyenne par habitant dans le monde est actuellement de 1,9 tonne d'équivalent pétrole (tep), correspondant à l'énergie que pourraient fournir 130 êtres humains travaillant en permanence, avec des écarts très importants : 6,9 tep aux États-Unis, 3,7 enFrance, mais seulement 0,6 en Inde. C'est cette progression de la consommation d'énergie qui a permis une élévation spectaculaire du niveau de vie, malgré l'accroissement considérable de la population humaine. Toutefois, les effets négatifs d'une telle élévation de la consommation d'énergie se font de plus en plus sentir: épuisement progressif des ressources disponibles et réchauffement climatique.
Corrélativement, la puissance de destruction dont dispose l'humanité a augmenté de façon gigantesque. Alors que l'indice de capacité destructive d'une épée est de 20, celui d'un canon qui, à ses débuts au XVIe siècle, n'était que de 43, a atteint 230 au XVIIe siècle et 4000 au XVIIe siècle. Au cours de l'époque contemporaine, la progression a été faramineuse atteignant 210 000 000 pour un bombardier lourd et 210 000 000 000 pour un missile stratégique équipé d'une bombe thermonucléaire de 25 M t de TNT. C'est cette puissance de destruction qui a permis à l'Europe de dominer le monde, avant que les Européens ne s'engagent dans les deux Guerres mondiales, qui marquaient une forme de suicide. Il paraît difficile d'imaginer un prolongement d'une telle évolution, sans que cela conduise à la disparition de l'humanité. Quelles sont les alternatives possibles: peut-on imaginer l'avenir d'une société moins intense en énergie? Est-il possible de découpler la capacité de destruction de la consommation d'énergie, par le recours aux renouvelables ou en interdisant les armes les plus destructives? Ces questions restent ouvertes, mais sont certainement essentielles à aborder.

samedi 20 mai 2017

L'écoumène et le jardin japonais / The ecumen and the Japanese garden


The Japanese garden combines a landscape with a cultural expression, forming an immediately recognizable environment. It sharply differs from the design of modern architecture, which displays any type of building anywhere. The French geographer and philosopher Augustin Berque leaned on this relationship between nature and culture, physical geography and symbolic meaning. Having spent several years in Japan, he was inspired by Japanese authors. The concept of “médiance” that he introduced derives from fudosei, a word used by the Japanese author Watsuji for characterizing an environment including both physical features and cultural patterns. The Japanese garden represents at a small scale, what Augustin Berque calls ecumen, speaking of all the inhabited Earth transformed by human culture. The work of Augustin Berque is not quite recent. His book, "Ecumene - Introduction to the study of the human environment", was published in the early 2000's, but we can see its continuing relevance and importance. At a time where globalization, neoliberalism, and productivism tend to destroy landscapes and urban environment in many countries, it emphasizes the need to integrate harmoniously, the physical characteristics of a landscape, land-use planning and culture. If the city of tomorrow is designed while ignoring the history and the cultural heritage of a country, thus renouncing its foundations, it is heading for disaster. Only the close association between the development of a city and a form of cultural expression, which remains compatible with the heritage from the past, leads to a sustainable design. Letting the human hubris decide disproportionate projects, giant towers and huge shopping malls, can meet an immediate search of profit, but not the need for meaning of human beings. Any urban development has also to assume an order and a form of regulation. Deregulation and unbridled settlements of a patchwork of buildings lead to a destruction of the landscape and to a disintegration of the agricultural community. In France, the coastal Act, which has been recently "eased", has allowed so far to preserve the shores. The at least relative preservation of cities like Paris and Rome represents a kind of miracle. This legacy deserves to be defended with perseverance.

Le jardin japonais associe un paysage et une culture, en formant un milieu immédiatement reconnaissable. Sa conception s'oppose ainsi à la conception de l'architecture moderne consistant à imposer n'importe quelle forme d'architecture n'importe où. Augustin Berque s'est penché sur cette relation entre nature et culture, géographie physique et signification symbolique. Ayant vécu au Japon, il s'est inspiré d'auteurs japonais. Le concept de médiance qu'il a introduit dérive du concept japonais de fudosei, qui a été utilisé par l'auteur japonais Watsuji, pour caractériser un milieu comprenant à la fois des traits physiques et des traits culturels. Le jardin japonais représente ainsi à petite échelle, ce qu'Augustin Berque qualifie d'écoumène en parlant de l'ensemble de la Terre habitée, transformée par la culture humaine. Le travail d'Augustin Berque n'est pas tout récent. Son ouvrage, "Ecoumène - Introduction à l'étude des milieux humains", a été publié au début des années 2000, mais il conserve toute son actualité. A l'heure où la globalisation, le néolibéralisme et le productivisme opèrent des ravages, il rappelle la nécessité d'intégrer de manière harmonieuse, les caractéristiques physiques d'un paysage, une forme d'aménagement et une culture. Si la ville de demain est conçue en méconnaissant le passé historique et l'héritage culturel d'un pays, cela signifie qu'elle renonce à ses fondements et va à la catastrophe. Seule l'association étroite entre l'aménagement d'une ville  et une forme d'expression culturelle, compatible avec l'héritage du passé, conduit à une conception durable. Céder à l'hubris des projets disproportionnés, des tours géantes et des centres commerciaux démesurés, peut répondre à une recherche immédiate de profit, mais pas au besoin de sens des êtres humains. Tout aménagement suppose par ailleurs un ordre et une forme de régulation. La dérégulation complète et les implantations sauvages de bâtiments conduisent au mitage du paysage et à la désagrégation du milieu agricole. En France, la loi littoral, qui a été récemment "assouplie", a permis jusqu'à présent de préserver les rivages. La préservation, au moins relative, de villes comme Paris et Rome représente une sorte de miracle. Cet héritage mérite d'être défendu avec persévérance.