To appreciate nuclear risk is a difficult task as illustrated by a recent book written by François Lévêque, who teaches economy at the Ecole des Mines de Paris. The method he presents combines an a priori estimation indicating a probability of 6,5 10-5 with a degree of confidence of 95%, with a probability of 7,8 10-4 resulting from the number of observed failures. Although established by a refined calculation, the figure he quotes for the probability of a major failure (core meltdown), i.e. 3,2 10-4, raises many questions. Is it acceptable to considerer all the probabilities of failure as equivalent whatever the location? How to take into account the improvements which occur throughout the time and especially after a major failure? And what is the "acceptable level": 10-4, 10-5 or 10-6 ? In fact, the level of risk which is felt by the public opinion may have in the future a greater impact than a more scientific estimation, even if the latter one is much closer to the reality. Still, the issue remains crucial.
Comment apprécier le risque nucléaire? A ce jour, deux catastrophes majeures se sont produites. L'une à Tchernobyl et l'autre à Fukushima. C'est un nombre que l'on peut juger faible, au regard d'environ 450 réacteurs fonctionnant depuis environ 31 ans en moyenne et en même temps beaucoup trop élevé au regard des conséquences majeures que ces deux catastrophes ont eues sur l'URSS d'une part et sur le Japon d'autre part. L'ouvrage de François Lévêque, professeur d'économie à l'Ecole des Mines de Paris: "Nucléaire on/off" apporte un éclairage intéressant sur cette question. Il montre d'une part l'écart entre le risque réel et sa perception et d'autre part les erreurs de raisonnement que l'on peut commettre en ce qui concerne la probabilité d'un accident majeur (en l’occurrence la fusion du cœur, accident de niveau 7).
L'usage du calcul des probabilités s'avère fort délicat. Les études probabilistes sont complexes. Pour chiffrer le risque d'un accident majeur (fusion de cœur sans éjection de matière fissile), l'idée présentée dans l'ouvrage consiste à corriger suivant une démarche bayésienne une probabilité a priori, telle qu'estimée par des experts, en tenant compte d'une probabilité déduite de l'observation des faits. La probabilité a priori est tirée d'une étude américaine de 1997, qui la chiffre à 6,5 10-5 avec un degré de confiance de 95%. Cela suppose que celle-ci, basée sur l'analyse de réacteurs américains et menée il y a plus de quinze ans, s'applique aux autres réacteurs dans le monde. La probabilité "tirée des faits observés" est estimée à 7,8 10-4. En combinant ces deux valeurs, on aboutit à une probabilité de 3,2 10-4 par réacteur et par an.
Cette deuxième probabilité est particulièrement délicate à chiffrer, comme on peut le constater selon les exemples présentés dans l'ouvrage. Un des exemples cités est tiré d'une note d'Etienne Ghys, Directeur de recherche au CNRS, faisant suite elle-même à un article de Benjamin Dessus et Bernard Laponche. A partir des accidents de Tchernobyl et Fukushima ayant affecté 4 réacteurs, ceux-ci avaient estimé la probabilité d'un accident majeur comme étant de 1/450x31 = 0,0003 et la probabilité d'un accident majeur en Europe dans les trente ans de 143 fois trente fois 0,0003, soit 129%! Avec les mêmes hypothèses, un calcul de probabilités, élémentaire mais cette fois-ci correct, conduit à une probabilité de 72%, qui est déjà considérable. Toutefois, un tel chiffrage, en lui-même correct, repose sur des hypothèses de départ discutables. Chiffrer une probabilité à partir de deux accidents majeurs sur 31 ans ne paraît guère raisonnable. Considérer la probabilité d'accident comme partout équivalente, alors qu'elle est très supérieure dans une zone sismique, est également inexact. Traiter les accidents ayant affecté les trois réacteurs de Fukushima comme indépendants l'est encore plus. En outre, comment définir un "accident majeur". Faut-il en compter deux (Tchernobyl et Fukushima), quatre (nombre de réacteurs concernés) ou onze (cas de fusion sans éjection de matière fissile)? Enfin, de façon qui peut paraître paradoxale, un accident majeur contribue à réduire considérablement la probabilité que le même type d'accident se reproduise, en raison des mesures qui sont prises. C'est ainsi que la sécurité des voyages par avion a considérablement progressé dans le temps, chaque accident conduisant à prendre de nouvelles dispositions.
On constate toute la difficulté d'estimer une telle probabilité. En outre, il est difficile de fixer un niveau acceptable: 10-4, 10-5 ou 10-6 ? Dans ces conditions, le risque ressenti par l'opinion pourrait peser dans les décisions davantage qu'une estimation scientifique, même si celle-ci conduit sans doute à un résultat beaucoup plus exact. L'enjeu de telles études de risque demeure néanmoins crucial.
L'usage du calcul des probabilités s'avère fort délicat. Les études probabilistes sont complexes. Pour chiffrer le risque d'un accident majeur (fusion de cœur sans éjection de matière fissile), l'idée présentée dans l'ouvrage consiste à corriger suivant une démarche bayésienne une probabilité a priori, telle qu'estimée par des experts, en tenant compte d'une probabilité déduite de l'observation des faits. La probabilité a priori est tirée d'une étude américaine de 1997, qui la chiffre à 6,5 10-5 avec un degré de confiance de 95%. Cela suppose que celle-ci, basée sur l'analyse de réacteurs américains et menée il y a plus de quinze ans, s'applique aux autres réacteurs dans le monde. La probabilité "tirée des faits observés" est estimée à 7,8 10-4. En combinant ces deux valeurs, on aboutit à une probabilité de 3,2 10-4 par réacteur et par an.
Cette deuxième probabilité est particulièrement délicate à chiffrer, comme on peut le constater selon les exemples présentés dans l'ouvrage. Un des exemples cités est tiré d'une note d'Etienne Ghys, Directeur de recherche au CNRS, faisant suite elle-même à un article de Benjamin Dessus et Bernard Laponche. A partir des accidents de Tchernobyl et Fukushima ayant affecté 4 réacteurs, ceux-ci avaient estimé la probabilité d'un accident majeur comme étant de 1/450x31 = 0,0003 et la probabilité d'un accident majeur en Europe dans les trente ans de 143 fois trente fois 0,0003, soit 129%! Avec les mêmes hypothèses, un calcul de probabilités, élémentaire mais cette fois-ci correct, conduit à une probabilité de 72%, qui est déjà considérable. Toutefois, un tel chiffrage, en lui-même correct, repose sur des hypothèses de départ discutables. Chiffrer une probabilité à partir de deux accidents majeurs sur 31 ans ne paraît guère raisonnable. Considérer la probabilité d'accident comme partout équivalente, alors qu'elle est très supérieure dans une zone sismique, est également inexact. Traiter les accidents ayant affecté les trois réacteurs de Fukushima comme indépendants l'est encore plus. En outre, comment définir un "accident majeur". Faut-il en compter deux (Tchernobyl et Fukushima), quatre (nombre de réacteurs concernés) ou onze (cas de fusion sans éjection de matière fissile)? Enfin, de façon qui peut paraître paradoxale, un accident majeur contribue à réduire considérablement la probabilité que le même type d'accident se reproduise, en raison des mesures qui sont prises. C'est ainsi que la sécurité des voyages par avion a considérablement progressé dans le temps, chaque accident conduisant à prendre de nouvelles dispositions.
On constate toute la difficulté d'estimer une telle probabilité. En outre, il est difficile de fixer un niveau acceptable: 10-4, 10-5 ou 10-6 ? Dans ces conditions, le risque ressenti par l'opinion pourrait peser dans les décisions davantage qu'une estimation scientifique, même si celle-ci conduit sans doute à un résultat beaucoup plus exact. L'enjeu de telles études de risque demeure néanmoins crucial.
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